Demandez aux scientifiques cognitivistes : Est-ce que les apprenants visuels, auditifs, et kinesthésiques ont besoin d’un enseignement visuel, auditif et kinesthésique ? Imprimer Envoyer
Pédagogie Explicite - Études
Écrit par Daniel T. Willingham (trad. Françoise Appy)   
Mercredi, 13 Octobre 2010 00:00

Source : American Educator

Daniel T. Willingham

Demandez aux scientifiques cognitivistes :

Est-ce que les apprenants visuels, auditifs, et kinesthésiques ont besoin d’un enseignement visuel, auditif et kinesthésique ?

Traduction et adaptation : Françoise Appy

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Comment l’esprit fonctionne-t-il et plus particulièrement, comment apprend-il ? Les décisions pédagogiques des enseignants sont basées sur un mélange de théories apprises lors de leur formation, par essai et erreur, par savoir d’expérience, par instinct. Le plus souvent un tel instinct nous rend service, mais y a-t-il quelque chose de plus solide sur quoi nous appuyer ?

La science cognitive est un champ interdisciplinaire regroupant des chercheurs en psychologie, en neuroscience, en linguistique, en philosophie, en informatique, et en anthropologie ; ils cherchent à comprendre l’esprit. Dans cette colonne de l’American Educator, nous considérons certaines découvertes de ce champ d’étude, celles qui sont assez fortes et claires pour mériter  une application dans les classes.

Question : Que nous dit la science cognitive sur l’existence des apprenants visuels, auditifs et kinesthésiques et sur la meilleure façon de leur enseigner ?

L’idée selon laquelle les gens diffèrent dans leurs aptitudes à apprendre des choses nouvelles selon leur  modalité – à savoir si l’enfant les entend, les voit, les touche – a été testée depuis plus de 100 ans. Et l’idée que ces différences pourraient être utiles dans les classes, depuis au moins 40 ans.

Ce que nous a appris la science cognitive est que les enfants effectivement se distinguent par leurs aptitudes grâce à différentes modalités, mais que l’enseignement selon la modalité dominante n’a aucune influence sur leur succès scolaires. Ce qui importe est d’enseigner selon la meilleure modalité du contenu. Tous les élèves apprennent mieux quand le contenu dicte le choix de la modalité. Dans cet article, je vais décrire quelques-unes des recherches sur le fait d’associer le potentiel de la modalité à celle de l’enseignement. J’expliquerai aussi pourquoi l’idée d’adapter l’enseignement à la modalité dominante de l’élève est vivace – en dépit des preuves substantielles de son caractère erroné.

Les discussions [1] sur les apprenants visuels, auditifs, kinesthésiques sont courantes dans la littérature éducative, dans les programmes de formation, dans les ateliers de formation continue. La théorie selon laquelle les élèves apprennent plus si le contenu est présenté selon leur meilleure modalité semble faire sens, semble s’appuyer sur les expériences de classe, et donne l’espoir de maximiser l’apprentissage de chacun en prévoyant des leçons différentes pour chaque type d’apprenant. Par exemple, dans une classe de  GS, l’apprenant auditif pourrait écouter des histoires à propos des vacances dans le monde, alors que l’apprenant visuel regarderait des images des vacanciers, et l’apprenant kinesthésique manipulerait des costumes ou objets associés aux vacances. Mais est-ce que cette théorie est correcte ? Et, qu’elle soit ou non correcte, n’est-il pas aussi vrai que tous les élèves de GS apprendraient autant de choses sur les vacances en écoutant des histoires, regardant des images, et manipulant des costumes ?

Avant de nous attaquer à la recherche sur l’utilisation des modalités pour améliorer l’apprentissage, voyons quelques éléments que la science cognitive nous enseigne sur ces modalités.

 

1. Certains souvenirs sont stockés comme des représentations visuelles et auditives – mais la plupart sont stockés en termes de sens.

Les psychologies cognitivistes ont utilisé des tâches formelles de laboratoire pour étudier le rôle de la modalité dans la mémoire. Une importante découverte de cette recherche est que le souvenir est habituellement stocké indépendamment de sa modalité. Vous conservez vos souvenirs en termes de sens – et non en termes de souvenir visuel, auditif ou tactile. L’expérience initiale par laquelle vous apprenez un fait, a peut-être été visuelle (regarder une flamme s’éteindre sous un verre) ou auditive (entendre une explication) mais la représentation qui résulte de cette connaissance dans votre esprit n’est ni visuelle ni auditive.

Comment les cognitivistes ont-ils fait pour montrer cela ? Un indice important montrant que les souvenirs sont stockés selon leur sens, se trouve dans les types d’erreurs que font les gens dans les tests de mémoire. Les personnes qui écoutent une histoire confieront plus tard « reconnaître » des phrases qui n’étaient pas dans l’histoire – dès lors que ces nouvelles phrases sont cohérentes avec le sens de l’histoire.  (Bransford et Franks, 1971). Le même phénomène est observé avec des stimuli purement visuels. Les gens perdent rapidement la mémoire des images précises qui racontent une histoire imagée (ex : si un personnage est tourné vers la droite ou vers la gauche), mais ils retiennent le sens ou le message de l’histoire. (Gernsbacher, 1985)

Ces découvertes ne signifient pas que nous ne pouvez pas stocker des informations visuelles ou auditives. Vous le pouvez, et vous le faites. Par exemple, si je vous demande « Quel est le vert le plus foncé : celui d’un sapin de Noël ou celui d’un petit pois congelé ? », vous expliquerez sans doute que vous répondez à cette question en visualisant les deux objets côte à côte et en évaluant lequel est plus foncé. Si je vous demande qui de Bill Clinton ou de George W. Bush, a la voix la plus grave, vous expliquerez que vous appelez un souvenir auditif des deux personnages.

L’esprit est capable de stocker des souvenirs sous différents formats, et la recherche en laboratoire indique qu’une seule expérience conduit habituellement à plusieurs types de représentations. Quand les sujets regardent une histoire imagée, ils ont une représentation visuelle de l’aspect de l’image, en plus de la représentation liée au sens. Habituellement, ils ne se souviennent pas de la représentation visuelle pendant longtemps ; en effet, quand ils voient les images, ils pensent à son sens, afin de comprendre l’histoire. Si, au contraire, on leur demandait des détails visuels sur l’image en ignorant l’histoire, ils auraient alors une meilleure image visuelle des détails et la représentation liée au sens serait moins bonne ;  (Ce principe est un autre exemple d’une généralisation évoquée dans un article précédent : ce qui est stocké en mémoire est ce à quoi vous pensez. Pour lire cet article [2].)

 

2. Les différentes représentations visuelles, auditives et basées sur le sens dans nos esprits ne peuvent pas se substituer les unes aux autres.

Nos esprits ont ces différents types de représentation pour une raison: chaque  représentation est plus ou moins efficace pour le stockage des différents types d’informations. Les représentations visuelles par exemple, sont pauvres pour stocker du sens parce qu’elles se prêtent souvent à plusieurs interprétations : une image statique d’une voiture roulant sur une pente enneigée pourrait être interprétée comme une voiture essayant de monter la pente, ou dérapant à reculons vers le bas. Et certains concepts ne se prêtent pas bien à des images : comment représenter « génie » ou « démocratie » dans une image ? D’un autre côté, les différentes nuances de vert d’un petit pois congelé seront stockées visuellement parce que l’information est par nature visuelle.

Parce que ces différentes représentations de la mémoire stockent différents types d’informations, vous ne pouvez pas en général substituer une représentation à une autre. Cela est illustré par une expérience faite par Chat Dodson et Arthur Shimamura (2000). Ils ont demandé aux sujets d’écouter deux listes de mots et de juger si oui ou non chaque mot de la seconde liste (mots nouveaux) était aussi dans la première liste (mots étudiés), comme montré ci-dessous.  La chose intéressante fut que chaque mot sur chaque liste était prononcé soit par un homme (en caractères gras) ou une femme (en italique). Si un mot était sur les deux listes, il pouvait être prononcé par la même voix (« window ») ou par une voix différente (« doctor »). La question consiste à se demander si changer le genre de la voix (et donc l’expérience auditive) influence la mémoire pour les mots étudiés.

Dodson et Shimamura ont trouvé que le genre de la voix, ne faisait aucune différence dans le souvenir des mots (75 % contre 73% exactement). Cela veut dire que les sujets se souvenaient aussi bien de « doctor » que de « window ». Mais quand les sujets ont jugé qu’un mot était dans la première liste, ils devaient aussi dire si c’était un homme ou une femme qui l’avait prononcé. Pour cela, les sujets furent encore plus précis quand c’était la même voix qui avait prononcé les mots sur les deux listes (57%) ; si la voix avait changé le résultat était de 39%. Cette expérience indique que les sujets stockent l’information auditive, mais cela les aide seulement à se souvenir de la partie auditive de la mémoire.  – le son de la voix – et non du mot lui-même, qui lui est stocké en termes de sens.

LIST 1

LIST 2

Shell

Doctor

Radio

Fleet

Doctor

Midnight

Table

Thread

Window

Reason


Window

 

3. Les enfants diffèrent probablement dans leur mémoire visuelle et auditive, mais dans la plupart des situations, cela fait peu de différence en classe.

Retournons en classe. Nous avons dit que certaines mémoires étaient stockées visuellement, d’autres auditivement et d’autres en termes de sens. Et il est probable que les certains élèves ont une meilleure mémoire visuelle ou auditive. Est-ce que cela ne devrait pas  signifier que certains élèves se souviendront mieux dans leur modalité dominante ? Oui, mais quel avantage cette mémoire supérieure peut-elle fournir à l’élève en classe ?  Les enseignants veulent presque toujours que les élèves se souviennent du sens des choses, et non de ce à quoi elles ressemblent ou leur sonorité. Pour tout enseignement dans son ensemble, la vision et l’audition ne sont que des véhicules qui transportent l’information que les enseignants veulent transmettre aux élèves. Il y a des types limités de connaissances pour lesquels une représentation visuelle ou auditive est nécessaire. L’enfant avec une bonne mémoire visuelle peut dépasser ses pairs s’il s’agit de situer les capitales sur une carte de l’Europe, par exemple. Cette tâche par nature est visuelle. L’enfant avec une bonne mémoire auditive apprendra correctement l’accent d’une langue étrangère plus rapidement. (Et l’enfant avec une bonne mémoire kinesthésique sera bon en sports, en graphie, ou peinture). Mais la plupart de ce que nous voulons enseigner aux enfants est basé sur le sens, et ainsi leur modalité dominante de mémoire ne leur donne aucun avantage, même si l’information est présentée dans celle-ci. Que l’information soit présentée de manière auditive ou visuelle, l’élève doit toujours extraire et stocker son sens.

 

Que dit la recherche sur le fait d’enseigner selon la meilleure modalité de l’enfant ?

Parce que la plus grande partie des contenus d’enseignement sont stockés en terme de sens et ne s’appuient pas sur la mémoire visuelle, auditive ou kinesthésique, il n’est pas surprenant que les chercheurs aient trouvé très peu de preuves venant soutenir l’idée qu’enseigner selon la modalité dominante de l’enfant aurait un effet positif sur l’apprentissage. Quelques études montrent un effet positif pour le respect de la modalité dominante, mais beaucoup d’autres ne montrent aucun effet (Kampwirth and Bates, 1980; Arter and Jenkins, 1979). Le compte-rendu le plus détaillé fut conduit par Kenneth Kavale et Steven Forness (1987) ; il est particulièrement pertinent pour les enseignants parce qu’il contient plusieurs études testant l’efficacité des approches spécifiques (en opposition aux tests en laboratoire). Kavale et Forness ont analysé 39 études en utilisant une technique appelée méta-analyse, qui permet de combiner les données de différentes études. En combinant plusieurs études,  dans une seule analyse statistique, les chercheurs ont plus de pouvoir pour détecter un petit effet, s’il existe.

Les résultats initiaux indiquaient qu’enseigner selon la modalité dominante pouvait avoir un petit impact sur l’apprentissage, mais une inspection plus attentive a nuancé cette conclusion. Les études montrant des effets révélaient des problèmes méthodologiques. Par exemple, une erreur courante dans l’étude des modalités, est l’incapacité de s’assurer que les plans de leçon et les contenus sont équivalents en tous points quelle que soit la modalité (car c’est le seul moyen d’être sûr que tout effet trouvé sera dû à la modalité). Certaines études ont utilisé des matériaux spécialement préparés pour des conditions visuelles et auditives et puis comparées à des études utilisant des matériaux réguliers. Il est possible que les matériaux préparés spécialement aient été plus intéressants ou mieux organisés que les autres. Ce type d’erreur met en question les résultats obtenus parce que personne ne peut dire si les résultats obtenus étaient causés par le changement de modalité ou par l’utilisation de meilleurs matériaux. (Les résultats peuvent démontrer que les enfants apprennent mieux quand les enseignants utilisent de meilleurs matériaux). Quand Kavale et Forness ont limité la méta-analyse aux études dépourvues de tels problèmes méthodologiques, l’effet de modalité avait disparu [3].

La méta-analyse de Kavale et Forness fournit des preuves substantielles que l’ajustement de l’enseignement sur la modalité des élèves n’est pas efficace; parmi ces nombreuses études bien conçues, un tel ajustement n’a eu aucun effet. Mais les lecteurs devraient garder à l’esprit qu’il est impossible de prouver ce qui n’est pas : nous ne pouvons pas être certains que la théorie des modalités est incorrecte parce qu’il est toujours possible que nous n’ayons pas cherché la juste sorte de preuve. Un théoricien inventif pourrait toujours créer une nouvelle version de la théorie avec des prédictions qui n’auraient pas été encore testées. Néanmoins, la méta-analyse incluait un grand nombre d’études qui testaient beaucoup d’hypothèses différentes (Voir « Comment la théorie des modalités a-t-elle été testée ? » « How Has Modality Theory Been Tested? » par exemple).

Bien qu’il soit techniquement vrai que la théorie n’a pas été (et ne sera jamais) réfutée, nous pouvons dire que les possibles effets de l’ajustement de l’enseignement sur la modalité dominante d’un élèves, a été étudiée de manière extensive et n’a constaté aucune preuve positive. S’il y avait un effet de quelque conséquence, il est très probable que nous en aurions connaissance à l’heure qu’il est.

 

Les enseignants devraient se centrer sur le contenu de la modalité dominante.

Nous avons vu que l’esprit utilise différentes représentations pour stocker différents types d’informations et que ces représentations se substituent peu l’une à l’autre. Cela indique que les enseignants devraient bien sûr penser à la modalité qu’ils vont utiliser pour présenter un sujet, mais leur but devrait être la meilleure modalité adaptée au contenu, et non chercher (en vain) la modalité adaptée à l’élève. Si l’enseignant veut que l’élève apprenne et se souvienne de l’aspect d’une chose, la meilleure présentation sera visuelle. Par exemple, si les élèves doivent apprécier l’apparence d’une pyramide maya, il serait plus efficace de montrer une image plutôt que d’en faire une description verbale.

Beaucoup de sujets font référence à des informations en plusieurs modalités. Dans une unité sur la guerre de Sécession, en plus de cours et de lectures, il peut être approprié d’inclure des enregistrements de musique militaire, des représentations ou des cartes des champs de bataille, et peut-être une opportunité de montrer le paquetage et l’équipement des troupes afin que les élèves apprécient son poids. De la même manière, si les élèves étudient les sonnets anglais, ils doivent entendre les accents des pentamètres iambiques, et voir leur représentation visuelle.

Il y a d’autres façons de faire dans lesquelles la modalité d’enseignement peut influencer l’efficacité d’une leçon – mais l’influence s’applique à tous les enfants (voir "The Content's Best Modality Is Key" « La meilleure modalité du contenu est la clé »). Les expériences dans les diverses modalités simplement pour le plaisir d’inclure différentes modalités, ne devraient pas être un but en soi. Les sujets devraient être présentés de manière auditive ou visuelle parce que l’information que l’enseignant veut transmettre est mieux transmise dans ce mode ; il n’y a aucun bénéfice pour les élèves si le professeur présente les pyramides mayas par une présentation auditive pour les élèves qui ont une bonne mémoire auditive. Tous devraient en voir une représentation. L’idée importante de cet article est que la modalité a la même importance pour tous les élèves.

 

Si la théorie de la modalité est fausse, pourquoi donc semble-t-elle si juste ?

La croyance en cette théorie est très répandue parmi les enseignants. Il y a plus de 25 ans, Arter et Jenkins (1979) ont rapporté que plus de 90% des enseignants spécialisés y croyaient. Aujourd’hui, l’abondance des livres décrivant cette théorie, suggérant des plans de leçons et proposant des façons de la mettre en place, montre qu’elle est encore largement acceptée. Pourquoi est-elle si largement admise s’il n’y a aucune preuve pour la soutenir ?

Un facteur est que cela convient à l’hypothèse générale tenu par nombre d’enseignants, selon laquelle il y aurait vraiment de grandes différences dans la façon d’apprendre des élèves. La modalité nous donne un moyen facilement compréhensible de penser ces différences entre élèves et elle offre un message d’espoir – un ajustement relativement facile dans les pratiques enseignantes peut fournir un élan aux élèves qui en ont besoin. Plus que cela, tout le monde le croit. Bien que fausse, la vérité de la théorie des modalités est devenue une « connaissance de base ».

Je pense que ces facteurs peuvent contribuer à la croyance, mais je pense aussi que la plupart des enseignants ne croiraient pas cette théorie si elle n’était pas pertinente avec leur expérience propre. Deux choses peuvent apparaître comme des preuves pour un enseignant, en classe. D’abord, un enseignant qui croit à cette théorie va interpréter des situations ambigües comme validation de celle-ci. Par exemple, un enseignant peut expliquer verbalement à un élève - plusieurs fois - l’idée d’ « emprunt » dans la soustraction, sans succès. Puis il dessine un diagramme qui représente plus explicitement que le « 3 » des dizaines équivaut à « 30 ». Soudain, le concept fait clic pour l’élève. L’enseignant pense « Ah. Voici un apprenant visuel. Quand j’ai dessiné le diagramme, il a compris.” Mais la meilleure explication est que le diagramme aurait aidé n’importe quel élève parce que c’est une bonne façon de représenter un concept difficile. L’enseignant interprète le succès de l’élève en terme de modalité parce qu’on lui a dit que cette théorie était juste et parce qu’elle semble expliquer son expérience. Mais les cognitivistes savent depuis longtemps que nous remarquons et retenons des exemples qui confirment nos croyances, et, sans en avoir l’intention, ignorons et oublions les preuves qui ne le font pas.

La théorie des modalités peut aussi sembler correcte parce que, comme nous l’avons dit, les enfants diffèrent dans leurs modalités de mémoire. Je me souviens de ma fille commentant  (spontanément, comme tout enfant de 4 ans) que sa maîtresse de maternelle avait dit « white »d’une manière telle que le « h » était faiblement mais distinctement audible. J’étais impressionné qu’elle ait noté cette différence, qu’elle s’en soit souvenu et qu’elle l’ait reproduite. Donc, ma fille devait avoir une bonne mémoire auditive, et cela pourrait l’aider dans certaines tâches, comme se souvenir des accents régionaux, si jamais elle décidait de devenir actrice. Cela ne veut pas dire que je veux que ses enseignants présentent leurs leçons en accentuant le côté auditif, parce que sa bonne mémoire auditive ne l’aidera pas s’il faut qu’elle retienne du sens. Mais il est facile de voir comment quelqu’un (par erreur) pourrait croire que des sujets difficiles seraient rendus plus faciles pour elle s’ils étaient présentés auditivement. De plus, comme le dit le titre « La meilleure modalité du contenu est la clé » l’indique, il y a plusieurs situations dans lesquelles la modalité  renforce l’enseignement (pour tous les élèves) – et il est facile d’imaginer que cela est dû à la modalité de l’enfant, alors qu’en fait c’est dû à celle du sujet traité.

 

Références

Arter, J. A. and Jenkins, J. A. (1979). Differential diagnosis-prescriptive teaching: A critical appraisal. Review of Educational Research, 49, 517-555.

Bransford, J. D. and Franks, J. J. (1971). The abstraction of linguistic ideas. Cognitive Psychology, 2, 331-350.

Dodson, C. S. and Shimamura, A. P. (2000). Differential effects of cue dependency on item and source memory. Journal of Experimental Psychology: Learning, Memory, & Cognition, 26, 1023-1044.

Dunn, R. (1990). Bias over substance: A critical analysis of Kavale and Forness’ report on modality-based instruction. Exceptional Children, 56, 352-356.

Dunn, R. and Dunn, K. (1992). Teaching Elementary Students Through Their Individual Learning Styles. Boston: Allyn and Bacon.

Dunn, R. and Dunn, K. (1993). Teaching Secondary Students Through Their Individual Learning Styles. Boston: Allyn and Bacon.

Dunn, R., Dunn, K., and Perrin, K.J. (1994). Teaching Young Children Through Their Individual Learning Styles. Boston: Allyn and Bacon.

Dunn, R., Griggs, S. A., Olson, J., Beasly, M. and Gorman, B. S. (1995). A meta-analytic validation of the Dunn and Dunn model of learning style preferences. Journal of Educational Research, 88, 353-362.

Gernsbacher, M. A. (1985). Surface information loss in comprehension. Cognitive Psychology, 17, 324-363.

Kampwirth, T. J. and Bates, M. (1980). Modality preference and teaching method. A review of the research. Academic Therapy, 15, 597-605.

Kavale, K. A. and Forness, S. R. (1990). Substance over style: A rejoinder to Dunn’s animadversions. Exceptional Children, 56 (4), 357-361.

Kavale, K. A. and Forness, S. R. (1987). Substance over style: Assessing the efficacy of modality testing and teaching. Exceptional Children, 54(3), 228-239.

Kavale, K. A., Hirshoren, A., Forness, S. R. (1998). Meta-analytic validation of the Dunn and Dunn Model of Learning-Style Preferences: A critique of what was Dunn. Learning Disabilities Research & Practice, 13, 75-80.

Mahoney, M. J. and DeMonbreun, B. G. (1981). Problem-solving bias in scientists. In R. D. Tweney, M. E. Doherty, and C. R. Mynatt (Eds.) On Scientific Thinking (pp. 139-144). New York: Columbia University Press.

Wason, P. C. (1960). On the failure to eliminate hypotheses in a conceptual task. Quarterly Journal of Experimental Psychology, 12, 129-140.

 


Daniel T.Willingham est professeur en psychologie cognitive à l’université de Virginie et auteur de Cognition : The Thinking Animal. Sa recherché porte sur le rôle de la conscience dans l’apprentissage. Les lecteurs peuvent poser leurs questions à “Ask the Cognitive Scientist”, American Educator, 555 New Jersey Ave. N.W., Washington, D.C. 20001 ou à Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. .  Les prochains articles essaieront de répondre à ces questions.

[1] . La notion d’apprenants kinesthésiques représente une grande partie de la théorie des modalités. Cependant, cet article se concentrera sur les deux autres modalités parce que ce qui est ordinairement considéré comme une « expérience d’apprentissage kinesthésique » est presque toujours une erreur d’appellation. L’information kinesthésique vient des articulations et des muscles et informe le cerveau de l’emplacement des parties du corps. L’apprentissage kinesthésique est le processus qui rend les mouvements automatiques : c’est le type d’apprentissage que vous faites quand vous commencez à taper plus vite, à monter à vélo, ou à hacher de l’ail. Dans la classe, une « expérience kinesthésique d’apprentissage » est habituellement évoquée pour  signifier toute activité impliquant du mouvement, par exemple, disséquer un ver ou utiliser des blocs pour apprendre les fractions. Mais l’apprentissage qui est issu de ces activités presque toujours va de pair avec des changements de l’activité mentale – l’apprentissage ne fait pas vraiment partie de l’expérience kinesthésique. Par exemple, si je tiens dans mes mains un habit grec (plutôt que si je vous vois le tenir), je suis celui qui décide quelle partie examiner, si je dois ou non le revêtir, etc. Les véritables expériences kinesthésiques d’apprentissage, comme la pratique de l’écriture, ne composent pas une grande partie du curriculum. Pour éviter d’avoir à décider à chaque fois s’il s’agit ou non d’une véritable expérience kinesthésique d’apprentissage, je me réfèrerai principalement aux modalités visuelle et auditive. Les conclusions s’appliqueront aussi aux expériences d’apprentissage kinesthésique.

[2] . www.aft.org/pubs-reports/american_educator/summer2003/cogsci.html

[3] . Cette méta-analyse ne fut pas sans controverse. Rita Dunn, qui a proposé une théorie cohérente avec les effets des modalités (ex Dunn and Dunn, 1992; 1993; Dunn, Dunn and Perrin, 1994) a écrit une critique plutôt acrimonieuse de l’étude de Kavale et Forness (Dunn, 1990 ), à laquelle ils ont répondu (Kavale et Forness, 1990. Dunn plus tard a publié sa propre méta-analyse (Dunn et al., 1995), qui semblait étayer l’idée d’un fort effet des modalités. Kavale et ses collègues, (1998), ont remarqué cependant, que la seule étude recensée était apparue dans une recension de collègues dans un journal. Toutes les autres étaient des thèses de doctorat non publiées, et 21 d’entre elles étaient issues de l’université St John, sa propre institution. Cela est un problème en tant que confirmation du biais – une tendance des chercheurs d’influencer inconsciemment l’architecture d’une étude et son interprétation en faveur des issues qu’ils espèrent pouvoir observer (Wason, 1960; Mahoney and DeMonbreun, 1981). C’est pourquoi il est vital que la recherche ait des chercheurs critiques et experts impartiaux. Presque aucune des études comprises dans la méta-analyse de Dunn n’a été examinée par des critiques extérieurs, qui ont eu du mal à la prendre sérieusement.

 
 
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