Composantes essentielles et communes de l’enseignement explicite Imprimer Envoyer
Pédagogie Explicite - Synthèses
Écrit par Didier Goudeseune   
Mercredi, 05 Janvier 2022 11:44

Source : Par temps clair

Didier Goudeseune

Composantes essentielles et communes de l’enseignement explicite

 

 

Dans un article de recherche, Hughes et ses collègues (2017) se sont employés à créer une définition de l’enseignement explicite à partir d’une revue de la recherche sur le sujet.

Ils ont identifié et analysé 68 articles liés à l’enseignement explicite publiés entre 2000 et 2016 qui le définissaient ou comprenaient une liste de composantes pédagogiques reliées. Ils ont identifié les composantes les plus fréquentes.

Ils ont identifié cinq comportements ou composantes pédagogiques qualifiées d’essentielles et incluses dans au moins 75 % des 68 publications, et les ont qualifiées de composantes “essentielles. Sept autres composantes ont été identifiées dans 50 à 74 % des publications et sont considérées comme des composantes communes de l’enseignement explicite.

 

Une définition de l’enseignement explicite

 

L’enseignement explicite est un ensemble de pratiques pédagogiques soutenues par la recherche. Elles sont utilisées pour concevoir et dispenser un enseignement qui fournit les supports nécessaires à un apprentissage réussi grâce à la clarté du langage et de l’objectif, et à la réduction de la charge cognitive.

L’enseignement explicite favorise l’engagement actif de l’élève en exigeant des réponses fréquentes et variées, suivies d’une rétroaction formative appropriée. Il contribue à la consolidation à long terme des connaissances et compétences par l’utilisation de stratégies de pratique efficaces.

Les composantes de l’enseignement explicite ne sont pas nouvelles. L’enseignement explicite n’est pas une approche pédagogique totalement inventée. Elle est plutôt une itération récente d’approches pédagogiques antérieures optimisées. Celles-ci sont intégrées et fonctionnent en synergie de manière à atteindre une plus grande efficacité globale.

 

 

Cinq composantes essentielles de l’enseignement explicite

 

Ces cinq composantes permettent d’offrir un soutien pédagogique optimal aux élèves lorsqu’ils apprennent de nouveaux contenus. Ils ne pourraient pas les apprendre aussi efficacement par eux-mêmes ou par l’utilisation de méthodes moins guidées et de soutien (par exemple, l’apprentissage par la découverte).

 

Segmenter les compétences complexes

La composante la plus fréquemment mentionnée au sujet de l’enseignement explicite est la décomposition (segmentation) des tâches et stratégies complexes en unités d’enseignement plus petites et plus « gérables ».

Les segments sont enseignés séparément, dans un ordre logique, afin de réduire la complexité et la charge cognitive.

Les élèves doivent maîtriser le premier segment ou la première sous-activité avant de passer au deuxième, et ainsi de suite.

Dans la mesure du possible, la sous-activité précédente est intégrée (par exemple, pratiquée) avec le nouveau fragment de manière cumulative. En procédant de la sorte, à la fin de la chaine pédagogique, toutes les sous-activités sont pratiquées comme un tout dans le cadre de tâches authentiques.

Le découpage en morceaux est souvent utilisé pour enseigner des stratégies à plusieurs étapes.

 

Modelage et réflexion à haute voix

Le modelage vise à fournir d’emblée aux élèves des descriptions et des démonstrations claires, concises et cohérentes de la façon dont la compétence ou la stratégie est exécutée.

Dans le cadre du modelage, les enseignants utilisent la réflexion à haute voix pour rendre explicites les processus clés, externes ou internes, de ce qui est en train d’être appris.

Ils rendent visible en montrant et détaillant les actions physiques clés. Ils rendent de même explicite leur pensée en disant aux élèves, c’est-à-dire en réfléchissant à haute voix à la première personne, sur comment résoudre un problème ou accomplir une tâche.

Les démonstrations et les descriptions sont présentées avec clarté en utilisant des mots que les élèves comprennent. Elles sont faites avec concision, en évitant les mots inutiles, les synonymes ou les redondances.

Les termes clés sont récurrents tout au long du cours, ce qui apporte de la cohérence.

Il a été établi qu’un langage clair pendant l’enseignement a un impact élevé sur l’apprentissage des élèves qu’ils aient ou non des troubles de l’apprentissage.

 

Favoriser l’engagement en utilisant un étayage temporaire

Après avoir modélisé une nouvelle compétence ou stratégie, l’enseignant offre des opportunités de pratique guidée.

L’enseignant favorise la précision et l’auto-efficacité de l’élève en utilisant des niveaux appropriés de guidage ou d’étayage par le biais d’invites (physiques, visuelles ou verbales).

Le niveau ou l’intensité de l’étayage est progressivement allégé au fur et à mesure que les élèves développent leur compréhension et démontrent leur exactitude et leur précision.

Le retrait de l’étayage se poursuit jusqu’à ce que les élèves soient prêts à s’exercer sans aide lors de la pratique autonome, mais cependant toujours sous la surveillance étroite de l’enseignant.

Le fait de surveiller les réponses des élèves à des tâches non guidées lors de la pratique autonome permet à l’enseignant de vérifier quand les élèves sont prêts à s’exercer seuls avec un haut niveau de succès. Par la suite, l’enseignant pourra introduire ces contenus dans des devoirs ou de la pratique de récupération.

 

Donner aux élèves l’occasion de répondre et de recevoir des commentaires

Tout au long d’une leçon explicite, les réponses des élèves sont fréquemment sollicitées afin :

D’accroître l’attention et l’engagement des élèves

De délivrer aux enseignants un retour d’information sur la façon dont les élèves comprennent ou appliquent ce qui est enseigné.

Un suivi étroit des réponses des élèves par l’enseignant permet à ce dernier de fournir un renforcement positif et une rétroaction formative en temps opportun et de décider s’il convient d’adapter l’enseignement ou s’il peut passer à la suite.

Les réponses des élèves peuvent :
Être données en groupe, en binôme ou individuellement
Faire appel à différentes modalités : oral, écrit, action
Indiquer différents niveaux de compréhension ou de connaissance : factuel, procédural, conceptuel, conditionnel

Les exigences relatives à la réponse peuvent être étayées au besoin (p. ex., utilisation de cadres d’écriture, d’amorces de phrases, simplification initiale du niveau de questionnement avant une montée en complexité).

 

Offrir des occasions de s’exercer de manière ciblée

Les activités de pratique autonome font suite à l’enseignement d’une matière et sont essentielles à la rétention et à la généralisation des nouvelles compétences et connaissances.

Elles sont plus efficaces lorsqu’elles sont créées et réalisées de manière délibérée et ciblée, surtout pour les élèves ayant des troubles de l’apprentissage.

Les activités de pratique peuvent :
Être utilisées à des fins diverses (p. ex., acquisition initiale, fluidité, consolidation, récupération, transfert).
Utiliser divers formats de pratique efficaces (p. ex., distribué, cumulatif, entrelacé, problèmes résolus ou à compléter, pratique de récupération ou évaluation formative).
Se réaliser dans divers arrangements d’élèves, y compris individuels, par paires ou en groupes.

Indépendamment de l’objectif, du format ou de l’arrangement, la pratique est nettement plus efficace lorsqu’elle est accompagnée d’une rétroaction formative.

 

 

Sept composantes communes de l’enseignement explicite

 

Il s’agit de :
Sélectionner le contenu critique.
Enchainer logiquement les compétences.
S’assurer que les élèves possèdent les compétences et les connaissances préalables.
Énoncer clairement les objectifs et les attentes de l’apprenant.
Présenter un large éventail d’exemples et de non-exemples.
Maintenir un rythme soutenu.
Présenter les informations de manière à aider les élèves à comprendre comment elles sont organisées.

 

Sélectionner le contenu critique

Le contenu critique comprend les faits, les compétences, les stratégies, les concepts et les règles que les élèves doivent connaître, dans le présent et dans l’avenir, pour réussir dans leurs études.

Dans la mesure du possible, le contenu critique doit être vaste, global et utile pour un large éventail de situations propres au domaine. Par exemple, il s’agit de :
L’enseignement de stratégies d’apprentissage générales qui peuvent être utilisées dans de nombreuses situations.
De règles qui s’appliquent à de nombreux exemples plutôt que de n’avoir qu’un ensemble étroit d’application.
Des grandes idées d’un domaine de connaissance.

 

Enchainer les compétences de manière logique

Lors de l’enseignement d’un ensemble de connaissances constitué de compétences connexes et séquentielles (par exemple en sciences ou en mathématiques), la règle générale est d’enseigner les compétences les plus faciles avant les plus difficiles.

Cela permet d’enseigner aux élèves des compétences qui s’appuient les uns sur les autres. Le principe est d’activer ou d’enseigner à nouveau si nécessaire les compétences préalables nécessaires à l’apprentissage d’un nouveau contenu.

Autre élément clé, les compétences ou les concepts similaires doivent être séparés dans une séquence pédagogique afin de réduire les risques de confusion.

 

Vérifier que les élèves possèdent des compétences préalables et des connaissances de base

L’activation des connaissances préalables en aidant les élèves à accéder à ce qu’ils savent sur le sujet à venir est une activité souvent recommandée au début des cours.

Bien que le processus d’activation des connaissances qui existent déjà chez l’apprenant soit un étayage important, il est fondé sur l’hypothèse que l’apprenant connaît déjà certains éléments au sujet du nouveau contenu.

Pour les élèves ayant des troubles de l’apprentissage, ce n’est pas toujours le cas. Il se peut qu’ils entrent dans la leçon ou l’activité sans connaissances ou compétences préalables et, pour qu’ils réussissent, certaines informations de base doivent être enseignées ou réapprises en amont.

Avant de commencer un cours, il faut par conséquent vérifier si tous les élèves ont les connaissances préalables nécessaires pour bénéficier de l’apprentissage de la nouvelle compétence.

 

Fournir aux élèves un énoncé clair des objectifs et des attentes

Au commencement d’un cours, et dans le cadre d’une organisation préalable, les enseignants disent aux élèves, de manière explicite, ce qu’ils vont apprendre et, le cas échéant, comment les nouvelles informations sont liées aux anciennes.

Cette étape est souvent suivie d’une discussion sur les raisons pour lesquelles il est important d’apprendre la compétence ou les connaissances, ainsi que sur le lieu et le moment où ils peuvent les utiliser. De même, il est important de communiquer la façon dont ils seront évalués sur les objectifs, c’est-à-dire ce qui sera attendu d’eux.

Enfin, un bref énoncé sur les attentes en matière de comportement est communiqué (par exemple, contribuer à une discussion, prendre des notes).

 

Présenter un large éventail d’exemples et de contre-exemples

Imaginons que nous enseignons des règles, des stratégies ou du vocabulaire nécessitant des connaissances conditionnelles (c’est-à-dire quand les utiliser et quand ne pas les utiliser). Il est alors fondamental de présenter une variété d’exemples et de contre-exemples aux élèves.

Fournir aux élèves un large éventail d’exemples est important pour réduire la sous-généralisation d’une règle, d’une stratégie ou de l’usage d’un vocabulaire. Un large éventail de contre-exemples est important pour réduire la surgénéralisation et favoriser la discrimination.

 

Avancer à un rythme soutenu

En plus d’augmenter la quantité de contenu enseignée, un rythme soutenu permet de maintenir l’attention des élèves :
L’enseignant ne parle ni trop vite ni trop lentement, mais peut varier la vitesse de son élocution pour maintenir les élèves attentifs.
L’enseignant évite les digressions.
L’enseignant met en place une large prévention face aux écarts de comportement et en cas de besoin intervient discrètement de manière à minimiser le plus possible l’impact sur son enseignement.
Le cours est préparé, les supports sont à disposition et les activités sont enchainées sans temps mort.
L’enseignant sait quand il faut ralentir dans certaines situations pédagogiques lorsque par exemple, les élèves ont besoin d’un temps suffisant de réflexion pour répondre à une question.

 

Présenter l’information de manière à aider les élèves à organiser leurs connaissances

Une intervention courante et efficace, utilisée notamment pour aider les élèves ayant des troubles de l’apprentissage à reconnaître comment les connaissances du contenu sont organisées et reliées, est l’utilisation d’organisateurs graphiques.

Pour les élèves ayant des troubles de l’apprentissage, les organisateurs graphiques sont plus efficaces lorsqu’on leur apprend explicitement à les remplir et à les utiliser.

Les organisateurs graphiques peuvent être disponibles et mobilisables :
Avant un cours pour tracer les liens avec les connaissances préalables.
Pendant le cours, les élèves situent chaque nouvel élément à sa place dans un ensemble avec les liens pertinents.
En dehors du cours, comme support d’apprentissage autonome.

 

 

 

Bibliographie

Hughes, Charles & Morris, Jared & Therrien, William & Benson, Sarah. (2017). “Explicit Instruction: Historical and Contemporary Contexts”. Learning Disabilities Research & Practice, volume 32, issue 3, pp 140-148, août 2017.

 
 
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