Qu’est-ce que l’enseignement direct (ou explicite) et d’où vient-t-il ? Imprimer Envoyer
Pédagogie Explicite - Questions
Écrit par Maryse Bianco   
Vendredi, 27 Avril 2018 08:38

Maryse Bianco

Qu’est-ce que l’enseignement direct (ou explicite) et d’où vient-t-il ?

 

 

Les propriétés de l’enseignement explicite (ou direct) ont d’abord été décrites dans le cadre de recherches “processus-produits” dont le but était d’identifier par l’observation, les gestes professionnels caractérisant les enseignants les plus efficaces, c'est-à-dire les enseignants dont les élèves progressent le plus. D’une manière générale, ces recherches ont conclu à une plus grande efficacité des enseignants qui mettent en œuvre un enseignement direct (encore nommé enseignement explicite) et il n’existe pas depuis, de recherches ayant invalidé ces résultats (Bissonnette et al.,2010 ; Hattie, 2009; 2014 ; Rosenshine, 2009). L’enseignement explicite est défini par un ensemble de six principes (encadré 5) qui aboutissent à un enseignement très structuré dans lequel l’enseignant dirige l’activité de l’élève au moment où il aborde une nouvelle notion pour transférer progressivement la responsabilité de la gestion de l’activité à ce dernier.

 

Encadré 5 : les principes de l’enseignement direct (ou explicite) (d’après Bianco, 2015).

 

Les six caractéristiques de l’enseignement direct :

 

1 - Révision journalière : la leçon commence par une révision de 5 à 8 minutes des notions apprises précédemment. Elle permet à l’enseignant de :

- s’assurer que les élèves maîtrisent les habiletés et notions (la connaissance) nécessaire à la leçon du jour ;

- de réexpliquer et de ré-entraîner les habiletés, celles notamment qui doivent être automatisées (ou sur-apprises).

 

2 - Présentation du nouveau matériel : nouvelles notions, objectifs de la leçon.

* Les enseignants efficaces, passent plus de temps que leurs collègues moins efficaces à :

- présenter et expliquer les nouvelles notions ;

- donner de nombreux exemples ;

- poser des questions pour s’assurer de la bonne compréhension des élèves ;

- ré-expliquer.

* Ils segmentent la présentation des notions nouvelles en étapes ; ils analysent les notions complexes afin de les décomposer en un ensemble de sous notions que les élèves peuvent plus facilement appréhender sans être submergés par un ensemble de paramètres dépassant leurs capacités cognitives.

 

3 - Pratique guidée : les enseignants les plus efficaces guident et supervisent la mise en œuvre initiale des nouvelles notions par les élèves. L’élément majeur de ce guidage consiste à susciter la discussion entre le maître et les élèves, et entre les élèves. L’enseignant pose de nombreuses questions ; il incite les élèves à auto-expliquer comment ils s’y prennent pour répondre aux questions. Plus ce temps de guidage est important, meilleures sont les réussites des élèves.

 

4 - Feedback et corrections : les enseignants les plus efficaces corrigent immédiatement les erreurs faites par les élèves et fournissent un étayage en réexpliquant, en fournissant des indices pour parvenir à la réponse attendue et en simplifiant les questions lorsque c’est nécessaire. Ils utilisent aussi la pensée à haute voix (ou auto-explication) pour donner à voir les arguments qui conduisent à la réponse (« c’est cette réponse parce que... »).

 

5 - Travail individuel (ou pratique indépendante) : ce temps d’exercice fournit l’occasion à l’élève de s’entraîner à utiliser la notion apprise afin de l’intégrer à ces connaissances et de pouvoir l’utiliser de manière suffisamment fluide.

 

6 - Révisions systématiques, hebdomadaires et mensuelles : ces révisions systématiques et à intervalles réguliers permettent de réactiver ce qui a été appris, de ré-entraîner afin d’augmenter l’intégration des connaissances et l’automatisation de celles qui doivent l’être.

 

 

Dans un dispositif explicite d’enseignement, l’attitude pédagogique de l’enseignant se caractérise donc par un ensemble de traits saillants. Il endosse tout d’abord la responsabilité de réduire la complexité de la tâche dans l’approche initiale d’une notion. Pour cela, il affiche clairement l’objectif de la leçon et segmente l’activité en sous-tâches accessibles à l’élève, évitant ainsi de dépasser ses capacités attentionnelles et les risques associés de surcharge cognitive. La maîtrise d’une activité complexe est donc une construction progressive où sont abordées, tour à tour chacune, les habiletés impliquées, avant d’exiger leur mise en œuvre intégrée dans l’activité elle-même.

L’enseignant guide ensuite l’élève dans sa pratique initiale en fournissant les étayages nécessaires. Il montre les stratégies à utiliser pour réaliser tel ou tel exercice ; il donne à voir son expertise en « pensant à haute voix ». S’agissant du langage, il rend de cette manière perceptible à l’élève, des mécanismes autrement non perceptibles. Comme nous l’avons vu, les mécanismes de la lecture et de la compréhension du langage sont, pour la plupart, des mécanismes automatisés. Pour cette raison, ils ne sont pas directement accessibles à l’observation, ni même souvent à la conscience immédiate de l’expert. Cet aspect de l’activité cognitive experte n’est d’ailleurs pas spécifique au langage et à la lecture, l’expertise se caractérisant par un ensemble de mécanismes et de connaissances très fortement intégrés et mobilisables grâce à des automatismes acquis au cours des apprentissages.

L’enseignant s’assure aussi de la compréhension des élèves et suscite leur participation en cherchant à obtenir les réponses de chacun d’eux. Ce guidage consiste également à fournir des corrections et feedbacks systématiques et à motiver la participation active de l’élève en organisant des discussions permettant la confrontation des points de vue et la construction collective des stratégies optimales. L’enseignant conduit donc les élèves à prendre progressivement en charge l’activité. En d’autres termes, les élèves et l’enseignant collaborent à la conquête de l’autonomie des premiers.

Enfin, la maîtrise d’une habileté cognitive complexe implique une intégration des mécanismes, intégration qui ne va pas sans une pratique répétée, par des exercices systématiques, par des révisions régulières des notions apprises et, bien entendu, par leur sollicitation chaque fois que les activités scolaires l’exigent. Les dispositifs d’enseignement explicite fournissent donc aussi l’occasion de pratiques intensives des habiletés enseignées. Contrairement à une idée répandue qui assimile l’enseignement explicite à une pédagogique mécaniste, ne suscitant pas (ou très peu) de réflexion de la part des élèves, l’enseignement explicite est une approche qui fait appel à l’attitude active et réflexive de l’élève tout en intégrant des principes de guidance par le maître ainsi que des principes d’entraînement nécessaires à l’acquisition de toute notion nouvelle par des novices. L’enseignement explicite est une pédagogie de l’interaction et de la réflexion qui nécessite l’engagement conjoint du maître et des élèves (Bianco, 2015). Du côté de l’enseignant, cela suppose l’adoption d’un état d’esprit pour susciter la participation active de l’élève à la construction des habiletés et notions, tout en conservant son rôle de guide et de “chef d’orchestre”. Pour cela l’enseignant doit analyser les notions complexes à enseigner pour proposer des activités adaptées au niveau des élèves ; c’est une condition pour que ceux-ci acquièrent progressivement ces notions dans un cadre sécurisant propice à leur engagement (Bianco, 2010 ; Bianco & Bressoux, 2009) : la même argumentation est développée par Hattie (2009) à l’issue de la recension de plus de 800 méta-analyses interrogeant les paramètres de l’enseignement efficace. Hattie insiste sur le fait que les principes de l’enseignement explicite (qu’il nomme enseignement actif) « ne doivent pas être confondus avec un enseignement de transmission ou (ce qu’on appelle) une stratégie traditionnelle d’enseignement frontal. [...]. Au contraire, un enseignement actif [...] a pour objectif d’aider les élèves à développer des schémas cognitifs explicites pour aller vers une autorégulation de leurs apprentissages et une compréhension de la nécessité qu’ils ont, de s’engager dans une pratique délibérée... » (Hattie, 2009, p. 245).

 
 
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