La pratique conduit à la perfection - mais seulement si vous pratiquez au-delà du point de perfection Imprimer Envoyer
Pédagogie Explicite - Études
Écrit par Daniel T. Willingham (trad. Françoise Appy)   
Mardi, 10 Avril 2012 08:00

Source : American Educator

Daniel T. Willingham

La pratique conduit à la perfection - mais seulement si vous pratiquez au-delà du point de perfection

Traduction (avec l'autorisation expresse de l'auteur) : Françoise Appy

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Comment fonctionne l’esprit ? Comment apprend-il ? Les décisions pédagogiques des enseignants sont basées sur un mélange de théories apprises en formation, par essai et erreur, par connaissances empiriques, et instinctivement. De telles connaissances nous servent souvent mais y a-t-il autre chose de plus fiable ?

La science cognitive est un champ interdisciplinaire rassemblant la psychologie, la neuroscience, la linguistique, la philosophie, l’informatique, l’anthropologie qui cherche à comprendre l’esprit.

 

Question : Quelle quantité de pratique devraient avoir les élèves des choses apprises ? D’un côté, il semble évident que la pratique est utile. Mais d’un autre côté, pratiquer abondamment semble ennuyeux pour les élèves. Quelle quantité de pratique faut-il ?

Réponse : Il est difficile de statuer sur la valeur de la pratique. Pour qu’une nouvelle habileté devienne automatique,  il faut une pratique au-delà du point de maîtrise. Cet article résume les raisons pour  lesquelles la pratique est si importante et passe en revue les différents effets d’une pratique intensive à court terme au regard d’une pratique soutenue sur le long terme.

Que les élèves tirent profit de la pratique n’est pas surprenant. Après tout, la pratique ne conduit-elle pas à la perfection ? Les découvertes inattendues des sciences cognitives sont que la pratique ne vous rend pas parfait. La pratique jusqu’au point de perfection oui, mais nous ne serez parfait qu’un bref moment. Ce qui est nécessaire est une pratique soutenue et nourrie. Par pratique soutenue, j’entends une pratique régulière, des révisions fréquentes, une réutilisation régulière des connaissances déjà acquises.(ex : utiliser régulièrement des habiletés de calcul pour résoudre des problèmes mathématiques de plus en plus complexes , mettre en relation un fait historique récemment étudié et un fait postérieur, répondre régulièrement à des tests sur des sujets déjà appris dans l’année). Ce type de pratique une fois la maîtrise acquise est nécessaire pour atteindre les trois buts importants de l’enseignement : acquérir des faits et connaissances, apprendre des habiletés, ou devenir un expert.

 

Acquérir des connaissances

Si le bon sens nous enseigne que plus de pratique conduit à une meilleure mémoire, la recherche, elle, nous dit une chose encore plus précise: la mémoire, à court ou à long terme,  nécessite une pratique continue.

Considérons d’abord la mémoire à court terme, sur quelques jours ou quelques semaines. Supposons que j’essaie d’apprendre le processus de transformation d’un projet de loi en loi fédérale. Je peux étudier les faits (en utilisant toutes les techniques possibles) et me tester régulièrement. Supposons qu’ensuite,  j’étudie jusqu’à réussir parfaitement mes auto évaluations. Est-ce que je connais bien la question ? Oui, je la connais à ce moment-là. Mais qu’en sera-t-il demain ? Afin de protéger cette connaissance des ravages de l’oubli, je dois pratiquer au-delà d’une récitation parfaite. Étudier un sujet que l’on connaît déjà s’appelle du surapprentissage. Parce que la mémoire est sujette à l’oubli, on ne peut pas apprendre un sujet jusqu’à un certain niveau de maîtrise et penser qu’il restera tel quel en mémoire pendant très longtemps.

Anticiper l’effet de l’oubli nous impose de continuer notre pratique au-delà de la maîtrise désirée. Dans une expérience illustrative (Gilbert, 1957), on lisait aux sujets un court paragraphe à propos d’un pays imaginaire, puis on posait 22 questions sur ce paragraphe. Si le sujet répondait correctement, la question était abandonnée. Puis le sujet écoutait encore une fois le paragraphe, et on lui reposait les questions auxquelles il n’avait pas su répondre. Le processus était répété jusqu’à ce que le sujet réponde correctement à toutes les questions. Un autre groupe de sujets participaient dans un autre contexte nécessitant un surapprentissage. Une question n’était pas écartée tant que le sujet n’y avait pas répondu correctement 3 fois au lieu d’une seule. Tous les sujets devaient passer un test surprise après un délai allant de 15 minutes à 2 jours. Le  groupe du surapprentissage réussissait mieux pour le délai court (22 questions contre 15) mais aussi pour le délai long (17 questions contre 13). Le surapprentissage a été étudié depuis plusieurs années (bien que de manière peu abondante). Ces résultats sont caractéristiques mais la plupart des expériences portent sur la rétention à court terme.

Il semble que l’accent mis sur les connaissances à court terme soit périphérique à l’enseignement. Comme professeurs, nous voulons des connaissances qui persistent à long terme, et non juste quelques jours. Mais, en fait, les enseignants peuvent avoir des buts qui entraînent une rétention à court terme. Par exemple, un professeur de sciences peut vouloir que ses élèves connaissent certains éléments sur les espèces sur le bout des doigts afin qu’il puisse introduire un concept important et abstrait relatif à l’évolution, concept induit par ces éléments. Une fois que l’élève a utilisé ces éléments pour comprendre l’évolution, ce n’est pas très grave s’il les oublie. Mais sans ces éléments bien ancrés en mémoire, au moins pour une courte durée, il ne pourrait pas comprendre le concept qui en découle.

Pour d’autres matériaux, nous voulons une rétention à long terme. Dans ce cas, encore une fois, la pratique au-delà du point de maîtrise est essentielle. Dans le cas du surapprentissage, la pratique commence avec une étude active dans le but de l’apprentissage. Peu à peu, la pratique prendra la forme de l’utilisation d’un matériau ancien afin d’étudier un matériau nouveau. Par exemple, les élèves étudieront pour commencer les termes isthme et delta pour maîtriser leurs sens respectifs, puis pratiqueront le sens de ces mots en les utilisant en géographie.

Bien que les pratiques aient différentes formes sur le long terme, elles n’en restent pas moins importantes. Les études montrent que si le matériau est étudié pendant un semestre ou une année, il sera retenu de manière correcte pendant peut-être une année après la dernière pratique (Semb, Ellis, & Araujo, 1933) mais la plupart sera oublié après 3 ou 4 ans en l’absence d’une pratique supplémentaire. Si le matériau est étudié pendant 3 ou 4 ans, cependant, la connaissance pourra être retenue jusqu’à 50 ans après la dernière pratique (Bahrick, 1984 ; Bahrick & Hall, 1991). L’oubli intervient pendant les 5 premières années ; après cela, l’oubli cesse et ce qui reste ne sera pas oublié même en l’absence d’autre pratique. Les chercheurs ont examiné un grand nombre de variables pouvant potentiellement intervenir dans la raison pour laquelle les sujets ont oublié ou pas le matériau ; ils en ont conclu que la variable clé pour la mémoire à long terme était la pratique. [1] Quelles connaissances seront exactement retenues sur le long terme ? Cela n’a pas été examiné en détail, mais il est raisonnable de supposer qu’il s’agit du matériau qui chevauche plusieurs cours d’études : les élèves qui étudient l’histoire de l’Amérique pendant quatre ans retiendront les faits et les thèmes qui sont revenus souvent dans leurs cours d’histoire.

 

Les habiletés d’apprentissage

Acquérir des connaissances factuelles n’est qu’une partie de ce que nos élèves doivent apprendre à l’école. Nous voulons aussi qu’ils aient les habiletés pour résoudre des problèmes, qu’ils soient capables de communiquer oralement comme à l’écrit et qu’ils soient des penseurs créatifs. Ces habiletés – et bien sûr toutes les habiletés impliquant la pensée – reposent sur les capacités de la mémoire de travail. La mémoire de travail est, pour dire les choses simplement, l’endroit de l’esprit où la pensée a lieu. On l’appelle souvent le goulot de l’esprit parce qu’elle contient un espace limité. C’est pourquoi il est difficile de calculer mentalement 34,516 : 87. Il est difficile de mémoriser simultanément les nombres, d’utiliser en même  temps l’algorithme d’une division longue, et de mettre à jour la réponse au fur et à mesure du calcul. La limitation de la capacité est pertinente non seulement pour le calcul mental, mais pour la plupart des problèmes que nous donnons à nos élèves, comme rédiger un rapport d’expérience clair, lire un essai avec une compréhension profonde, ou repérer les liens entre des événements historiques.

Notre aptitude à penser serait limitée bien entendu s’il n’y avait pas de moyen pour dépasser l’espace réduit de la mémoire de travail. L’un des plus importants mécanismes est le développement des automatismes. Quand les processus cognitifs (ex : lire, écrire, lire une carte, identifier les variables dépendantes dans une expérience scientifique, utiliser des procédures mathématiques simples) deviennent automatiques, ils demandent très peu d’espace dans la mémoire de travail, interviennent rapidement, et souvent sans effort conscient.

Par exemple, si vous lisez cet article, le processus de lecture est automatique pour vous. Vous n’avez pas besoin d’assembler laborieusement les lettres de chaque mot. Votre esprit semble comprendre immédiatement sans effort. Essayez cet exemple classique de l’automatisme pour les lecteurs avancés. Vous devez nommer la couleur des mots imprimés, mais ignorer le sens du mot. Ainsi le mot pour le mot dinde, la réponse est « bleue ».

LION

OURS

TIGRE

LION

OURS

OURS

TIGRE

Maintenant, essayez cette liste :

ROUGE

VERT

BLEU

ROUGE

BLEU

BLEU

VERT

La deuxième liste est beaucoup plus difficile à lire car la lecture est automatique. Même si vous essayez de ne pas lire les mots, vous le faites automatiquement, et ce faisant, cela crée une confusion avec les couleurs. Pour quelqu’un ne sachant pas lire, la seconde liste n’est pas plus difficile que la première.

Mais la plupart du temps, l’automatisation est utile, plus qu’elle n’est un handicap. Imaginez un lecteur débutant essayant de lire le mot « bleu ». Voilà qui consomme toute sa mémoire de travail, il lui est donc difficile de suivre le fil de l’histoire quand le mot inconnu apparaît. Une fois que la lecture est automatique, alors les précieuses ressources de la mémoire de travail peuvent être consacrées au sens.

L’automatisation est importante non seulement en lecture, mais dans toute la vie mentale. Imaginez les difficultés pour se déplacer dans une ville inconnue en voiture si en même temps vous devez penser à la façon d’appuyer sur l’accélérateur, le frein, comment tourner le volant, orienter vos rétroviseurs, et tout ce qui fait que l’on sait conduire une voiture. Tous ces gestes ont été automatisés.

L’automatisation est vitale en enseignement parce qu’elle nous permet d’être plus habiles dans les tâches mentales. Un rédacteur efficace connaît les règles de grammaire et d’usage au point de l’automatisation, il sait comment commencer un paragraphe, inclure des détails pertinents. Le mathématicien efficace se réfère à des faits mathématiques importants ainsi qu’à des procédures. Dans toute discipline, certaines procédures sont utilisées encore et encore. Elles doivent êtres apprises jusqu’à l’automatisation afin de libérer de l’espace en mémoire de travail. Seulement à ce moment, l’élève sera capable de franchir le goulot imposé par la mémoire de travail et atteindre des niveaux supérieurs de compétence.

Le développement de l’automatisation pour des habiletés générales dépend d’un niveau élevé de pratique. (ex : Shiffrin & Schneider, 1984). Il n’y a pas d’autre chemin. Fournir une pratique consistante et soutenue est la façon la plus sûre de s’assurer que qu’un élève deviendra un lecteur efficace, un rédacteur, un scientifique. Comprendre un argumentaire écrit complexe, écrire un essai persuasif, tenir un raisonnement scientifique sont toutes les habiletés permises par une automatisation des disciplines de base.

 

Devenir un expert

Comment devient-on expert dans une discipline ? Considérons un véritable expert, c’est-à-dire une personne reconnue non seulement comme très compétente, mais comme contributrice unique à sa discipline. Dans des contextes compétitifs, (ex : athlétisme, échecs) nous dirions qu’un expert participe à des compétitions de niveau national ou international. Quand on demande à un non expert comment font les experts pour atteindre de tels niveaux, ils attribuent le succès à un talent inné. Les experts eux-mêmes cependant, racontent une toute autre histoire. Ils attribuent leur succès à la pratique et à la capacité à maintenir la concentration pendant les longues séances de pratique.(Ericsson, 1996) (l’importance de la pratique ne signifie pas que les dons innés n’ont pas d’importance bien sûr ; la pratique est nécessaire pour l’excellence, mais elle n’est pas suffisante).

Les résultats de la recherche indiquent que les experts ont raison de pratiquer beaucoup. Les études descriptives (Roe, 1953) de scientifiques éminents indiquent que la plupart des facteurs importants annonciateurs de succès ne sont ni le talent ni l’intelligence innée mais la volonté de travailler dur pendant de longues périodes. Cet encouragement à la pratique a été confirmé par Bloom dans une étude à large échelle (Bloom, 1985) dans laquelle les experts en athlétisme, science, arts étaient interrogés avec leurs parents et enseignants. Bloom en déduit que l’entraînement d’un expert devrait comporter 4 étapes. Le futur expert devait être introduit à sa discipline dans des conditions ludiques dans son enfance. Ses promesses devaient être  notées ; à l’étape 2, des leçons lui étaient données, en général par un enseignant qui travaillait bien avec lui et des habitudes de pratique régulière étaient prises. Dans la 3e étape,  un professeur de classe internationale devait être engagé, ce qui signifie un engagement financier significatif des des parents ainsi qu’une étude dédiée de la part de l’élève. Étape 4, l’élève a absorbé tout ce qui pouvait l’être de ses professeurs et a commencé à développer sa contribution personnelle.

Les recherches récentes mesurant précisément les pratiques disent la même chose. Le graphique ci-dessous dépeint le temps de pratique estimée cumulatif des violonistes selon leurs niveaux d’aptitude. Les meilleurs et les bons élèves étaient impliqués dans une académie de musique entraînant des musiciens professionnels ; on les affectait dans ces catégories, à leur insu, par leurs professeurs pour le but de l’étude. On demandait aux sujets d’estimer le temps qu’ils passaient à s’entraîner chaque semaine. Le graphique montre le total cumulé de pratique à chaque âge. Deux conclusions peuvent en être tirées : les experts ont une pratique très abondante, et même parmi des sujets très performants, les meilleurs sont ceux qui ont pratiqué le plus.

 

 

Certaines preuves montrant qu’une importante pratique, et pas seulement le talent, sont des prérequis à l’expertise prennent la forme de la “règle des dix ans”, selon laquelle des individus doivent pratiquer intensément pendant au moins 10 ans avant d’être capables d’apporter une contribution substantielle à leur discipline. Qu’en est-il alors des prodiges comme Mozart qui composait à l’âge de six ans ?  Les prodiges sont très avancés pour leurs âges, mais leur contribution à leurs disciplines respectives en tant qu’enfants sont largement considérés comme ordinaires. Ce n’est que lorsqu’ils sont plus âgés (et qu’ils ont pratiqué encore plus) qu’ils accomplissent les œuvres pour lesquelles ils sont aujourd’hui reconnus.

Comment de telles études peuvent-elles s’appliquer à un élève ordinaire ? Peu d’élèves deviendront des Mozart, Shakespeare ou Einstein mais si nous voulons que les élèves comprennent et apprécient l’excellence, nous devons faire de notre mieux pour  envoyer le message que l’excellence nécessite une pratique intensive. Les athlètes et les artistes vénérés par beaucoup d’élèves excellent non seulement par la vertu de leur talent, mais par leur dur labeur. Edison remarquait que le « génie était 1% inspiration et 99% transpiration ». Les pourcentages relatifs du talent et de la pratique sont flous mais la nécessité de longues périodes de pratique ciblée afin d’exploiter le talent inné elle, ne l’est pas.


Quels matériaux nécessitent une pratique ?

Quand nous faisons référence à la « pratique », il est important d’être clair et de savoir qu’elle n’est pas du jeu (qui est fait uniquement pour le plaisir) de la performance (qui est accomplie  pour le plaisir des autres) ni du travail (qui est fait pour compensation). La pratique est faite pour l’amélioration. La pratique, ainsi, nécessite de la concentration et un feedback sur les progrès accomplis. Dit plus simplement, la pratique n’est pas facile. Elle nécessite de l’élève du temps, des efforts et mérite ainsi d’être considérée quand cela est approprié.

Nous avons noté plus haut qu’une pratique soutenue sur le temps est particulièrement utile pour développer des automatismes dans des habiletés particulières (qui permettent un plus haut niveau de pensée) et pour s’assurer que la mémorisation persiste aussi longtemps que nécessaire. Ainsi, les types suivants de matériaux méritent une pratique :

1. Les habiletés de base et connaissances qui seront utilisées fréquemment.

Dans ce cas, la pratique permet la mise en place des automatismes. L’élève qui se bat pour retenir les règles de ponctuation et son usage (ou doit s’arrêter pour regarder dans un manuel) ne peut pas consacrer trop de ressources de sa mémoire de travail pour construire un solide argument dans sa dissertation. L’élève qui ne possède pas les connaissances mathématiques de base ne parviendra pas à résoudre les problèmes complexes.

2. Les connaissances que les élèves doivent posséder à court terme afin de permettre la rétention à long terme de concepts clés. Dans ce cas,  il faut un surapprentissage à court terme.

Par exemple, comme noté plus haut, un professeur de sciences peut demander à ses élèves de connaître un certain nombre de faits relatifs à certaines espèces afin d’introduire un concept abstrait important portant sur l’évolution et dépendants de ces faits. Ou bien, un enseignant d’histoire au lycée peut demander à ses élèves de connaître  plusieurs affaires de la Cour Suprême afin de développer la compréhension à long terme d’un principe particulier de la constitution.

3. Le type de connaissance que nous avons est important au point que les élèves devraient s’en souvenir plus tard dans la vie.

Dans ce cas, on pourrait considérer que certains matériaux sont si vitaux pour une éducation qu’il vaudrait la peine de donner une pratique pendant plusieurs années pour s’assurer que les élèves s’en souviennent toute leur vie durant. Un professeur de sciences pourrait passer la majeure partie de l’année à mettre l’accent sur  les principes de base de l’évolution  en croyant que ce matériau est essentiel pour être qualifié en biologie. De plus, le curriculum peut nécessiter une pratique dans le domaine de l’évolution pendant de multiples années afin de s’assurer que cette connaissance durera la vie durant. Nous attendons-nous à ce qu’un adulte de 40 ans ait retenu tout ce qu’il a appris en classe de Terminale ?  Non, mais nous attendons-nous à ce qu’il ait retenu quoi que ce soit ? Devrait-il être capable de saisir des principes de l’évolution ou décrire les différentes responsabilités des trois branches du gouvernement fédéral ou calculer l’aire d’un disque ? Quels types de connaissances exactement méritent l’attention requise pour créer une rétention en mémoire à long terme, cela est sujet à controverse, mais la pratique nécessaire pour créer une telle mémoire elle, ne l’est pas.

***

Comment la pratique devrait-elle être structurée – un enseignant doit-il insister  sur le surapprentissage à court terme ou sur des apprentissages répétés tout au long de l’année ? La réponse dépend du but : le but peut être  l’automatisation des habiletés, les connaissances à court terme,  à long terme – et ce que l’enseignant sait de la suite du curriculum de ses élèves.  Par exemple, un professeur d’anglais peut considérer comme très important que les élèves comprennent l’utilisation des métaphores en poésie, mais une pratique ciblée et intensive peut ne pas être commode ni nécessaire. Cette connaissance sera développée sur un certain nombre d’années, et il y aura des opportunités de pratique dans le futur. Dans d’autres cas, il y aura de futures opportunités de pratique, mais  la rapidité de l’apprentissage est importante. Par exemple, un professeur peut juste fournir une rapide introduction en classe de CP sur la lecture de l’heure, au prétexte que les élèves auront de larges opportunités de pratique dans le futur. Mais un autre enseignant pourra dire que les élèves de CP ont besoin de savoir lire l’heure (afin par exemple de  gérer le temps lors de leurs activités pendant la journée et être ainsi plus autonomes) et donc centrera sa pratique sur cette habileté. De la même manière, un professeur de français peut réaliser que ses élèves auront une grande pratique de la conjugaison du verbe être sur le long terme mais croire simplement que les élèves doivent connaître ce matériau tôt dans leur apprentissage, sans quoi leur aptitude à la lecture, à l’écriture, et à la compréhension du français sera notablement entravée.

Quand engager les élèves dans la pratique, par quelle méthode, pour quelle durée sont des décisions pédagogiques que les enseignants doivent prendre régulièrement. Par contre, savoir que les élèves ne se souviennent que de ce qu’ils ont pratiqué intensivement – et dont ils se souviendront  dans le long terme seulement s’ils ont pratiqué de manière soutenue pendant plusieurs années – est une réalité qui ne peut pas être contournée.

 

Références

Bahrick, H. P. & Hall, L. K. (1991). Lifetime maintenance of high school mathematics content. Journal of Experimental Psychology: General, 120, 20–33.

Bahrick, H. P. (1984). Semantic memory content in permastore: Fifty years of memory for Spanish learned in school. Journal of Experimental Psychology: General, 113, 1–29.

Bloom, B. S. (1985). Generalizations about talent development. In B. S. Bloom (Ed.), Developing talent in young people (pp. 507–549). N.Y.: Ballantine.

Ericsson, K. A. (1996). The acquisition of expert performance: An introduction to some of the issues. In K. A. Ericsson (Ed.) The Road to Excellence (p. 1–50). Hillsdale, N.J.: Erlbaum.

Ericsson, K. A., Krampe, R. T., & Tesch-Romer, C. (1993). The role of deliberate practice in the acquisition of expert performance. Psychological Review, 100, 363–406.

Gilbert, T. (1957). Overlearning and the retention of meaningful prose. Journal of General Psychology, 56, 281–289.

Roe, A. (1953). The Making of a Scientist. N.Y.: Dodd Mead.

Semb, G. B., Ellis, J. A., & Araujo, J. (1993). Long-term memory for knowledge learned in school. Journal of Educational Psychology, 85, 305–316.

Shiffrin, R. M. & Schneider, W. (1984). Controlled and automatic human information processing: II. Perceptual learning, automatic attending, and a general theory. Psychological Review, 84, 127–190.

 


[1] Il est probablement pertinent qu’il n’y ait pas  seulement plus de pratique dans ce cas, mais que la pratique soit distribuée dans le temps plutôt que concentrée sur quelques mois. Voir "Allocating Student Study Time: "Massed" versus "Distributed" Practice," from the Summer 2002 issue of American Educator.

 
 
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