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Pédagogie Explicite - Dossiers
Écrit par Form@PEx   
Dimanche, 27 Mai 2012 00:00

Dossier

L'apprentissage de la lecture

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Françoise APPY

28.11.2010

Méthodes de lecture : arguments

 

 

Voici quelques éléments de réponses à des arguments fréquemment évoqués par les détracteurs des méthodes de lecture phono-alphabétiques.

Ces critiques reposent hélas, plus sur des croyances que sur des données probantes. Le meilleur exemple en est la sempiternelle opposition du décodage et de l’acquisition du sens.

1 / Mixte ou globale : jouer sur les mots

La méthode globale a depuis longtemps mauvaise presse ; c’est pourquoi on entend fréquemment qu’elle n’existe plus dans les écoles (ou qu’elle n’a jamais existé) et que les méthodes utilisées aujourd’hui n’ont aucun rapport avec elle. On en veut pour preuve la présence du codage alphabétique dans toutes les méthodes. On les présente même comme des compromis idéaux.

Les méthodes mixtes ont toutes un départ global au cours duquel les enfants mémorisent des mots. L’accès au code alphabétique intervient plus ou moins tard selon les méthodes [1]. On essaie de concilier l’inconciliable en prétendant travailler sur le sens grâce à sa partie globale et en donnant accès au code, mais un peu tard dans l’année, sur une base phonique. En effet, les mécanismes du global inculqués en début d’année ne pourront pas, pour certains enfants, s’oublier et ils conserveront cette habitude mauvaise de deviner plutôt que de lire. Pour peu qu’ils aient été formatés à cela en Maternelle, le résultat est encore pire. Un enfant n’ayant pas de problème particulier apprendra à lire avec une méthode à départ global en s’appropriant le code alphabétique tout seul mais il faut reconnaître qu’on lui aura bien compliqué les choses. Quant à l’élève en difficulté, il ira grossir la clientèle des orthophonistes s’il a la chance d’être repéré par son enseignant ou ses parents.

2 / Le sens : les méthodes alphabétiques négligent le travail sur le sens.

* Faire déchiffrer bloque l’accès au sens.
* Il n’y a ni signes extra-alphabétiques, ni ponctuation, ni majuscules dans les méthodes alphabétiques.
* Les textes n’ont rien de ceux de la langue écrite. Ce sont des suites d’énoncés et non de vrais textes avec une cohésion d’ensemble. Ils sont trop simples. Leur vocabulaire et leur syntaxe sont trop pauvres.
* Dans cette méthode, il n’y a pas d’anticipation, ni de prise de risque sur le sens.
* La lecture devient une activité en soi et non une recherche d’informations.

La compréhension d’un texte repose sur 2 points : le niveau de compréhension de la langue et sur la maîtrise du décodage. Un enfant normalement constitué comprendra un texte écrit s’il a automatisé les mécanismes pour identifier les mots (le code). Il s’appuiera pour le sens sur ce qu’il connaît, sa langue. L’accès au sens est donc le corollaire du déchiffrage. Il est faux de dire que déchiffrer empêche l’accès au sens. Au contraire, sans l’aptitude à décoder justement et rapidement, il n’y a pas possibilité de faire du sens. Ainsi dans la phrase : Dans la forêt, j’ai trouvé des champignons, l’enfant qui lira ….. trouvé des champions ne pourra pas comprendre car il n’a pas su décoder un mot. Ensuite, une fois les mots décodés, c’est le vocabulaire et la culture générale qui permettront à l’enfant de comprendre (position d’A. Bentolila), d’où l’importance extrême du travail qui doit être mené en Maternelle. Quand le lexique mental de l’enfant est trop faible, le sens lui manque ; en aucune manière ce n’est le déchiffrage qui l’a empêché de comprendre [2].

Par contre, dans une méthode mixte, l’effort de devinettes est si grand qu’il perturbe souvent la compréhension de l’ensemble.

E. Charmeux fait un reproche aux textes proposés dans les méthodes alphabétiques : « En tout cas, absurdes, débiles ou non, ces textes n'ont, à dessein, rien de la langue écrite » [3]. Regardons par exemple la méthode J’apprends à lire avec Léo et Léa. Le reproche de simplicité des textes des méthodes alphabétiques ne tient pas debout [4]. Les premiers textes sont simples mais corrects. Ils sont simples car la démarche consiste à partir du simple pour aller vers le complexe. Quel intérêt y aurait-il à donner un texte d’auteur à un enfant de CP, texte dont il ne possèderait à l’oral pas la moitié du lexique ? La méthode Léo et Léa propose par exemple en tout début, des textes comme Léo lit, ou Léa a lavé ou Milo a avalé la fumée. Pour arriver à des textes très complets en fin d’année. Au prétexte que ce sont des phrases simples, doit-on leur refuser le statut de phrases ou de textes ? Y a-t-il les bons textes pour apprendre à lire et les mauvais ? Cette même méthode utilise la ponctuation et les majuscules.

L’anticipation ne relève pas de la lecture. La lecture n’est pas un exercice de devinettes. Deviner n’a jamais été un mode d’apprentissage ayant fait ses preuves. Quant à la prise de risques, elle existe dans tout apprentissage. Elle doit être réduite et non pas érigée en système. Pourquoi l’apprentissage, pour être efficace, devrait-il comporter une prise de risques maximale ? Au contraire, la méthode phono-alphabétique a cet avantage de faire reposer la réussite sur une prise de risques minimale. Et même quand il y a échec, la connaissance du code peut aider l’enfant à se corriger, alors que dans une autre méthode il y aura pour se corriger l’unique solution de prendre un nouveau risque, à savoir de dire un mot au hasard.

« La lecture devient une activité en soi ». La méthode par laquelle on apprend à lire n’obère en rien la fonctionnalité de la lecture. Pourquoi écarter la lecture plaisir, la lecture gratuite, pour ne voir que la lecture fonctionnelle, celle des recettes de cuisine ou autres fiches techniques dont on accable les tout petits. C’est très réducteur. Une méthode de lecture efficace, comme l’est la méthode phono-alphabétique, permet l’accès à des textes variés et permet à l’enfant de prendre plaisir à lire, c’est-à-dire à découvrir des informations nouvelles.

3 / Les limites de la méthode alphabétique

On ne peut pas tout lire en syllabant. Comment faire pour les nombreuses exceptions. L’exemple volontiers cité est « Les poules du couvent couvent. » Pour les lettres muettes, pour les différentes graphies d’un phonème ...

Les équivalences son/graphisme offrent parfois plusieurs solutions. Pour comprendre la phrase dans l’exemple cité, il faut avoir conscience que le premier couvent est un nom et que le second est un verbe, donc il faut une connaissance grammaticale pour pouvoir choisir le phonème adéquat. Il faut par ailleurs posséder la connaissance sémantique de couvent et couver. Si ces trois conditions ne sont pas réunies, il est impossible de lire. Cela montre bien que la lecture ne peut pas être une seule technique et que les approches grammaticale, orthographique et lexicale doivent se faire en même temps. Au CP, on peut déjà apprendre à connaître la nature des mots d’une manière non systématique, il ne s’agit pas bien sûr de faire de l’analyse de phrase. Sans redire la nécessité de travailler en permanence sur le lexique oral et sur la culture générale.

4 / Les sciences de l’éducation ont montré l’efficacité des méthodes mixtes.

Argument qui s’appuie sur les travaux des sciences de l’éducation toujours d’une manière très générale et évasive selon d’adage « la recherche a montré que… ». Mais de quelle recherche ? Quel niveau selon la classification Ellis & Fouts ? Sur combien d’élèves, combien de groupes témoins …..

Dans le milieu scientifique éducatif, la classification Ellis & Fouts fait consensus.

Par contre, il existe des études montrant l’efficacité des méthodes phono-alphabétiques. Le meilleur exemple en est le National Reading Panel, réalisé en 1997 à la demande du Congrès américain. C’est une méta-analyse reposant sur 100 000 recherches effectuées jusqu’alors sur la question. La conclusion précise

  • Qu’un enseignement phonique systématique est de loin la méthode la plus profitable pour tous les élèves, même en difficultés. Bien sûr, cet enseignement doit s’accompagner d’un travail sur l’usage des mots, c’est-à-dire sur le sens ; mais viendrait-il à l’idée d’un enseignant de ne travailler que le décodage sans jamais se pencher sur le sens de la langue ?
  • Que la lecture courante ainsi que le lecture orale doivent aussi faire l’objet d’un enseignement particulier
  • La compréhension implique des travaux sur le vocabulaire oral et écrit, de manière directe et explicite comme de manière indirecte et occasionnelle ;
  • La compréhension (ou pensée intentionnelle durant laquelle le sens est construit à travers des interactions entre le texte et le lecteur) est facilitée quand le lecteur parvient à établir des liens entre ce qu’il sait déjà et les idées de l’écrit. Pour cela il est profitable d’enseigner les stratégies explicites de compréhension qui sont énumérées dans cette étude (au nombre de 7)

Par ailleurs, on peut aussi souligner que l’apprentissage systématique du décodage permet à la mémoire de n’être pas saturée. Il faut retenir un nombre limité de combinaisons graphiques exprimant les phonèmes (en français 36 phonèmes transcrits par 190 graphèmes). Alors qu’une approche globale est beaucoup plus coûteuse en charge cognitive.

Le travail sur le sens peut se faire beaucoup mieux au quotidien quand le lecteur est libéré du souci d’avoir à décoder le mot, quand cela est automatisé. Toute son énergie cognitive est alors mise au seul service de la compréhension, qui est ne l’oublions pas le but seul et unique de l’acte de lire.

D’autres recherches ont été faites sur la lecture qui vont dans le même sens. Comme par exemple, celles de S. Dehaene, J. Ziegler, L. Sprenger-Charolles.

Par ailleurs, des expériences comparatives sur l’efficacité des différentes méthodes ont été menées aux États-Unis, en Belgique, en Écosse qui toutes sont arrivées à la conclusion suivante : la méthode phono-alphabétique est plus efficace pour la lecture de mots, la lecture de textes, l’orthographe phonétique. Mais aussi en compréhension, vitesse de lecture, transcription de syllabes et de mots.

5 / La méthode globale (mixte) est bonne car les enfants comprennent mieux le sens de ce qu’ils lisent.

Comme dit précédemment, cela n’a pas été prouvé. Les résultats catastrophiques actuels ne peuvent être imputés qu’aux méthodes mixtes puisque ce sont les seules en vigueur. Voici quelques raisons de la faiblesse des méthodes mixtes.

Le mot n’est pas une image. Il doit être traité comme un mot.

En fonctionnement global, le sujet est en situation d’apprendre à lire sans aide. Pour mémoriser les mots, le cerveau doit prendre des repères graphiques dans ces mots ; le code n’étant pas fourni, l’enfant doit tâtonner, se débrouiller tout seul et en déduire des similitudes. Que feront dans ce cas les élèves qui n’auront pas les moyens propres pour faire cette découverte du code ?

La présentation du code alphabétique dans certaines méthodes mixtes est peu précise : isoler un graphème dans chaque page du livre n’est pas un accès au code, chaque graphème est perdu dans une multitude d’autres éléments graphiques qui viennent perturber la compréhension. En maternelle, comment introduire au code quand tout le travail consiste à mémoriser globalement des prénoms, des jours de la semaine... Par ailleurs dans certaines méthodes mixtes, l’introduction du code arrive bien tard dans l’année, une fois que les mauvaises habitudes ont été prises. Et bien souvent toutes les combinaisons graphèmes/phonèmes n’ont pas été abordées au mois de juin (et, en fin d’année, bien souvent ce sont les combinaisons les plus difficiles qui n’auront pas été traitées). Cela a pour conséquence que les élèves passent en CE1 sans maîtriser totalement le code alphabétique. Et l’on aboutit à des classes de CE1 complètement hétérogènes, où les enfants maîtrisent le code à des niveaux très divers. Malheureusement dans ce cas, les élèves moins avancés dans ce domaine auront beaucoup de mal à le rattraper, et se verront obligés plus ou moins de tâtonner.

Passage à l’écrit : c’est un cauchemar pour ces enfants car ils doivent alors faire appel à leur immense stock de mots connus globalement et pour peu qu’il y ait des défaillances, cela devient vite impossible. D’où les nombreuses difficultés orthographiques et bien souvent un dégoût pour la lecture.

6 / La lecture orale

* Il s’agit d’une critique portant sur la lecture à haute voix, pour dire qu’elle n’a aucune action sur la compréhension.
* Pour dire que les enfants qui s’y livrent ont tendance à syllaber voire ânonner (notons au passage le contenu très péjoratif de ce mot), autrement dit leur oralisation n’est pas fluide.
* L’oralisation est aussi parfois accusée de provoquer une cécité orthographique. C’est ce que dit E. Charmeux
[5] : selon elle, les élèves n’ont pas l’habitude de repérer les signes orthographiques, puisque les premiers textes auxquels ils ont eu accès sont tellement simples qu’ils ne présentent aucune marque orthographique spécifique.
* Elle déclare aussi que cette façon de faire restreint l’empan visuel, celui-ci se réduisant à ce que l’on peut prononcer, à savoir la syllabe ; conséquence immédiate : cela nuit à la construction du sens.

La lecture orale a deux rôles : le contrôle du déchiffrage et l’entraînement à la lecture expressive. Ne faire que de la lecture silencieuse individuelle n’améliore pas forcément la qualité de la lecture quand elle n’est ni reprise ni encadrée. Le NRP n’a pas pu se prononcer sur la question. A l’oral, le lecteur alphabétique lit lentement tous les mots. S’il fait une erreur, il l’entend et il se reprend. Le lecteur global lit plus vite, se sert d’indices externes pour donner du sens. Il peut transformer ce qui est écrit mais jamais il ne vérifie à partir des lettres du mot. Il ne peut pas.

Que l’empan visuel soit réduit n’est pas un problème puisque grâce au code, le lecteur arrive à lire le mot entièrement.

La cécité orthographique ne vient pas du déchiffrage. Au contraire le déchiffrage, en obligeant à regarder toutes les parties du mot, favorise l’accès au code orthographique. Les marqueurs orthographiques sont souvent à la fin des mots. L’enfant déchiffreur les lit obligatoirement au même titre que toutes les autres lettres.

7 / Dyslexie

On trouve à ce sujet des arguments contradictoires mais la contradiction n’est pas un problème chez les contempteurs des méthodes alphabétiques :
* La méthode alphabétique peut provoquer des dyslexies par un apprentissage trop précoce des lettres, interprétées comme des objets dont l’ordre n’a rien de nécessaire. (E. Charmeux)
* Les méthodes mixtes n’ont pas provoqué de dyslexies.

Les méthodes mixtes ont créé de faux dyslexiques chez des enfants ayant une bonne mémoire et une bonne capacité de déduction. Ils n’intègrent pas le code alphabétique et tentent de lire grâce au contexte. Or, mieux ils mémorisent, plus tardive sera la révélation de l’ignorance du code, parfois en CM2. Ces enfants à bonne mémoire peuvent faire illusion au CP et au CE1. C’est ce qu’a remarqué Brigitte Étienne, orthophoniste à Tours.

Aucune interprétation n’est proposée pour expliquer cet afflux d’enfants pris en charge par les orthophonistes. On nous clame que les méthodes mixtes ne sont pas globales, ce qui est faux, qu’elles n’ont pas contribué à remplir les cabinets des orthophonistes, ce qui est faux, bref que les enfants lisent bien. Cette épidémie de faux dyslexiques dure depuis des années. La prise en charge par la Sécurité Sociale des séances d’orthophonie montre que l’État a entériné la situation préférant rembourser les dégâts plutôt que prendre le problème à la racine.

8/ La représentativité des partisans de la méthode alphabétique dans le corps enseignant.

On nous assène parfois comme une vérité verticale que la majorité des enseignants de CP sont hostiles à cette méthode alphabétique.

On ne peut pas être aussi catégorique car aucune enquête encore n’a recensé la chose : combien d’enseignants travaillent alphabétiquement, combien travaillent alphabétiquement en cachette, combien aimeraient essayer, combien y sont hostiles. On ne sait rien de tout cela. Mais combien d’enseignants seront ravis de pouvoir enfin utiliser une méthode qu’ils ne pouvaient plus utiliser à cause des pressions de la hiérarchie ou d’autres enseignants peu soucieux d’efficacité dans leur métier. Combien de parents d’élèves seront enfin soulagés de ne plus avoir à pallier les déficiences de l’Éducation nationale. Témoin le succès en librairie de la méthode Boscher (100 000 exemplaires vendus par an hors écoles). Sans parler des enseignants débutants. Qui n’a pas intérêt à instaurer cette méthode ? Tous ceux qui refusent de transmettre des savoirs, tous ceux qui refusent l’accès à la connaissance au commun des mortels.

9 / La méthode alphabétique est la transmission d’un savoir préalablement défini.

Autrement dit, conflit entre constructivistes et partisans de la transmission des savoirs. Ce débat dépasse largement la question de la lecture.

Les constructivistes croient [6] que les apprentissages se font mieux par des situations de découverte. Ils ne reconnaissent pas la transmission directe comme un moyen utile. Dans ce spontanéisme pédagogique, l’enfant apprendra autant de lui-même ou de ses camarades, de son environnement que de son maître.

Le problème une nouvelle fois est que cette conception, certes séduisante et fort populaire, ne s’appuie sur aucune donnée probante. Par contre des données existent montrant que des apprentissages sont plus réussis quand ils se font par des méthodes pédagogiques de transmission directe, explicites, structurées et progressives. Les travaux de Sweller sur la question montrent que ce biais est en totale cohérence avec l’architecture cognitive, comme ils montrent l’inadéquation des situations de découverte avec cette même architecture cognitive. [6]

En mode constructiviste, l’enfant, livré à lui-même n’apprend pas, ne comprend pas mais devine. C’est une façon de faire très inégalitaire car dans cette optique, ceux qui n’ont que l’école pour apprendre sont en bien triste situation. On a réduit le temps consacré au français et aux mathématiques, on a décidé que les exercices répétés propres à installer des automatismes et à acquérir les savoirs de base étaient inutiles. On a attribué le problème de l’échec scolaire à des causes familiales, sociologiques ou médicales alors qu’il vient en grande partie du fait que l’école ne veut plus transmettre des savoirs malgré les données probantes sur la question.

10 / La durée de l’apprentissage doit être allongée

On l’entend encore, après l’avoir entendu pendant des années dans les écoles : l’apprentissage de la lecture ne doit pas être cantonné au CP. Autrement dit, on a tout son temps pour apprendre à lire, et chaque individu à son propre rythme.

Cette revendication n’a pas lieu d’être avec une méthode permettant au pire, en fin de CP, à l’élève d’être autonome pour le décodage. En effet, il a été montré que l’apprentissage phono-alphabétique permettait une autonomie très rapide. Tous les enseignants de CP qui l’ont pratiqué “vénèrent la date de Pâques” non par élan religieux mais parce qu’elle correspond au moment où tous les enfants maîtrisent le code. Bien sûr, pour certains la date est antérieure. Cela ne signifie pas pour autant que tout est fait. Le travail de lecture se poursuit jusqu’au CM2 (et au-delà) par l’introduction de textes de plus en plus difficiles mais en rapport avec le niveau de l’élève. Et toujours en lien étroit avec l’écriture et la connaissance grammaticale et orthographique, la langue et la culture.

11 / Le niveau n’est pas catastrophique.

En 2003, l’enquête Pisa a quand même révélé qu’en lecture la France se trouvait en 17e position sur 40 après l’Irlande, la Suède, les Pays Bas, la Belgique, la Norvège, la Pologne, pour ne citer que les pays européens. Mais de toutes façons être aussi mauvais que les autres n’est pas un argument.

Les deux premiers pays en compréhension de l’écrit sont la Finlande et la Corée. Nous savons qu’en Finlande, l’apprentissage est purement syllabique.

Par ailleurs le dernier rapport de l’IGEN de novembre 2005 révèle qu’en 6e, sur les 15 % des élèves les plus en difficultés :

  • 3 % ne comprennent pas le sens et reconnaissent les mots,
  • 8 % sont en difficultés dans toutes les matières et sont d’une lenteur extrême,
  • 4 % ont des difficultés spécifiques de lecture et ne reconnaissent pas les mots.

On comprend bien que ces 15 % ne sont pas lecteurs, ce qui est beaucoup. Bien sûr il faudrait analyser en détail chaque type, mais on peut quand même imaginer qu’en travaillant le déchiffrage avec rigueur et non de manière approximative et incomplète, et le sens par le biais du lexique oral, on pourrait au moins espérer une amélioration de ces résultats.

14 / Méthodes de lecture, choix politique

Une méthode mixte est de gauche, une méthode alphabétique est de droite (voire pire).

L’enseignement de la lecture a toujours été le terrain du débat politique. La revue La Classe a même écrit en toutes lettres que la méthode alphabétique était de droite et la méthode mixte de gauche. Prévisible. Tout comme si le souci d’efficacité réel dans une chose aussi banale mais aussi importante que l’apprentissage de la lecture devait forcément avoir une couleur politique. Que l’on soit de gauche ou de droite, ne doit-on pas avoir le souci que tous les petits Français sachent lire ?

La surpolitisation du débat contribue à faire du métier d’enseignant une profession complètement immature, dans laquelle aucune place n’est laissée aux données probantes, qui pourtant sont fort nombreuses sur la question particulière de la lecture mais aussi sur celle, plus générale des méthodes pédagogiques. Ce faisant, l’enseignant n’est pas considéré comme un véritable professionnel ; l’enseignant professionnel serait une personne experte, apte à choisir les meilleures méthodes pour sa classe, méthodes ayant été passées au crible de l’expérimentation et situées dans le seul cadre légitime, celui des données probantes à l’exclusion de tout a priori idéologique ou politique.

Le discours sur les données probantes en éducation a beaucoup de mal à s’imposer, alors qu’il est reconnu dans d’autres domaines comme la médecine par exemple. En France, les chercheurs eux-mêmes y accèdent lentement, mais le problème majeur est qu’il n’y a aucune courroie de transmission entre les recherches faites dans d’autres pays (USA essentiellement) et les praticiens. Les échelons intermédiaires de la hiérarchie, qui normalement doivent se tenir informés et transmettre, pour diverses raisons, ne le font pas.

 


[1] . Selon le rapport de l’Inspection générale de l’Éducation Nationale de novembre 2005 L’apprentissage de la lecture à l’école primaire, en moyenne il n’intervient pas avant le mois de novembre.

[2] . « Ce n’est donc pas le fait de déchiffrer qui est responsable d’une lecture dépourvue d’accès au sens mais le déficit de vocabulaire oral qui empêche l’enfant d’y accéder. La responsabilité de l’école, dès la maternelle est ainsi essentielle. », Rapport de l’Inspection générale de l’Éducation Nationale de novembre 2005, L’apprentissage de la lecture à l’école primaire.

[3] . Article intitulé Apprendre à lire par le B.A. BA, c’est apprendre à nager sur un tabouret… c’est-à-dire, acquérir un savoir qui ne sert plus en situation de lecture véritable.

[4] . La critique des méthodes alphabétiques est cristallisée sur la méthode Boscher qui est rarissime dans les classes mais très utilisée par les parents d’élèves. Or il en existe d’autres comme Apprendre à lire avec Léo et Léa. Cette méthode syllabique ne peut recevoir la critique du sens, ni celle de la ponctuation, ni celle des majuscules.

[5] . Ibidem.

[6] . “Pourquoi un enseignement peu guidé ne fonctionne pas” (Kirschner, Sweller, Clark).

 

 

 


 

 

Pédagogies et manuels pour l’apprentissage de la lecture : Comment choisir ?

Analyse menée en 2018-2019 par le groupe de travail Pédagogies et manuels scolaires du Conseil scientifique de l’éducation nationale (CSEN), en collaboration avec l’académie de Paris
07.2019

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Texte collectif rédigé sous la direction de Stanislas Dehaene
par le groupe de travail Pédagogies et manuels du Conseil scientifique de l’éducation nationale
coordonné par Maryse Bianco et Michel Fayol.

 

Résumé

Les pédagogies pour l’apprentissage de la lecture font l’objet de multiples débats, et les éditeurs français proposent plus de 35 manuels et méthodes de lecture. Comment choisir ? Nous abordons cette question en nous appuyant sur les nombreuses connaissances scientifiques désormais disponibles sur l’apprentissage de la lecture. Dans une première partie, nous résumons brièvement l’état des connaissances sur les mécanismes de la lecture et de son apprentissage. Nous analysons également la place des manuels dans le contexte plus large des pédagogies pour l’enseignement de la lecture. Dans un second temps, nous examinons l’usage des manuels, leur impact, et leur avenir dans un monde numérique. Sur cette double base, nous énonçons une série de principes qui, selon les connaissances actuelles, devraient guider la conception et l’évaluation des manuels de lecture. Nous présentons également une liste d’écueils à éviter. La dernière partie, enfin, présente le plan Lecture récemment déployé par l’académie de Paris et qui a fait le choix d’un nombre restreint de manuels, dans le contexte d’une action globale de formation et d’accompagnement de tous les acteurs.

 

En 2018-2019, après les retours des enseignants, seuls deux manuels ont été retenus :

 

- Lecture piano

Auteur : Sandrine Monnier-Murariu (Retz)

S'informer

- Je lis, j'écris. Un apprentissage culturel et moderne de la lecture

Auteurs : Janine Reichstadt, Jean-Pierre Terrail, Geneviève Krick (Les Lettre Bleues)

S'informer

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Bernard APPY

31.03.2012

 

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Commentaire :

Voilà un petit livre, très accessible, écrit sous la direction de Stanislas Dehaene, spécialiste reconnu des questions relatives à l’apprentissage de la lecture.

Une première partie fait le point sur la façon dont le cerveau apprend à lire. Nous connaissons maintenant ce qui est avéré. Ainsi, « l’expérimentation pédagogique dans les classes le confirme : les enfants à qui l’on enseigne explicitement quelles lettres correspondent à quels sons apprennent plus vite à lire et comprennent mieux l’écrit que d’autres enfants à qui on laisse découvrir le principe de l’alphabet. (…) Si, par contre, on lui présente les mêmes mots comme des formes globales, sans lui dire qu’ils sont composés de lettres, [l’enfant] n’apprend guère, car sa mémoire est vite dépassée. Surtout, elle active une aire cérébrale inadéquate dans l’hémisphère droit. En adressant les informations vers ce circuit inapproprié, la stratégie d’attention globale interdit tout apprentissage efficace » (p 42-43). Remarquons au passage que les considérations sur les limites de la mémoire de travail rejoignent parfaitement le souci constant des enseignants en Pédagogie Explicite.

Les erreurs transmises aux instituteurs durant une trentaine d’années (de 1970 à 2000 environ) sont aujourd’hui stigmatisées : « Vous qui êtes certainement un adulte expert, vous mettez le même temps pour lire un mot de trois lettres qu’un mot de huit lettres. Un cinquième de seconde vous suffit à reconnaître un mot écrit. (…) Cet aspect étonnant de la lecture a longtemps fait croire que le cerveau se servait de la “forme globale” du mot, mais c’est une illusion. En réalité, chacun des traits, chacune des lettres sont analysés, mais chez le lecteur expert, des millions de neurones y sont consacrés » (p 49-50).

Puisque l’on sait comment le cerveau fonctionne dans l’apprentissage de la lecture, peut-on pour autant trouver “La Méthode” idéale, seule et unique ? « Il existe aujourd’hui une véritable science de la lecture. (…) Peut-on, pour autant, en déduire une méthode optimale d’enseignement de la lecture du français ? Nous ne le croyons pas. Diverses stratégies éducatives demeurent compatibles avec nos connaissances de la lecture et du cerveau. Chaque enfant doit bien entendu apprendre les correspondances entre graphèmes et phonèmes, et comprendre le ‘b-a, ba’, c’est-à-dire la manière dont on compose les syllabes et des mots à partir de ces briques élémentaires. Cependant, cette idée peut également s’inculquer, dans le sens inverse, en disséquant les mots en morphèmes, syllabes, graphèmes et lettres, afin d’en reconstituer la prononciation et le sens. Ainsi, les approches analytiques (qui partent du mot pour le décomposer en lettres) semblent tout aussi valables que les approches synthétiques (qui partent des lettres pour composer des syllabes et des mots) » (p 65-66). Nous sommes parfaitement d’accord sur le fait qu’il n’existe pas une seule bonne méthode de lecture (serait-ce même à souhaiter, tant la diversité est porteuse de richesse ?). Par contre, nous voyons combien les auteurs de ces lignes font preuve de prudence pour ne pas fâcher les partisans du départ global (“l’approche analytique”), car il en reste encore beaucoup ! Mais, outre le « semblent » qui a toute son importance (et que nous avons souligné), il faut lire le passage jusqu’à la fin qui apporte un bémol considérable : « à condition, bien entendu, que l’enfant prête bien attention aux graphèmes et aux phonèmes, et non pas à la globalité du mot ».

Dans une deuxième partie, les auteurs abordent les grands principes de l’enseignement de la lecture. Et on peut y lire : « Ne soyons pas des extrémistes du ‘b-a, ba’ ou de la régularité orthographique ! Pour que l’enfant puisse lire rapidement de petits textes qui ont un sens, enseignons-lui sans tarder certains mots de haute fréquence, même s’ils ne sont pas réguliers. (…) Ces mots-outils, tout comme un petit nombre de mots du lexique qui sont irréguliers mais très fréquents (…) peuvent être appris par cœur au cours de la première année de lecture » (p 82-83). Les enseignants explicites ne sont certainement pas des « extrémistes du ‘b-a, ba’ », car nous appliquons le principe de Gough selon lequel la lecture est le produit du déchiffrage par la compréhension : si l’un des deux est nul, il n’y a pas de lecture. Pour autant, nous déconseillons tout départ global car nous savons les ravages que cet apprentissage basé sur la devinette peut faire chez les jeunes élèves, surtout ceux qui ont des difficultés. D’autant plus que quelques pages plus haut, les mêmes auteurs parlaient du danger d’activation d’une « aire cérébrale inadéquate dans l’hémisphère droit », et quelques pages plus loin les mêmes auteurs écrivent : « Au cours des premières leçons, tous les mots doivent donc être soigneusement choisis afin de ne comporter que des combinaisons de graphèmes déjà appris » (p 92).

Dans le climat hystérique qui entoure la question de l’apprentissage de la lecture en France, on comprend que les auteurs dirigés par Stanislas Dehaene prennent beaucoup de précautions pour ne froisser personne. Quant à nous, nous ne sommes pas tenus à pareilles obligations et nous disons tout net : « Pas de départ global. »

La dernière partie est très justement intitulée L’éducation fondée sur la preuve. Les auteurs écrivent : « Toutes les règles pédagogiques que nous proposons ne sont que des hypothèses de travail, que l’expérimentation seule peut valider ou réfuter. Bien entendu, elles s’appuient sur de solides fondations : une compréhension croissante des mécanismes cérébraux de la lecture et des facteurs qui affectent son apprentissage, ainsi qu’un ensemble d’études expérimentales, principalement anglo-saxonnes, qui en ont testé l’efficacité chez l’enfant. Toutefois, ces principes doivent encore être soumis à une mesure objective dans les classes françaises » (p 101).

Il faut s’en remettre à l’expérimentation à grande échelle pour valider les pratiques pédagogiques, ou pour les réfuter. C’est précisément ce que les partisans de l’Enseignement Explicite réclament à cor et à cri depuis toujours. C’est pourtant bien simple : seules les données probantes doivent guider les pratiques pédagogiques. Rien d’autre…

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Apprendre à lire – Des sciences cognitives à la salle de classe
dir. Stanislas DEHAENE
Odile Jacob, 10/2011, 155 p.

 

 

 


 

 

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Stanislas DEHAENE : Professeur au Collège de France, titulaire de la chaire de psychologie cognitive expérimentale et membre de l'Académie des sciences. Il est l'auteur de La Bosse des maths.

Résumé :
Les Neurones de la lecture s'ouvre sur une énigme : comment notre cerveau de primate apprend-il à lire ? Comment cette invention culturelle, trop récente pour avoir influencé notre évolution, trouve-t-elle sa place dans notre cortex ?
Voici qu'émerge une nouvelle science de la lecture. Tandis que l'imagerie cérébrale en révèle les circuits corticaux, la psychologie en dissèque les mécanismes. Ces résultats inédits conduisent à une hypothèse scientifique nouvelle. Au cours de l'acquisition de la lecture, nos circuits neuronaux, conçus pour la reconnaissance des objets, doivent se recycler pour déchiffrer l'écriture - une reconversion lente, partielle, difficile, qui explique les échecs des enfants et suggère de nouvelles pistes pédagogiques.
Qu'est-ce que la dyslexie ? Certaines méthodes d'enseignement de la lecture sont-elles meilleures que d'autres ? Pourquoi la méthode globale est-elle incompatible avec l'architecture de notre cerveau ? Utilise-t-on les mêmes aires cérébrales pour lire le français, le chinois ou l'hébreu ? La lecture subliminale existe-t-elle ? Autant de questions auxquelles Stanislas Dehaene, spécialiste de la psychologie et de l'imagerie cérébrale, apporte l'éclairage des avancées les plus récentes des neurosciences.

 

 

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Les neurones de la lecture
Stanislas DEHAENE
Odile Jacob, 11/2007, 478 p.

 

 

 


 

 

Alain Desrochers
Université d’Ottawa

Line Laplante
Université du Québec à Montréal

Monique Brodeur
Université du Québec à Montréal

Le modèle de réponse à l’intervention et la prévention des difficultés d’apprentissage de la lecture au préscolaire et au primaire

in Perspectives actuelles sur l’apprentissage de la lecture et de l’écriture – Contributions about learning to read and write ; Actes du Symposium international sur la litéracie à l’école - International Symposium for Educational Literacy (SILE/ISEL) 2015, dir. Marie-France Morin, Denis Alamargot et Carolina Gonçalves, Les Éditions de l’université de Sherbrooke (2016), pp 290-314

 

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Résumé

La recherche scientifique en éducation montre qu’il est possible de réduire le nombre des élèves qui présentent des difficultés sévères d’apprentissage de la lecture en remplaçant l’approche « attendre l’échec avant d’agir » par une approche axée sur la prévention de l’échec. Le modèle de la réponse à l’intervention constitue une approche préventive dont l’efficacité a été attestée par des procédés scientifiques. Dans ce texte, nous décrivons d’abord les opérations proposées dans ce modèle pour prévenir les difficultés d’apprentissage et pour hausser l’engagement et la réussite des élèves. Ces opérations incluent la mise en œuvre de pratiques pédagogiques démontrées efficaces par la recherche, le dépistage régulier des élèves à risque ou en difficulté et l’intensification progressive des interventions pour répondre aux besoins de ces élèves, notamment par la mise en œuvre de pratiques orthopédagogiques. Ensuite, nous détaillons l’actualisation de ces opérations. Enfin, nous discutons les conditions essentielles à l’application réussie de ce modèle, selon trois phases : la planification, la réalisation, ainsi que l’évaluation d’impact et l’amélioration continue.

 

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Note Form@PEx : Nous avons rencontré Alain Desrochers lors du Symposium de Montréal du 25 avril 2019 consacré à L’enseignement explicite dans la francophonie. Il y a fait une communication d’un très grand intérêt et ses interventions ont toujours fait preuve d’une très grande érudition et d’une parfaite connaissance des sujets abordés. Ajouté à cela, une extrême amabilité dans les discussions particulières que nous avons pu avoir avec lui.

Alain Desrochers

 

 

 


 

 

Rapport de recherche

Lecture au CP : un effet-manuel considérable

Sous la responsabilité scientifique de Jérôme Deauvieau
Avec la collaboration d’Odile Espinoza et Anne-Marie Bruno

Laboratoire Printemps
UMR 8085, Université de Versailles Saint Quentin en Yvelines / CNRS
11.2013

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Conclusion du rapport

 

On disposait jusqu’ici de rares études réalisées dans les pays de langue française au cours des années 1990 et comparant les démarches d’enseignement de la lecture. Concluant à l’efficacité sensiblement supérieure des apprentissages qui font travailler le code grapho-phonologique par rapport à ceux qui ne l’enseignent pas, ces recherches sont venues confirmer les constats sur le terrain de l’impuissance des méthodes purement globales, et légitimer leur abandon.

Beaucoup plus nombreuses, les enquêtes menées aux États-Unis dans la même période vont dans le même sens. La synthèse de 38 d’entre elles, menée à partir de critères méthodologiques précis permettant d’agréger leurs données, conclut qu’un enseignement “phonique” (i.e. centré sur l’étude des correspondances graphophonologiques) systématique est plus efficace qu’un enseignement phonique non systématique, a fortiori qu’en enseignement non phonique (exclusivement global donc) ; et qu’il est plus efficace non seulement du point de vue du déchiffrage mais aussi du point de vue de la compréhension.

Le contexte français est certes aujourd’hui marqué par la dévaluation des approches purement globales ou idéo-visuelles, et la généralisation d’un travail sur le code en cours de CP, mais il est aussi caractérisé par une grande diversité des formes de ce travail sur le code, qui varie dans son intensité, sa systématicité, ses modalités.

Notre enquête confirme à son tour que la réussite des apprentissages au CP est à la mesure de la place faite au travail sur le code. Elle permet toutefois de préciser que toutes les approches du code sont loin de se valoir, montrant que la question principale de la didactique de la lecture aujourd’hui n’est plus de savoir s’il convient ou non de faire place à l’étude du code, mais de la façon d’aborder cette étude. Ce sont les classes dans lesquelles l’apprentissage est résolument centré sur le déchiffrage, considéré comme la clé de l’accès au sens, et organise son étude de façon progressive et systématique, l’élève pouvant déchiffrer de façon autonome tout ce qu’on lui propose à lire, sans recours à la lecture devinette, qui obtiennent des résultats dont la supériorité est statistiquement bien établie. La fluidité du déchiffrage s’avère difficilement séparable, dans ces résultats, de l’appréhension du sens.

La présence dans l’enquête de quelques classes utilisant des manuels de la méthode syllabique et obtenant des résultats médiocres aurait pu, même si ces derniers ne suffisent pas à modifier la tendance statistique principale, affaiblir la portée de cette conclusion. Paradoxalement, ces classes “déviantes” viennent au contraire la renforcer, puisqu’il s’avère que les enseignants qui les ont en charge ont dérogé aux principes d’apprentissage dont notre enquête souligne l’efficacité supérieure.

L’observation des effets-classes met en relief, du même coup, un aspect complémentaire des données collectées. L’analyse des variations du rendement pédagogique des manuels ne renvoie pas à une opposition bloc à bloc entre méthode mixte et méthode syllabique. Tous les manuels de la mixte n’ont pas le même rendement, et il en va de même des manuels de la syllabique. En réalité, il semble que ce soit la même loi, selon laquelle le rendement d’un apprentissage de la lecture est à la mesure de la priorité donnée au déchiffrage et de l’efficacité de son enseignement, qui explique à la fois l’efficacité supérieure de la syllabique et les différences de rendement des manuels au sein tant des méthodes mixtes que des méthodes syllabiques.

Au plan plus général de la confrontation de l’institution scolaire aux inégalités sociales, cette enquête débouche sur deux constats de forte signification.

Elle souligne d’abord l’importance des marges de jeu dont dispose l’école face au poids des héritages culturels. Certes, ceux-ci ne se font jamais oublier, même dans les classes les plus performantes : mais leur impact y est considérablement réduit. Il existe donc des moyens sérieux de lutter contre les déterminismes sociaux, et l’institution scolaire ne saurait se satisfaire de prendre acte d’inégalités qui ne dépendent pas d’elle pour les transformer en inégalités scolaires.

En second lieu il est frappant de constater que le manuel qui se révèle le plus efficient avec les élèves des milieux les plus défavorisés soit aussi le plus exigeant non seulement dans l’apprentissage technique du code, mais aussi dans ses contenus intellectuels, de par l’ambition lexicale et littéraire des textes qu’il propose à la lecture des élèves.

Notre recherche contredit à cet égard, sous un double aspect, les orientations du « Plan de rénovation de l’enseignement du français à l’école élémentaire » (1971) qui a inspiré les instructions officielles de 1972. Les auteurs de ce plan plaçaient leurs espoirs de démocratisation de l’école dans une approche de la culture écrite qui, d’une part, donnerait la primauté à la compréhension sur le décodage, et éviterait d’autre part « les savoirs abstraits et la “performance” littéraire », inaccessibles aux publics populaires du fait de l’insuffisance de leurs ressources culturelles et cognitives. Or on voit ici, quarante après, d’abord que déchiffrage et compréhension sont indissociables, l’accès au sens exigeant une grande habileté dans le déchiffrage ; et ensuite que la meilleure progression des publics populaires suppose une grande exigence à leur égard, tant en ce qui concerne la rigueur dans la qualité du déchiffrage que pour ce qui est de la richesse lexicale et littéraire des contenus.

Ces observations rappellent a contrario combien la culture professionnelle des enseignants du primaire reste aujourd’hui fortement marquée par la thématique de la rénovation pédagogique des années 1970/80. L’apprentissage du déchiffrage est souvent vécu comme le « sale boulot » de l’enseignement de la lecture, comme un temps soustrait à l’essentiel, le travail sur la compréhension, dont les publics populaires sont estimés avoir un besoin prioritaire. Ce qui explique sans doute la diffusion si paradoxalement faible de la méthode syllabique dans les quartiers les plus défavorisés, comme nous l’avons constaté.

Peut-on espérer, dans ce contexte, que seront entreprises des recherches sur l’apprentissage de la lecture portant sur de plus vastes effectifs que la nôtre, qui permettraient une mesure précise des effets-maître, de l’impact de la formation initiale et de l’ancienneté dans le métier ; et qui ne renonceraient pas a priori, au nom de la liberté pédagogique des enseignants (comme si celle-ci n’avait pas tout à gagner à s’exercer de façon mieux informée), à interroger le rôle des manuels, dont notre enquête révèle le poids si crucial ?

 

 

 


 

 

 

7 minutes pour apprendre à lire

À la recherche du temps perdu

Bruno Suchaut
Unité de recherche sur le pilotage des systèmes pédagogiques (URSP)
Alice Bougnères
Institut de recherche sur l’éducation (IREDU)
Adrien Bouguen
École d’économie de Paris, Institut des Politiques Publiques (IPP)

Document de travail
03.2014

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Ce document se base sur l’analyse des données collectées dans le cadre d’un stage d’été destiné à des élèves de grande section de maternelle dotés de compétences orales très faibles sur le plan de la conscience phonologique. Le dispositif permet d’organiser l’enseignement en petits groupes d’environ cinq élèves, de niveaux homogènes et dont la composition peut évoluer au fil du temps selon les rythmes d’apprentissage individuels. Par ailleurs, le programme dont bénéficient les élèves tient compte des apports récents de la recherche internationale sur l’apprentissage de la lecture. La question de l’utilisation du temps d’enseignement est au centre de la problématique et les analyses montrent que les besoins en temps d’apprentissage des élèves les plus faibles ne peuvent être satisfaits dans le cadre ordinaire de la classe. En effet, le volume de temps disponible aux apprentissages, principalement celui pendant lequel l’élève est engagé sur la tâche est largement insuffisant pour permettre d’aborder l’apprentissage de la lecture dans de bonnes conditions pour tous les écoliers. En matière de politique éducative, les résultats encouragent à développer, dans les écoles, des pratiques visant à optimiser au mieux le temps d’apprentissage des élèves, cela s’avère un moyen pertinent pour lutter efficacement contre la difficulté scolaire précoce.

 

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Françoise APPY

14.04.2012

Résumé

Habiletés phonologiques et leur rôle dans l’apprentissage de la lecture : une revue de méta-analyse

Melby-Lervåg, M., Lyster, S-A H., & Hulme, C.

“Phonological skills and their role in learning to read: A meta-analytic review”, Psychological Bulletin, Vol. 138(2), pp 322-352
(03.2012)

Habileté

Voici un article sorti dans Psychological Bulletin, écrit par Melby-Lervåg , Lyster, & Hulme ; il fait le point sur les habiletés phonologiques en lecture à partir d’un grand nombre de données. Les conclusions confirment ce que l’on sait déjà, à savoir l’importance des habiletés phonologiques pour la lecture, tout en apportant quelques compléments d’information.

Les lettres et les groupes de lettres correspondant à des sons spécifiques n’ont pas de sens en soi ; décoder signifie être capable de faire cette correspondance. Les enfants doivent savoir que les mots sont composés de sons. De nombreux débats ont porté sur la taille de l’unité phonique : le phonème, les rimes, les attaques. Les attaques font référence à la consonne précédant le son d’une voyelle ; la rime fait référence à une voyelle suivie d’une consonne. Ainsi dans le mot troc, l’attaque est [tr] et la rime [oc]. Les phonèmes sont des unités de son ne pouvant être subdivisées. Ainsi la rime [oc] est composées de deux phonèmes : [o] et [k]. Il est possible que cela aide les élèves de savoir que [oc] est constitué de deux sons, et d’autres chercheurs ont suggéré que les enfants devaient passer par la reconnaissance des phonèmes afin de mieux se préparer à la lecture. Par ailleurs, percevoir par exemple que la lettre p correspondant au son [p] n’est pas une mince affaire parce que [p] est pratiquement impossible à prononcer tout seul. C’est juste une explosion d’air. Mais une autre chose est également importante, c’est de posséder une mémoire verbale à court terme, dans laquelle manipuler et considérer les éléments phoniques permettant l’apprentissage de la lecture.

Melby-Lervag et al. basent leur analyse sur 235 études et concluent que les recherches existantes suggèrent que les trois choses, conscience de rime, conscience des phonèmes et taille de la mémoire verbale à court terme, peuvent prédire la lecture des mots, mais l’effet le plus large est observé avec la conscience phonémique. (En fait, la valeur prédictive de la mémoire verbale à court terme est assez réduite).

La deuxième conclusion importante de cette revue concerne la causalité. Toutes les études utilisées dans la méta-analyse, sont corrélationnelles. Ainsi, on peut en déduire que la conscience phonémique est liée aux habiletés de lecture des mots parce qu’elle est nécessaire à cette habileté. Cependant, une autre interprétation, tout aussi valable, serait que la lecture change la conscience phonémique : par conséquent, la compétence en lecture augmenterait la conscience phonémique.

Les chercheurs concluent que la conscience phonémique reste un excellent prédicteur des habiletés de lecture ; et la lecture pourrait ne pas être à l’origine de la conscience phonémique, car celle-ci été mesurée avant que les enfants ne sachent lire.

 

 

 


 

 

Steve Bissonnette et Carl Bouchard

L'enseignement efficace de la lecture

Vie pédagogique, 02.2012

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Introduction

 

Dans notre société actuelle, le diplôme d'études secondaires (DES) et le diplôme d'études professionnelles (DEP) constituent le minimum requis pour bénéficier des outils de développement, de formation ou de spécialisation dont tout citoyen aura besoin sa vie durant. Or, malgré tous les efforts déployés et toutes les ressources consacrées pour soutenir la persévérance scolaire, notre système d'éducation échappe, bon an mal an, presque un jeune sur trois.

En effet, 30 p. 100 de nos jeunes célèbrent leur 20e anniversaire sans avoir obtenu un DES ou un DEP (ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport 2008). Cette situation est dramatique et il importe d’intervenir auprès des élèves dont les probabilités d’abandonner l’école sont élevées, soit ces jeunes qui ont des difficultés sur le plan scolaire, en particulier ceux qui éprouvent des difficultés en lecture. À ce sujet, les résultats, publiés récemment, d’une étude longitudinale menée auprès d’environ 4 000 élèves ont montré que les élèves qui ne lisent pas efficacement en 3e année du primaire ont quatre fois plus de risque de quitter l’école sans diplôme que les bons lecteurs (Hernandez 2011).

Puisque les difficultés en lecture au primaire semblent avoir un impact important sur le décrochage au secondaire, il devient alors essentiel, d’une part, de privilégier des interventions précoces dans la scolarité des élèves et, d’autre part, de déterminer les méthodes d’enseignement les plus efficaces pour favoriser l’apprentissage de la lecture. Nos propos rejoignent ceux de Bost et Riccomini lorsqu’ils affirment que « compte tenu des nombreuses recherches sur lenseignement efficace, les décideurs, les enseignants et les chercheurs doivent considérer lefficacité des méthodes et des pratiques denseignement utilisées auprès des élèves en difficulté comme étant une stratégie pouvant prévenir le décrochage scolaire » (Bost et Riccomini 2006, p. 308). Afin d’augmenter les probabilités de succès de telles méthodes d’enseignement, il est préférable de repérer celles qui sont fondées sur des données probantes.

Depuis quelques années, les bienfaits des pratiques fondées sur les données probantes sont évoqués en sciences sociales et humaines. « Quand on parle de pratique fondée sur les données probantes, on fait généralement référence à des pratiques de prévention ou dintervention validées par une certaine forme de preuve scientifique, par opposition aux approches qui se basent sur la tradition, les conventions, les croyances ou les données non scientifiques. » (La Roche 2008, p. 2). D’ailleurs, le recours aux pratiques fondées sur des données probantes est l’un des moyens que suggère le Groupe d’action sur la persévérance et la réussite scolaires au Québec (2009) pour contrer l’abandon scolaire. Quelles sont alors les méthodes d’enseignement qui favorisent l’apprentissage de la lecture auprès des élèves du primaire et qui sont fondées sur des données probantes ? C’est à cette question que la présente étude tente d’apporter une réponse.

Pour y parvenir, nous présentons une synthèse partielle des résultats provenant d’une méga-analyse [1] parue récemment et ayant déterminé les méthodes d’enseignement efficace pour favoriser l’apprentissage de la lecture auprès des élèves en difficulté au primaire (Bissonnette et autres 2010).

 

 

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National Reading Panel

Conclusions


NRP

 

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À la demande du Congrès américain en 1997, un panel de spécialistes a été réuni pour évaluer l’efficacité des méthodes de lecture, à partir de l’ensemble des recherches et études réalisées jusqu’alors. Il s’agit ainsi d’une méta-analyse. On a dénombré 100 000 recherches faites sur le sujet après 1966, 15 000 ayant été faites auparavant. Parmi elles, les membres du Panel ont retenu les sujets directement liés à l’efficacité des méthodes ou approches de lecture.

Avant toute chose, une enquête a été faite auprès des personnes concernées : enseignants, élèves, parents d’élèves, responsables. Elle portait sur leurs besoins et sur leur façon d’interpréter et d’utiliser les recherches sur le sujet. Cette enquête devait permettre de dégager un plan d’étude, en aucune manière ce n’était une substitution aux résultats.

Voici les thèmes qui sont apparus :
- Importance du rôle des parents d’élèves dans le domaine de la langue orale.
- Repérage précoce des enfants à risques.
- Conscience phonémique et instruction phonique. Comment utiliser plusieurs approches pour augmenter l’efficacité dans l’apprentissage de la lecture afin que tous les enfants réussissent.
- Besoin d’informations objectives et scientifiques sur l’efficacité des méthodes.
- Demande d’études scientifiques sérieuses, dont les conclusions sont basées sur des études expérimentales, faisant preuve de rigueur méthodologique, de fiabilité démontrée, de validité, de reproductibilité, d’applicabilité.
- Importance du rôle de l’enseignant, de la formation, des rapports avec les chercheurs lesquels devraient être encouragés et reconnus.
- Nécessité de diffuser largement les conclusions de l’enquête.

À chacun de ces groupes de réflexion se sont ajoutés des sous-groupes. Ils ont déterminé sept questions destinées à identifier les méthodes efficaces et facilement utilisables dans les classes.

Les voici :
1/ Est-ce que le travail sur la conscience phonémique améliore la lecture ? Si oui, quelle est la meilleure manière de le faire ?
2/ L’enseignement phonique améliore-t-il la réussite en lecture ? Si oui, quelle est la meilleure manière de le faire ?
3/ Est-ce que la lecture orale guidée (par le maître à sa classe) améliore la lecture courante et la compréhension ? Si oui, quelle est la meilleure manière de le faire ?
4/ Est-ce que l’enseignement du vocabulaire améliore la lecture ? Si oui, quelle est la meilleure manière de le faire ?
5/ Est-ce que les stratégies de compréhension améliorent la lecture ? Si oui, quelle est la meilleure manière de le faire ?
6/ Est-ce que les méthodes dans lesquelles il y a beaucoup de lecture individuelle améliorent la lecture et la motivation ? Si oui quelle est la meilleure manière de le faire ?
7/ Est-ce que la formation des enseignants influence l’efficacité de leur enseignement en lecture ? Si oui, quelle est la meilleure formation ?

 

Conclusions par domaines

1. Domaine alphabétique

11. Conscience phonémique

La conscience phonémique ainsi que la connaissance des lettres sont les deux facteurs principaux qui peuvent augurer de la façon dont les enfants apprendront à lire pendant les deux années à venir.
Les méthodes enseignant les lettres et les sons, ont plus de résultats en lecture que celles qui ne le font pas.
La conscience phonémique améliore la lecture, l’orthographe même dans les années suivantes. (Mais n’a pas d’incidence sur les maths). Par contre, elle n’est pas efficace pour l’orthographe des élèves qui sont déjà mauvais lecteurs. L’enseignement de la conscience phonémique est plus efficace quand il est explicite.
Il faut savoir, avant de se lancer dans l’enseignement de la conscience phonémique que :
- Ce n’est pas une méthode de lecture complète.
- Cela permet de donner aux élèves une connaissance de base du système alphabétique.
- Il faut en plus assurer l’enseignement de la lecture et de l’orthographe.
- Il y a plusieurs façons efficaces de l’enseigner.
- Une clé du succès est la motivation de l’enseignant et des élèves.

12. Enseignement phonique

Ce sont des méthodes qui s’appuient sur la correspondance lettre / son. Elles peuvent être systématiques ou bien occasionnelles. Une approche systématique est explicite et progressive. Dans une approche occasionnelle, l’enseignant n’a pas de progression pré-établie, mais introduit les sons quand ils se présentent dans un texte.

13. Les différentes méthodes phoniques

Synthétique : De la lettre au son, assemblage de syllabes pour faire des mots. Cette méthode est la plupart du temps mise en œuvre par enseignement direct et explicite avec des textes lisibles et décodables par les enfants.
Analytique : Du mot aux sons et des sons à la lettre.
Encastré : L’aspect phonique est inclus dans les textes, approche implicite qui rejoint les méthodes occasionnelles. C’est une méthode non explicite, elle utilise des textes décodables moins fréquemment.
Analogique : Faire découvrir les mots nouveaux par analogie avec des mots connus.
Orthographique : Segmenter les mots en phonèmes et sortir les lettres de ces phonèmes

14. Questions guidant l’analyse

- Est-ce que l’enseignement phonique augmente la réussite dans l’apprentissage de la lecture ?
- Est-ce qu’il est plus efficace dans certaines classes ?
- Est-il profitable pour les enfants en difficulté en lecture ?
- Améliore-t-il seulement l’aptitude à décoder ou à lire un texte décodable ou bien tous les aspects de la lecture ?
- Y a-t-il des méthodes phoniques plus efficaces et pour quels élèves ?
- Y a-t-il une influence sur l’orthographe ?

15. Conclusions

La conclusion de la méta-analyse indique qu’un enseignement phonique systématique améliore la réussite dans l’apprentissage de la lecture, et qu’il est de manière significative plus efficace qu’un enseignement peu ou pas phonique.
L’enseignement phonique est bénéfique depuis la Grande Section jusqu’à la sixième et aussi pour les élèves en difficultés. Les élèves du CP ayant reçu un enseignement phonique étaient systématiquement meilleurs en lecture et en orthographe et ont montré de bons résultats en compréhension. Quand l’enseignement phonique est dispensé plus tard, les élèves arrivent à lire et à épeler mais il n’y a pas d’amélioration significative de la compréhension. La méthode systématique a un effet positif et significatif sur les mauvais lecteurs et sur les enfants de milieux défavorisés. A tous les niveaux, la méthode synthétique améliore l’aptitude à épeler correctement. Avec un impact plus fort en GS et diminuant après. On dit en général que les enfants de GS ne sont pas prêts pour un enseignement phonique. Mais les données montrent le contraire. La méthode systématique devrait être enseignée dès la GS.
La méthode phonique systématique a été utilisée largement sur une longue période avec des résultats positifs et une grande variété de programmes phoniques se sont révélés efficaces avec des enfants d’âges, d’aptitudes et de milieux socio-économiques divers.
L’enseignement phonique systématique est un facteur essentiel d’un bon apprentissage de la lecture. Cependant, il ne faut pas oublier qu’il n’est qu’un moyen. Les méthodes qui se concentrent sur le décodage au détriment de l’usage des mots ont peu de chances d’être efficaces. Les enseignants qui vont utiliser une méthode phonique systématique doivent garder cela à l’esprit.

Rôle de l’enseignant : certaines méthodes sont très directives. L’enseignant doit bien les connaître avant de les choisir. L’enseignement phonique n’est qu’un composant nécessaire mais pas suffisant d’une méthode de lecture qui au même titre que la conscience phonémique, la lecture courante, la compréhension.
Trop de classes ne s’attachent qu’à cela. L’enseignement phonique systématique est fait pour augmenter la précision dans le décodage des mots, ce qui à terme facilitera la compréhension. Les compétences phoniques à elles seules sont insuffisantes, elles doivent s’accompagner de la conscience phonémique, de la lecture courante, de la lecture de livres, de la compréhension.

 

2. Lecture courante

Elle est souvent négligée. Si le texte n’est pas lu couramment, l’élève aura du mal à se souvenir de ce qu’il a lu et à mettre en rapport les idées.

Des recherches récentes sur l’efficacité ont montré l’importance d’enseigner la lecture courante.

Deux approches :
- Lecture orale guidée
- Lecture individuelle silencieuse avec guide

Lecture orale
L’enquête a montré qu’elle a un impact significatif et positif sur la reconnaissance des mots, la lecture courante, la compréhension. Ceci pour toutes les catégories d’élèves.

Lecture silencieuse
Il n’y a pas assez de preuves pour conclure qu’une lecture individuelle massive améliore les aptitudes. Cela ne suffit pas pour dire qu’il faut la supprimer.

 

3. Compréhension

C’est un processus cognitif complexe qui ne peut ignorer le rôle du développement du vocabulaire dans la compréhension. C’est un processus actif qui nécessite une interaction voulue entre le texte et le lecteur.

Le vocabulaire

Son importance pour la lecture est reconnue depuis longtemps. Dès 1924, des chercheurs l’avait remarqué Whipple 1925.
Il y a deux types de vocabulaire : oral et écrit.
Un lecteur qui rencontre un mot nouveau, le décode et l’oralise. S’il fait partie de son lexique, il comprendra. Sinon, il ne comprendra pas. En conséquence, plus vaste est le lexique (oral ou écrit), plus les chances de compréhension sont grandes.
Conclusions : Enseigner le vocabulaire améliore les performances en lecture. Les méthodes pour le vocabulaire doivent être adaptées à l’âge et aux capacités des élèves. L’utilisation de l’ordinateur s’est révélée très positive. Le vocabulaire peut s’apprendre aussi de manière occasionnelle. Les techniques comme exposer plusieurs fois les enfants aux mots. Remplacer des mots faciles par des mots difficiles peut aider les enfants en difficulté.
- Le vocabulaire doit être enseigné à la fois de manière directe et indirecte.
- Les répétitions sont importantes
- Apprendre dans des contextes multiples.

Enseigner la compréhension

La compréhension est une « pensée intentionnelle durant laquelle le sens est construit à travers des interactions entre le texte et le lecteur ». La compréhension est améliorée quand les lecteurs relient activement les idées de l’écrit avec celles qu’ils possèdent en mémoire. La compréhension peut être améliorée en enseignant à utiliser des stratégies quand les enfants ne comprennent pas. Bien sûr ils acquièrent ces stratégies de manière informelle mais une instruction explicite a montré son efficacité.
7 types de stratégies sont reconnues comme utiles :
- guider pour expliquer comment être conscient de sa compréhension ;
- apprendre les stratégies ensemble ;
- utiliser des tableaux pour noter les aides à la compréhension ;
- répondre à des questions posées par le maître avec feedback ;
- trouver des questions sur le texte ;
- utiliser la structure du texte pour se souvenir et pouvoir répondre aux questions ;
- résumés.
Enseigner plusieurs techniques de compréhension est le plus efficace, cela permet aux élèves de se souvenir du texte, de poser des questions, de résumer au mieux.

La préparation des enseignants pour les stratégies de compréhension

Les enseignants doivent bien les connaître. L’approche par explication directe implique une explication du raisonnement mental dans l’acte de comprendre. On peut comparer cela à une résolution de problème. Ex : trouver l’idée générale.
Les stratégies transactionnelles expliquent le processus de la pensée. Puis elles mettent l’accent sur les échanges entre élèves pour proposer des interprétations.

 

4. Formation des enseignants et lecture

Beaucoup de questions restent en suspens. En particulier à propos de formation initiale ou continue.

 

5. Lecture et informatique

Il est avéré que l’on peut utiliser profitablement l’ordinateur pour la lecture (traitement du discours, reconnaissance vocale, liens hypertextes) et aussi en liaison avec l’écriture par le biais du traitement de texte. Les réponses restent incomplètes.

 

Source : http://reading.uoregon.edu/big_ideas/

Concept

Description

Conclusions du NRP

Conscience phonémique

Consiste à savoir que les mots sont composés de petites unités appelées phonèmes. Enseigner la conscience phonémique donne aux élèves le fondement nécessaire leur permettant d’apprendre à lire et à épeler.

Les élèves ayant reçu ce type d’enseignement ont amélioré leurs performances en lecture de manière significative par rapport à ceux qui n’ont pas suivi cet enseignement.

Enseignement phono-alphabétique

La méthode phono-alphabétique enseigne aux élèves les correspondances entre phonèmes et lettres et explique comment utiliser cela dans la lecture et l’écriture.

Les élèves montrent des bénéfices notoires d’un enseignement explicite phono- alphabétique, de la GS jusqu’à la classe de 6ème.

Fluence

La fluence signifie être capable de lire rapidement, en comprenant le sens des mots, en les prononçant expression, en mettant l’intonation juste, l’émotion ou emphase sur le bon mot ou la bonne phrase. Enseigner la fluence comprend la lecture orale guidée, dans laquelle les élèves lisent à haute voix à quelqu’un qui corrige leurs erreurs en leur fournissant un feedback ; il comprend aussi la lecture individuelle silencieuse au cours de laquelle les élèves lisent pour eux-mêmes.

La fluence en lecture améliore les habiletés à reconnaître les mots nouveaux; ainsi que celles à lire plus vite, de manière plus juste et plus expressive. Elle permet également de mieux comprendre le sens de ce qui est lu.

Compréhension : enseignement du vocabulaire

Enseigne comment reconnaître les mots et comprendre leur sens.

L’enseignement du vocabulaire et un contact répété avec les mots enseignés est très important.

Compréhension : enseignement de la compréhension

Enseigne des stratégies pouvant être utilisées pour aider à la compréhension lors de la lecture.

On a identifié 7 façons d’enseigner la compréhension pouvant aider à l’amélioration des stratégies chez les élèves n’ayant pas de difficultés en lecture. Par exemple, créer des questions et y répondre ainsi que l’apprentissage coopératif.

Compréhension:

la formation de l’enseignant aux stratégies de compréhension en lecture

Fait référence à la manière dont l’enseignant connaît le texte, son contenu, les stratégies de compréhension à enseigner, et comment maintenir l’intérêt des élèves.

Les enseignants sont mieux préparés pour enseigner et utiliser les stratégies de compréhension s’ils ont eux-mêmes reçu un enseignement sur ces stratégies.

La formation des enseignants pour l’enseignement de la lecture

S’intéresse à la formation reçue par les enseignants en matière de lecture, l’efficacité de leurs méthodes de lecture, et de quelle manière la recherche peur améliorer leur compréhension de l’enseignement de la lecture.

Les études sur la formation des enseignants étaient plus générales que le critère considéré par le panel. Parce que les études ne se centraient pas sur des variables spécifiques, le panel n’a pas pu tirer de conclusions. Ainsi il recommande des études complémentaires sur la question

Informatique et enseignement de la lecture

Examine comment les nouvelles technologies peuvent être utilisées pour l’enseignement de la lecture.

Parce que peu d’études se sont intéressées à l’utilisation des ordinateurs dans l’enseignement de la lecture, le NRP a tiré peu de conclusions. Néanmoins, il a noté que les 21 études sur le sujet aboutissent à des résultats positifs quant à l’utilisation des ordinateurs pour la lecture.

 

Form@PEx Voir la traduction des conclusions du National Reading Panel faite par l'association Agir pour l'école.

 

 

 


 

 

 

Dr Ghislaine Wettstein-Badour

Voici les principaux travaux de notre amie, le

Dr Ghislaine Wettstein-Badour,

spécialiste de l'apprentissage de la lecture et du fonctionnement du cerveau.
(† 31/03/2010)

 

 

Sites Internet : Cerveau et lecture et Méthode Fransya

 

Le cerveau, cet inconnu des pédagogues (01.2004)
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Apports des neurosciences et pédagogie du langage écrit (01.2005)
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Article dans Le Figaro Magazine du 14.01.2006 (01.2006)
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Apprentissage de la lecture : une démonstration expérimentale et théorique de la supériorité de la méthode phonique synthétique (alphabétique) sur toutes les autres approches pédagogiques (11.2006)
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lctuere extpere : Réponse à quelques pédagogues imprudents ! (12.2006)
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Bien lire, bien écrire : nouvelle étape de ma contribution (11.2007)
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Les neurones de la lecture (M.S. Dehaene) (12.2007)
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Apprentissage de la lecture et de l'écriture : les premiers pas - Quelles sont les pratiques à l'école maternelle ? Quels dangers recèlent-elles ? Que faire ? (10.2009)
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Bibliographie


Livre

Lettre ouverte aux parents des futurs illettrés
Ghislaine WETTSTEIN-BADOUR
Éd. de Paris, 2000, 102 p.

Caddie

Ghislaine WETTSTEIN-BADOUR : médecin (internat en psychiatrie), travaille depuis 25 ans auprès d’enfants, d’adolescents et d’adultes pour dépister et traiter les difficultés d’apprentissage du langage écrit (lecture, écriture, orthographe).
Résumé :
L'auteur, médecin spécialisé dans l'étude des difficultés d'apprentissage de l'écrit, démontre pourquoi les méthodes actuelles conduisent plus de la moitié des élèves à l'échec.
En s'appuyant sur les travaux des neurosciences contemporaines et ses propres observations, elle prouve que les pédagogies modernes d'apprentissage de la lecture sont contraires aux exigences du fonctionnement du cerveau, retentissent de manière négative sur sa structure anatomique et compromettent gravement le développement de l'intelligence.
Beaucoup de parents reconnaîtront dans cet ouvrage facile à lire et émaillé d'exemples concrets les étapes du “parcours du combattant” qu'ils vivent au quotidien avec leurs enfants en difficulté. Ils y trouveront des solutions faciles à mettre en œuvre pour permettre à chacun, quel que soit son âge, d'acquérir cette maîtrise de la lecture et de l'orthographe indispensable à toute réussite.

 

Livre

Bien parler, bien lire, bien écrire - Donnez toutes leurs chances à vos enfants
Ghislaine WETTSTEIN-BADOUR
Eyrolles, 11/2005, 188 p.

Caddie

Dr Ghislaine WETTSTEIN-BADOUR : Médecin généraliste, elle exerce en libéral depuis plus de 35 ans. Elle a consacré la plus grande partie de sa carrière à l'accompagnement d'enfants d'âge scolaire et notamment de ceux qui sont en difficulté.
Pour leur venir en aide, elle a mis au point des méthodes optimisées d'apprentissage de la lecture et de l'écriture, puis, en partenariat avec France Badour, de l'orthographe. Ces pédagogies respectent la manière dont le cerveau apprend la langue écrite, et leur efficacité est reconnue pour
tous les élèves très jeunes ou adultes, qu'ils soient ou non dyslexiques.
Résumé :
Pour que son intelligence se développe, l'enfant doit d'abord apprendre à bien parler, à bien lire et à bien écrire. Les parents jouent un rôle irremplaçable dans cet apprentissage fondamental, qui commence dès la petite enfance et se poursuit jusqu'à l'adolescence.
Afin de les aider dans leur rôle éducatif, ce petit guide pratique leur donne des conseils précieux pour :
- apprendre à leurs enfants à bien parler et comprendre ce qui leur est dit ;
- les accompagner dans l'acquisition de la lecture, de l'écriture et de l'orthographe ;
- prévenir les difficultés qu'ils risquent de rencontrer ; diagnostiquer rapidement les éventuels signes d'échec ;
- apporter des solutions concrètes si cela est nécessaire.
En s'appuyant sur les découvertes médicales les plus récentes concernant le fonctionnement du cerveau, l'auteur donne aux parents des informations précises pour comprendre les étapes et les enjeux de ces apprentissages et il leur propose des exercices qu'ils pourront facilement mettre en œuvre pour développer l'intelligence de leurs enfants.

 

Méthode Fransya

Méthode

 

 

 


 

 

 

National Early Literacy Panel


National Early Literacy Panel

 

Il s'agit d'une méta-analyse à partir de 300 études scientifiques quantitatives cherchant à savoir quelles compétences il faut développer chez les enfants de 0 à 5 ans, pour qu'ils apprennent à lire sans difficulté.

La commission devait répondre aux questions suivantes :
1. Quelles compétences et habiletés chez les jeunes enfants sont déterminantes dans l'acquisition future de la lecture, l'écriture, l'orthographe ?
2. Quels programmes ou types d'approches pédagogiques ou procédures ont un rôle dans l'acquisition de ces compétences-là ?
3. Quels environnements, quels cadres peuvent avoir une influence sur ces compétences-là ?
4. Quelles caractéristiques des enfants peuvent avoir une influence sur ces compétences-là ?

En résumé, la conclusion dit que : « Enseigner aux tout petits les lettres et les sons avant qu'ils reçoivent un apprentissage plus formel, les aide à développer un éventail de compétences pour la lecture reconnues comme essentielles pour par la suite pouvoir apprendre à lire. »

On peut lire aussi : « L'enseignement du code alphabétique a une très grande importance sur la réussite en lecture, d'après 83 études rassemblées sur le sujet. »

 

Internet Executive Summary - Developing Early Literacy : Report of the National Early Literacy Panel

Internet Developing Early Literacy - Report of the National Early Literacy Panel