Dossier : Esprit statique - Esprit dynamique Imprimer Envoyer
Pédagogie Explicite - Dossiers
Écrit par Form@PEx   
Jeudi, 01 Avril 2010 00:00

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Esprit statique - Esprit dynamique

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Carol S. DWECK : Professeur à l'université Stanford, est une des chercheuses les plus reconnues dans le domaine de la personnalité, de la psychologie sociale et de la psychologie du développement. L'ouvrage est traduit et adapté en français par Jean-Baptiste Dayez, chercheur en psychologie à l'Université catholique de Louvain (Belgique).

Résumé :
Durant ses nombreuses années de recherche en psychologie, Carol Dweck a découvert l'existence de deux états d'esprit bien distincts.
Pensez-vous que votre intelligence est une donnée innée, que vous ne pouvez pas vraiment modifier ? Pensez-vous ne pas pouvoir changer les composantes essentielles de votre personnalité ? Si vous avez répondu « oui », il est fort probable que vous ayez un état d'esprit fixe.
Ou bien pensez-vous plutôt que, peu importe votre niveau d'intelligence, il vous est possible de l'améliorer ? De modifier certains aspects de votre personnalité ? Oui ? Vous avez alors certainement un état d'esprit de développement.
À partir de cette distinction en apparence toute simple, Carol Dweck nous montre que, seuls, les capacités et le talent ne suffisent pas, mais que l'état d'esprit a un impact capital sur la réussite de notre vie. Le plus important pour relever et réussir des défis est de les aborder avec un état d'esprit de développement. Et Carol Dweck va vous montrer comment. Sur la base de résultats de recherche, d'anecdotes de la vie quotidienne et d'éléments biographiques de personnalités célèbres, la chercheuse américaine applique sa méthode aux diverses facettes de l'existence (éducation, relations sociales et amoureuses, sport, monde des affaires).
Forte d'une solide expérience scientifique et universitaire, Carol Dweck nous offre non seulement une conception novatrice de ce qui nous mène à la réussite ou nous empêche de nous développer, mais également des pistes très concrètes pour mettre ces idées en pratique dans notre propre vie.

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Changer d'état d'esprit – Une nouvelle psychologie de la réussite
Carol S. DWECK
Mardaga, Wavre, 04/2010, 312 p.


 

Teaching a Growth Mindset

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infographie

Nigel Holmes

 


Esprit statique


 

Esprit dynamique


Représentations

- L’intelligence et les aptitudes sont fixes.

- La nature détermine l’intelligence et les aptitudes.

- J’ai des aptitudes innées pour certaines choses et des handicaps innés pour d’autres choses.

- Je serai toujours bon, par exemple, en maths et toujours mauvais en, par exemple, arts plastiques.

Représentations

- L’intelligence et les aptitudes peuvent se développer.

- L’éducation détermine l’intelligence et les aptitudes.

- Si je m’applique plus, que je demande de l’aide, que je prends des risques, que je change ma stratégie, alors j’ai de fortes chances d’apprendre n’importe quoi et ainsi de développer mon intelligence et mes talents

Priorités

- Faire mes preuves.

- Réussir, surtout avec peu d’efforts, car cela prouve que je suis intelligent et/ou compétent.

- Éviter les échecs de toutes sortes, car cela prouve que j’ai de faibles capacités.

Priorités

- M’améliorer.

- Apprendre à travers les défis, car cela m’aidera à développer mes talents.

- Chercher des défis intéressants car cela m’aidera à élargir mes apprentissages.

Comportement

- Les défis doivent être évités.

- Les difficultés veulent dire que je ne suis pas aussi intelligent que je le pensais.

- L’échec veut dire que je suis stupide ou incompétent.

Comportement

- Les défis m’aideront à apprendre.

- Les difficultés sont une partie inévitable du processus d’apprentissage.

- L’échec veut dire que j’ai besoin d’adapter mes stratégies.

Je m’applique quand il y a…

- Une occasion de montrer mes forces.

- Une bonne chance de tout réussir.

- Très peu de risques d’échec.

Je m’applique quand il y a…

- Une occasion d’apprendre de nouvelles connaissances ou compétences.

- Assez de défi pour me développer.

- Une occasion d’essayer quelque chose de nouveau.

Réaction au défi

- M’accuser ou, pour protéger mon ego, accuser quelqu’un d’autre.

- Me sentir inférieur ou incompétent.

- Essayer de deviner les réponses ou copier sur les autres.

- Chercher des distractions qui stimulent mon ego.

Réaction au défi

- Il n’y a pas de blâme, je veux juste savoir comment mieux faire la prochaine fois.

- Se sentir inspiré pour essayer.

- Essayer plusieurs stratégies pour résoudre les problèmes.

- Solliciter des conseils, de l’aide ou de nouvelles stratégies.

Devise

- Ou tu es bon en quelque chose ou tu ne l’es pas.

- Si tu es vraiment bon en quelque chose, tu ne devrais pas avoir besoin de faire des efforts.

- Si tu dois faire des efforts, c’est que tu dois être stupide.

- Ne fais pas trop d’efforts, comme cela tu auras une excuse si les choses tournent mal.

- Surtout pas d’effort !

Devise

- La réussite vient avec l’application.

- Peu importe à quel point tu es bon à quelque chose, tu peux toujours t’améliorer.

- Si tu essaies, tu apprends.

- Fais toujours de ton mieux, ainsi tu augmenteras tes chances de succès.

- Sans effort, pas de progrès !

D'après www.challenginglearning.com

 

 

http://prepaangers.weebly.com

 


 


 

 

Esprit statique - Esprit dynamique

D'après les travaux de Carol Dweck

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Réussite et esprit dynamique

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Voici un clip proposant une excellente synthèse sur la réussite, qu’elle soit scolaire ou pas, et sur son lien avec un esprit dynamique (growth mindset). Il fait référence aux travaux de Carol Dweck. Carol Dweck a travaillé pendant de nombreuses années sur l’idée que les gens se font de leur propre intelligence, cela l’a amenée à constater l’existence de deux profils (mindset), l’esprit statique et l’esprit dynamique. Une personne à l’esprit statique pense posséder un capital d’intelligence inné et figé pour toujours. Elle croit que ses talents propres sont gravés à tout jamais dans le marbre. Elle a besoin d’avoir l’air intelligent à tout prix, car elle est persuadée de ne pas pouvoir agir pour changer cet état de fait. L’esprit statique, ainsi, se trouve dans une logique du paraître et non dans une logique du faire. Pour lui, l’erreur est un signe de faiblesse qu'il faut absolument masquer pour être reconnu des siens. À l’école, il refuse de travailler dur car cela est associé à l’idée d’une carence personnelle, il est incapable de rebondir sur un échec, il abandonne immédiatement. Les enseignants connaissent bien ce profil : c’est l’élève qui veut avoir une bonne note à tout prix, y compris par la tricherie. C’est l’élève qui zappe d’une matière à une autre dès qu'il n’est pas le meilleur, celui qui est sarcastique envers ceux qui travaillent dur.

À l’inverse, un esprit dynamique pense que son intelligence est en évolution et considère les défis comme des occasions pour apprendre plus. Il affronte les erreurs et en tire des enseignements. Il travaille dur et ne craint pas de fournir des efforts. Ce profil est moins courant dans les classes.

À l’école, la réussite, entre autres facteurs, vient aussi de l’état d’esprit de l’élève et il serait utile que les méthodes pédagogiques prennent en compte cet élément important. L’idée que l’enfant se fait de son intelligence est véhiculée par la famille, qui n’hésite pas à le complimenter sur ses qualités personnelles, croyant bien faire; ce faisant, elle contribue à développer chez lui un esprit statique. Les éloges sont un élément important aussi bien dans l’éducation des enfants que dans leur instruction mais ils doivent permettre le développement d'un esprit dynamique. Ainsi, on devra les faire porter sur les efforts fournis et non sur les talents personnels. On dira : « C’est très bien, tes efforts ont abouti et tu as réussi » plutôt que : « Qu'est-ce que tu es doué en maths ! » Cette façon de faire a une incidence évidente sur l’estime de soi, qui s’acquiert non pas comme beaucoup continuent de le croire, en inculquant dans l’esprit des enfants qu’ils sont les meilleurs, mais en parvenant à une forme de réussite.

En quoi l’école peut-elle favoriser l’esprit dynamique ? C’est en utilisant les éloges manière appropriée et en faisant observer aux élèves le lien entre réussite et efforts fournis, que peu à peu, ceux-ci intégreront l’idée d’une possible amélioration de leurs performances, et ce, quel que soit leur niveau de départ. Dans le quotidien de la classe, l’enseignant a un peu tendance à considérer la réussite comme normale et banale ; il faut au contraire la souligner et montrer que les élèves eux-mêmes et leurs efforts en sont à l'origine. Et que chacun peut parvenir à une forme de réussite. De la même façon, toute erreur doit faire l’objet d’un enseignement ; en la pointant, en la “positivant”, l’enseignant permet à l’élève d’en tirer profit pour la suite. Il faut également, encore plus aujourd’hui, où l’effort n’est plus une valeur porteuse, montrer par des exemples que les grandes réussites sont toujours le fruit d’efforts intenses. Les exemples ne manquent pas, y compris dans des domaines appréciés par les élèves (sport, musique etc). Dans ma classe, j’aime bien engager ce genre de réflexion à partir de cette citation d’Edison : « Le génie, c’est 1 % d’inspiration et 99 % de transpiration. »

 

 


 

 

Source : Le Figaro, 19/03/2012

Dr Damien Mascret

L'échec, étape normale de l'apprentissage scolaire

Les enfants sont plus performants quand ils ne craignent pas d'échouer

 

Performance

 

Une mauvaise note à l'école, et c'est la catastrophe. Dans une société qui fait souvent de la réussite scolaire le préalable de l'intégration sociale, le moindre revers est aussitôt vécu intensément par les parents. Or, une étude publiée par deux chercheurs français dans le Journal of Experimental Psychology vient de montrer que ce n'est pas tant l'échec que ce qu'on en dit qui a de l'importance. Selon les psychologues Jean-Claude Croizet et Frédérique Autin (CNRS, université de Poitiers), il est même préférable de banaliser l'échec pour permettre à des élèves de mieux exprimer leur potentiel.

« L'échec est une étape normale de l'apprentissage, explique Frédérique Autin. Apprendre prend du temps et nécessite d'avoir des difficultés. » Un discours aux antipodes du fantasme de la progression constante des élè­ves. « Quand des parents me disent que leur enfant a des difficultés à l'école, je commence par leur rappeler qu'il est au bon endroit pour en avoir », s'amuse le Pr Croizet, qui invite à dé­dramatiser la difficulté : « Quand un enfant apprend à faire du vélo, toutes les conditions d'apprentissage sont réunies : on est très tolérant, on sait qu'il y a une très grande variabilité en­tre les enfants, on ne s'inquiète pas des échecs et comme les enfants appren­nent seuls on n'est pas tenté de les comparer aux autres. »

Pour vérifier leur hypothèse, les deux chercheurs ont soumis 111 enfants de sixième à des exercices qui étaient en fait trop difficiles pour eux. Ils ont ensuite discuté avec eux de leur res­senti avant de leur faire passer de nouvelles épreuves, celles-ci réalisa­bles. Le plus étonnant est que les en­fants à qui l'on avait expliqué qu'il était tout à fait normal d'échouer aux premiers exercices, puisqu'ils n'avaient pas encore appris com­ment résoudre les problèmes, obtenaient ensuite de meilleurs résultats à d'autres épreuves. Surprenant? Pas pour des chercheurs en psychologie sociale. « En permettant à l'enfant d'échouer, on lui évite de se sentir mal face à l'échec. Rencontrer une difficul­té n'est plus vécu comme un signe d'incompétence », explique Frédérique Autin. Du coup, l'ensemble de ses ressources se concentre sur la tâ­che à accomplir.

Car un enfant n'aime pas être confronté à l'échec. Il met aussitôt en doute son intelligence s'il pense qu'une note la reflète. Il risque alors de développer des stratégies pour éviter de se trouver à nouveau confronté à un sentiment d'infériori­té intellectuelle. Il peut, par exemple, se mettre volontairement « en situa­tion d'auto-handicap », en créant des conditions qui lui permettront d'at­tribuer son échec à des facteurs qui ne remettent pas en cause son estime de soi (ne pas réviser, s'y mettre trop tard...). L'enfant peut aussi se désen­gager et remettre en cause les normes de réussite en vigueur et le système scolaire tout entier.

Évidemment, dans un système en­tièrement fondé sur la valorisation de la réussite, il n'est pas évident de redonner sa juste place à l'échec, c'est-à-dire celle d'une étape nor­male et inévitable de l'apprentissage. D'ailleurs, n'est-il pas légitime, si­non indispensable, d'évaluer la per­formance des élèves ?

« Penser que la compétition est mo­tivante est une aberration au regard des travaux de recherche. Pour la grande majorité des enfants, elle va au contraire perturber leur apprentissa­ge, explique Céline Darnon (Labora­toire de psychologie sociale et cognitive, université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand). Nous conseillons aux enseignants de créer un contexte de classe pour que les élèves compren­nent qu'ils sont là pour apprendre et pas pour se comparer aux autres », ajoute la chercheuse.

D'autres n'hésitent pas à pointer l'effet contre-productif de la note lorsqu'elle sert d'étalon à la valeur d'un enfant au lieu d'être juste un outil de sa progression actuelle et des efforts à fournir. Le Pr Croizet et sa collègue Emmanuelle Neuville rap­pellent dans Le Défi éducatif, des si­tuations pour réussir (éd. Armand Colin) que l'on peut, bien sûr, com­plimenter un enfant aussi souvent qu'on le souhaite, mais qu'il vaut mieux le faire sur ses efforts et non sur ses résultats, « qu'ils se soldent par un échec ou par une réussite ».

Le Pr Carol Dweck (Université de Stanford, États-Unis), qui a consa­cré toute sa carrière universitaire à comprendre comment nous gé­rions les échecs (Changer d'état d'esprit, éd. Mardaga), a montré que les enfants qui réussissaient le mieux étaient ceux qui avaient compris que l'intelligence est un potentiel qui peut se développer et non une donnée fixée.

 

 

 


 

 

Françoise APPY

Le mouvement pour le développement de l’estime de soi
Quand l’enfer est pavé de bonnes intentions

Pour de plus amples développements, se reporter à l’ouvrage de Jean M.Twenge : Generation Me

08.07.2011

 

Narcissisme


Il s’agit d’un mouvement très populaire aux États-Unis dans les années 70 ; il consistait à penser que le développement de l’estime de soi chez l’enfant était la clé de voûte de sa future réussite. Ce fut un courant de pensée très important. Il a fortement marqué les mentalités et a eu aussi des conséquences pédagogiques non négligeables. Le but ultime était de permettre l’épanouissement individuel de l’enfant, en lui inculquant par divers moyens qu’il est une personne spéciale, quelles que soient ses aptitudes personnelles. Pédagogiquement, on a vu apparaître des méthodes d’enseignement spécifiquement tournées vers l’acquisition de l’estime de soi ; elles voyaient l’école comme un lieu d’épanouissement individuel, l’enfant devait y trouver du plaisir, ne pas y rencontrer l’échec, ne pas être en compétition, ne pas trop travailler. Ainsi l’école changeait de statut en passant du lieu où devaient se faire des apprentissages à celui conçu pour l’épanouissement personnel de l’enfant. Bref, elle s’acclimatait à l’air du temps (mais pouvait-elle faire différemment quand les idées nouvelles étaient aussi puissantes ?). Ces idées qui étaient celles d’une époque ont eu un puissant impact aux États-Unis où elles avaient cours depuis déjà quelques temps. On constate qu’encore aujourd’hui elles font toujours partie des choses admises. La France a été touchée également par ce mouvement, mais de manière plus édulcorée. Cela s’est fait en particulier par le biais des méthodes pédagogique dites nouvelles, d’essence socioconstructivistes, sans toutefois les excès de certaines méthodes américaines.

Principe

L’estime de soi est considérée comme indispensable, et enseignable. On doit apprendre à l’enfant à s’aimer. La particularité de ce mouvement consiste à encourager l’enfant à s’aimer et à être satisfait de lui sans aucune raison particulière. Par exemple, on déconseillera d’encourager les enfants à dire des phrases du type : « Je suis bon au foot », car l’estime est alors liée à une performance. Le but recherché est qu’il ait une haute opinion de lui-même indépendamment de ses aptitudes. Être auto-satisfait est bien plus important que l’éventuelle réussite. D’ailleurs, certaines méthodes pédagogiques comportent des exercices dans lesquels les élèves doivent compléter des phrases du type : « Je m’aime, même si… » ou « Je me pardonne pour … ». Toutes les méthodes pédagogiques qui ont été développées outre-Atlantique insistent bien sur ce principe : s’aimer gratuitement.

Origine

Principe que l’on peut mettre en rapport avec l’influence des chrétiens fondamentalistes américains qui parlent de l’amour inconditionnel de Dieu ; Dieu aime toute créature indépendamment de ses qualités et en dépit de tous ses défauts.
On évoquera aussi le rôle joué par le contrôle des naissances. L’enfant qui vient au monde est désiré. Il fera par conséquent l’objet d’un traitement exceptionnel ; ses parents ne se lasseront pas de lui dire et redire à quel point il est exceptionnel et spécial.
Les médias ont joué un rôle très important dans la diffusion de cette idée, présentant l’estime de soi comme la panacée à tous les maux de notre siècle. Un sondage des années 2000 montrait que la première raison pour laquelle les jeunes étaient positifs sur eux-mêmes était leur bonne estime de soi et non leur réussite. Cela montre le succès de cet enseignement. Les mêmes jeunes interrogés sur la validité de leur estime de soi (les raisons) éludent la discussion et sont sincèrement même choqués. Comme si on pouvait remettre en question une évidence universelle.

Estime de soi et école

L’école est le reflet de la société et les courants dominants y font très vite leur nid ; c’est ainsi que l’on a vu apparaître une multitude de méthodes pédagogiques supposées développer l’estime de soi. Méthodes que l’on trouve déjà lors du projet Follow Through [1] comme par exemple Bank Street Open Education, Responsive Education. Rappelons néanmoins que les résultats du Follow Through montrent de bien piètres résultats pour ces méthodes, tant sur le plan des acquisitions scolaires que sur celui de l’estime de soi, et ce en dépit de l’énergie dépensée spécifiquement pour la susciter. Le Direct Instruction fut la meilleure méthode, tant sur le plan des apprentissages scolaires que sur celui de l’estime de soi alors que cette méthode était centrée sur l’efficacité des acquisitions scolaires. On sait depuis que l’estime de soi, contrairement à ce que beaucoup croient encore, ne se construit pas sur du vide ; elle est la conséquence des efforts fournis pour conduire à une réussite tangible.
Le mouvement pour l’estime de soi appliqué à l’école a donné à celle-ci un rôle nouveau : elle n’est plus le lieu des apprentissages. Elle se borne à constituer un environnement positif propice au développement de l’estime de soi, solution supposée à tous les problèmes.

Méthodes pédagogiques centrées sur l’estime de soi

Un credo : chacun doit avoir une haute estime de soi, et pour cela tous les moyens sont bons. Nombre de ces méthodes ont vite confondu estime de soi et narcissisme. Pour donner un exemple, regardons la méthode Auto Science dans laquelle le sujet d’étude est soi-même. Elle comporte un exercice nommé Magic Circle : chaque jour on désigne un enfant qui reçoit un badge indiquant « Je suis extraordinaire » ; alors, les autres doivent dire des choses positives à son égard. A la fin, il reçoit la liste écrite de tous les encouragements reçus. Puis, il conclut en disant quelque chose de positif sur lui-même. Il s’agit donc véritablement d’inculquer l’estime de soi comme un but en soi.
Ces méthodes ont des conséquences en matière de notation. En effet, l’enseignant se voit dans l’obligation de valider les travaux des élèves quelle qu’en soit la qualité. Les notes n’ont plus de raison d’être. Toute compétition ou émulation est bannie. L’important est que les élèves soient satisfaits d’eux-mêmes, même s’ils n’ont aucune raison objective de l’être. Ainsi, on a vu des enseignants ne plus corriger les erreurs des élèves, inquiets que cela puisse nuire à leur estime de soi. C’est ainsi que s’est dessinée une politique inflationniste de la notation et une baisse du niveau d’exigence [2]. Un A est donné même à ceux qui fournissent peu de travail personnel en dehors des heures de cours ; en même temps, on remarque que les lycéens consacrent beaucoup moins d’heures au travail à la maison qu’autrefois. Le nouveau rôle de l’école est confirmé : l’école n’est pas là pour apporter une nourriture intellectuelle, mais une nourriture émotionnelle, c’est son rôle (Maureen Stout). Par conséquent, on ne doit pas mettre les élèves en compétition car c’est mauvais pour l’estime de soi ; comme on doit éviter de les noter. Si vraiment cela s’avère nécessaire, on doit le faire de telle sorte que l’enfant ou le jeune n’ait rien d’autre qu’une note brillante.
En 2005, un enseignant britannique a même voulu bannir le mot échec du langage scolaire. Il aurait voulu le remplacer par une expression du type succès différé. Dans la foulée, on a aboli les stylos rouges de correction pour les enseignants, la couleur étant devenue effrayante pour les enfants en raison de sa connotation très négative.

Ennui et paresse

Ce qui au départ repose sur une idée généreuse a une conséquence inattendue : une épidémie d’ennui à l’école. En effet, comment ne pas s’ennuyer à l’école quand on ne poursuit pas le but d’y apprendre quoi que ce soit, quand les notes sont toujours brillantes, quoi qu’il advienne et quand de toute façon on vous répète que vous êtes une personne exceptionnelle. En corollaire se trouve la paresse : pourquoi faire des efforts puisque de toutes façons, je suis satisfait de moi-même, je n’ai rien à prouver. Malheureusement les choses ne fonctionnent pas ainsi en dehors de l’école. Les efforts sont la clé de la réussite et celui qui n’a pas appris à les fournir se trouve vite hors circuit.
Parallèlement à cette augmentation de l’estime de soi et de l’ennui en classe, les résultats scolaires baissent. Sans en déduire un rapport de cause à effet, on est en droit de se demander si les nombreuses heures passées à leur dire qu’ils sont des personnes spéciales n’auraient pas été mieux utilisées à leur faire acquérir les apprentissages de base.

Critiques

Les chercheurs sont unanimes. Les jeunes à qui on a inculqué l’estime de soi, sont des personnes n’admettant pas la critique, devenant vite grossiers et inamicaux quand ils sont dans un contexte où leur mérite personnel n’est pas reconnu. On pourrait s’attendre à ce que les enfants qui ont une bonne estime de soi réussissent mieux à l’école. Or, il n’en est rien. Plus largement, l’estime de soi ne protège pas de la délinquance, des problèmes de dépendance, des maternités précoces.
Déjà le projet Follow Through avait révélé des écarts entre les objectifs pédagogiques annoncés et les résultats. Puis, les travaux de Carol Dweck ont bien montré que la réussite scolaire repose en grande partie sur l’état d’esprit de l’élève [3]. Cette chercheuse en psychologie distingue deux états d’esprit : l’esprit statique, qui pense que son intelligence est définitive et acquise et l’esprit dynamique, qui considère qu’il peut jouer un rôle pour l’améliorer et acquérir des résultats. Toutes les recherches montrent que c’est ce deuxième type qui réussit le mieux à l’école, qui est capable de rebondir sur un échec pour avancer, qui ne cherche pas à tout prix à paraître intelligent, qui est capable d’établir des stratégies et de faire des efforts pour améliorer ses performances. L’esprit statique n’a pour but que celui de paraître intelligent, il dénigre les efforts, réservé à ceux qui ne sont pas intelligents ; s’intéresse peu aux contenus en soi mais surtout au résultat qu’il va obtenir. Il vit très mal les échecs et si cela se produit, il abandonne ou il triche. Les conclusions de Carol Dweck montrent exactement l’inverse de ce que croit le mouvement pour l’estime de soi : complimenter et encourager l’enfant sur ses qualités personnelles sur son côté exceptionnel est le contraire de ce qu’il faut faire pour l’aider à réussir tant à l’école que dans sa vie future. Il serait sans aucun doute préférable pour les enfants de développer de réelles aptitudes et de sentir heureux d’être parvenu à les maîtriser. Les personnes avec une haute estime de soi sont plus aptes à tricher et plus violentes. Il est vain d’encourager un enfant à se sentir satisfait de lui s’il n’a rien fait pour cela. Les enfants développent une estime de soi par l’accomplissement de tâches.
Il est normal que ce mouvement ait eu pour conséquence une épidémie d’ennui à l’école et de paresse. Comment pourrait-on avoir envie de travailler dur ni même d’essayer puisque de toutes façons, on est aimé, on est une personne spéciale et on est auto-satisfait. L’estime de soi sans fondement encourage la paresse plutôt que les efforts. La véritable estime de soi et confiance en soi consisterait à utiliser ses faiblesses ou ses échecs comme des motivations pour se surpasser et pour apprendre des choses ; non à se satisfaire de soi pour la seule raison que l’on est venu au monde

Pourquoi ce mouvement a-t-il été si populaire ?

Parce qu’il est très confortable mais aussi addictif : les enseignants n’ont pas à critiquer, les enfants n’ont pas à être critiqués, et chacun rentre chez soi heureux et satisfait. Les élèves repartent ignorants et non éduqués, mais tellement contents d’eux-mêmes.

Dangers - Conséquences

Les enfants qui ne réussissent pas dans un domaine doivent être encouragés à persévérer. Ainsi en règle générale, les Asiatiques n’ont pas une estime de soi aussi développée que les Américains ; lorsqu’ils se rendent compte qu’ils sont faibles dans un domaine, ils travaillent jusqu’à ce que cette faiblesse s’estompe. Au contraire, les Américains préfèrent abandonner et s’attaquer à autre chose.
Le mouvement pour l’estime de soi prépare mal les enfants aux critiques dont inévitablement ils feront un jour l’objet, dans la vraie vie. Dans une société où il est très difficile aujourd’hui de faire son chemin, où la concurrence est la règle, il faut être préparé, armé et capable de surmonter les difficultés qui se dressent sur le chemin. Le développement de l’estime de soi tel que décrit ci-dessus grossit l’ego de l’enfant qui déjà est persuadé que le monde tourne autour de lui. Cela peut conduire au narcissisme [4]. Le narcissisme est un trait psychologique que tous les spécialistes qualifient de négatif. Le narcissique n’a pas d’empathie, est centré sur lui-même, et ne peut concevoir le point de vue d’un autre. Il est facilement violent, anxieux. Il est montré que les jeunes générations sont plus narcissiques que les précédentes et ce de manière significative. La différence avec l’estime de soi est que le narcissique non seulement se considère comme spécial mais supérieur aux autres. Beaucoup de programmes prévus pour développer l’estime de soi sont à l’origine de cette montée du narcissisme. Une autre facette du narcissisme est le sentiment que l’on a droit à tout, et même que l’on a plus de droits que les autres. Dans ses formes les plus extrêmes le narcissisme peut conduire à des conduites dramatiques (comme par exemple le massacre de Colombine) à un manque d’empathie pour les victimes de viols ou une jouissance lors des scènes violentes.

 

Certaines idées pédagogiques américaines traversent l’Atlantique assez vite. L’estime de soi en fait partie. Si elle n’a pas pu s’imposer comme méthode pédagogique à part entière comme ce fut le cas aux États-Unis, elle a tout de même fortement influencé les pratiques et l’idéologie dominantes. Nous sommes bien dans un registre idéologique, aucune donnée probante n’étant venue soutenir ce mouvement. Les seules données probantes dont on dispose sont celles qui, au contraire, l’invalident.
Il n’en reste pas moins que d’une manière plus pernicieuse, cette idée est passée dans les croyances : sur le rôle de l’école, de plus en plus centré sur le bien-être au détriment de l’acquisition des connaissances, sur le souci constant de ne pas « traumatiser » les élèves par une note, une remarque ou tout autre chose qui ne le renverrait pas à son autosatisfaction. Le meilleur exemple est celui de la notation, remise en cause à intervalles réguliers, au prétexte de l’impact nocif sur l’élève d’une éventuelle mauvaise note. Cela se voit à travers la disparition des notes chiffrées au profit de mention de type Acquis/En Cours d’Acquisition/Non Acquis. Mais aussi à travers des consignes de notation lors des examens : les jurys ont des instructions d’extrême clémence, c’est un secret de polichinelle. L’idée fait maintenant partie des choses admises ; les parents d’élèves y ont très vite adhéré et savent bien le rappeler aux quelques enseignants qui s’entêtent encore à vouloir instruire leurs élèves avec tous les efforts que cela nécessite.
C’est peu dire que l’école est en mutation à l’heure actuelle. Mutation qui dure depuis plusieurs décennies et qui vise à en changer les objectifs, le rôle, le statut. D’une école qui instruisait, on veut passer à une école qui épanouit et donne du plaisir comme si les deux choses ne pouvaient cohabiter. Le plaisir à l’école, qui contribue à l’épanouissement personnel ne peut-il pas venir des apprentissages réussis et des efforts récompensés ? Quelle sorte de citoyens seront ces milliers d’élèves ignorants, autosatisfaits, égocentriques voire narcissiques, incapables d’affronter aucune critique, aucune embûche, ni de rebondir sur un échec pour aller au-delà ? Qui en portera la responsabilité ?

 


[1] Sur le projet Follow Through, voir cette rubrique.

[2] Selon Jean M.Twenge, en 2004, 48% des lycéens avaient un A alors qu’en 68 seulement 18% avaient la même note et ce malgré la baisse du niveau du SAT (équivalent baccalauréat) sur cette période.

[3] Carol Dweck, Changer d’état d’esprit

[4] Voir le dernier ouvrage de Jean Twenge : The Narcissism Epidemic.

 

 

 


 

Françoise APPY

05.01.2011

 

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Qu’est-ce que la Génération Moi ?

Elle regroupe les personnes nées dans les années 70, 80 ou 90. Personnes ayant entre 7 et 36 ans en 2006. Ce sont donc les jeunes d’aujourd’hui et ils font passer le soi en premier. D’où le nom que lui donne Jean Twenge. Mais elle se plaît aussi à l’appeler iGeneration ou Igen. I en anglais signifie je (et résume bien l’essence de cette génération) et de plus, rappelle le i des nouvelles technologies (comme iPod, iPhone) qui sont un univers bien familier à ces jeunes-là.
La Génération Moi, à la différence de celles qui ont précédé, fait passer les besoins individuels avant tout. Mais ce n’est pas exactement la même chose que l’égoïsme. Cela se perçoit à travers des phrases ou expressions devenues banales, comme Sois toi-même, Crois en toi, Tu dois t’aimer toi-même avant de pouvoir aimer les autres… Cette génération a été élevée et conditionnée dans cet état d’esprit. Cette centration sur soi est devenue une croyance culturelle très enracinée.

L’originalité du livre

Elle tient au fait que l’ouvrage n’est pas l’opinion d’une personne, mais qu’il repose sur une masse énorme de données tangibles traitant de la question. Ces données rassemblent 13 années de recherches à partir des réponses fournies par un million trois cent mille jeunes sur des questions allant de l’anxiété aux comportements sexuels. De très nombreux exemples viennent illustrer les résultats de recherche.

Qui est Jean M. Twenge ?

Jean M.Twenge, est docteur en psychologie et professeur à l’université de San Diego. Elle est aussi l’auteur de nombreux ouvrages et articles scientifiques. Elle s’est longuement intéressée à l’étude des générations, en particulier sous l’angle de l’estime de soi et de l’épidémie narcissique qu’elle attribue à une certaine forme d’éducation parentale. (Generation Me, 2006 – The narcissicism Epidemic: living the age of entitlement, 2009 ouvrage dans lequel elle identifie le narcissisme de la Génération Moi, puis en identifie les causes et les troubles qui en découlent).

Le propos

Notre époque a fait de l’estime de soi un cheval de bataille. Dès l’enfance, tout est fait pour qu’elle s’installe durablement chez le jeune. Les jeunes ont beaucoup plus de liberté et d’indépendance qu’ils n’en ont jamais eues au cours des siècles mais en regard de cela, on constate aussi qu’ils sont atteints de dépression, d’angoisse, de cynisme et de solitude. Ils ont été conditionnés pour ambitionner les parcours les plus brillants, à un moment où il est de plus en plus difficile de se faire une place dans la société. Dans ce monde ultra compétitif, ils ont de très hautes attentes ; le hiatus est immense entre leurs attentes et la réalité du monde. Les enfants de la Génération Moi, une fois adultes, sont très déçus quand ils prennent conscience de la réalité du monde. Jean Twenge donne une description très documentée des différences entre cette génération et celles qui ont précédé.

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Generation Me: Why Today’s Young Americans Are More Confident, Assertive, Entitled – and More Miserable Than Ever Before
Jean M. TWENGE
Free Press, réédition : 03.2007, 304 p.

 

Jean Twenge
Jean Twenge

 

 

 


 

Françoise APPY

27.06.2011

 

Livre
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Commentaire :

Jean Twenge est connue pour avoir publié récemment Generation Me. Dans cet ouvrage, elle consacrait déjà un chapitre à la montée du narcissisme chez la jeune génération. Ce nouveau livre est écrit en collaboration avec Keith Campbell, qui s’est déjà penché sur la question du narcissisme.

Être narcissique signifie avoir un sens exagéré de soi. Le narcissique croit qu’il est unique et spécial ; il en conclut qu’il a droit à un meilleur traitement que les autres. S’il entretient des relations sociales c’est uniquement dans le but d’assouvir ses besoins spécifiques et de satisfaire son ego. Le narcissique ne recherche que la compagnie des gens importants, centre toutes les conversations sur lui, veut toujours posséder ce qui se fait de mieux. Lorsque les choses ne se déroulent pas à sa convenance, il devient coléreux et même violent.

L’ouvrage s’appuie sur de récentes études mettant en évidence la montée du narcissisme. Il décrit les deux chemins empruntés : la voie individuelle et la voie collective reposant sur un changement dans les croyances et les valeurs de la société.

Les causes sont multiples, on parle d’une conjonction de facteurs ayant favorisé cette montée en flèche. Parmi eux le très influent mouvement pour l’estime de soi dans les années 80 et 90 qui a inculqué aux enfants dès la maternelle des slogans tels que « Tu dois t’aimer toi-même avant d’aimer les autres » ou « Regardez-moi, je suis une personne spéciale ». Mais aussi l’idée devenue banale que vous êtes meilleur que vous ne l’êtes en réalité, et meilleur que tous les autres autour de vous. Tout procédé favorisant cette croyance est générateur de narcissisme ; c’est le cas par exemple des espaces Internet dans lesquels on se construit des identités glamour et complètement fausses.

Le livre s’appuie uniquement sur des données probantes permettant un état des lieux précis ainsi qu’une étude des comportements des personnes narcissiques. Il examine le narcissisme en profondeur, comme il examine les changements intergénérationnels sur la question, situant le tout dans un cadre individuel et collectif.

L’éducation familiale bien sûr est en filigrane de cette étude. On retiendra par exemple quelques conseils éducatifs bien sentis :

  • Au lieu de dire à vos enfants “ Tu dois t’aimer toi-même avant d’aimer les autres » ou « Regardez-moi, je suis une personne spéciale », dites plutôt : « Si tu t’aimes trop, il ne te restera pas d’amour pour les autres. »
  • Prenez conscience du fait qu’être centré sur soi ne conduit pas au succès mais au contraire, à long terme, mène à l’échec. Ceux qui réussissent ont confiance en eux-mêmes, mais pas trop ; ils savent tenir compte des autres. Ils ne sont pas narcissiques.
  • Ne donnez pas trop de pouvoir à vos enfants. Fixez des limites et faites-les respecter.
  • Quand vous dites non, soyez-en convaincus.

Au total, un livre extrêmement riche, qui donne à réfléchir sur l’importance à long terme des modèles éducatifs familiaux. Le mouvement pour l’estime de soi par exemple, croyant donner le meilleur à ses enfants, en a fait des individus coupés de la réalité et peu préparés à affronter notre société actuelle. La rencontre avec le réel qui intervient forcément un jour peut alors être lourde de conséquences.

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The Narcissism Epidemic - Living in the Age of Entitlement
Jean M. Twenge et W. Keith Campbell
Free Press, réédition : 04.2010, 368 p.

 

Interview de Jean M. Twenge

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