Pourquoi le Direct Instruction suscite-t-il un tel ressentiment ? (1ère partie) Imprimer Envoyer
Pédagogie Explicite - Direct Instruction
Écrit par Kerry Hempenstall (trad. Françoise Appy)   
Jeudi, 26 Décembre 2013 15:25

Il s'agit de la traduction (avec la permission expresse de l'auteur) de l'article de Kerry Hempenstall :

Why does Direct Instruction evoke such rancour?

Traduction : Françoise APPY

Pourquoi le Direct Instruction suscite-t-il un tel ressentiment ?

1ère partie

 

 

 

Dans un article précédent, j'ai énuméré les rapports, synthèses, revues et méta-analyses montrant la validité du Direct Instruction comme pratique basée sur les données probantes.

Dans cet article, je tiens à présenter ce qu’est le Direct Instruction, et les critiques qui ont entravé l’acceptation de ce modèle pédagogique dans le monde éducatif. Suivant de près la recherche en éducation depuis de nombreuses années, je suis surpris de découvrir régulièrement des programmes clairement influencés par le Direct Instruction. Celui-ci est rarement évalué ou même discuté par des chercheurs indépendants.

 

La recherche valide l'enseignement explicite


Comment le Direct Instruction a-t-il  été perçu par les éducateurs ? De toute évidence, les partisans de la méthode globale, critiquent l’enseignement explicite en général. Le Direct Instruction est sans doute le premier exemple d'un enseignement explicite, il a déjà une longue histoire ; c’est un épouvantail pour tous ceux qui n’en veulent pas. Par mes lectures et mon expérience comme formateur d’enseignants, je sais que ces critiques reposent sur une compréhension erronée du Direct Instruction. Les détracteurs savent juste (souvent car ils l’ont entendu dire) qu'ils n'aiment pas ça !

Cette critique du Direct Instruction en tant que modèle d'enseignement explicite montre une fois de plus la déconnexion entre recherche et pratique en matière d'éducation, compte tenu des données probantes démontrant l’efficacité des modèles explicites par rapport à d'autres approches (Alfieri, Brooks, Aldrich & Tenenbaum, 2010).

La recherche valide presque universellement les pratiques pédagogiques explicites (Archer & Hughes, 2011 ; Kirschner, Sweller, & Clark, 2006 ; Klahr & Nigam, 2004 ; Marchand-Martella, Slocum, et Martella, 2004). « Celles-ci sont considérées comme plus efficaces par rapport aux pédagogies de découverte (Alfieri, Brooks, Aldrich, & Tenenbaum, 2010 ; Ryder, Tunmer, et Greaney, 2008), en particulier lorsque les élèves sont en difficulté » ( Marchand-Martella, Martella, Modderman, Petersen, et Pan, 2013, p.166).

Pour citer un exemple, nombre d'enseignants ignorent les bienfaits de l'enseignement explicite en lecture. Pourtant, les méthodes utilisées pour les remplacer sont non seulement inefficaces mais peuvent aussi créer des obstacles à la réussite des élèves.

La nature apparemment irrationnelle de l'orthographe, l'existence de nombreux mots non transparents, tout cela peut parfois conduire les professeurs à ne pas enseigner le décodage alphabétique. Pour certains, c’est parce qu'ils ont été formés à éviter l’enseignement explicite du principe alphabétique (Goodman, 1986 ; Shankweiler & Fowler, 2004). On argumente ainsi : on ne peut enseigner le code de manière explicite en raison de l'existence de mots irréguliers....

Par conséquent, nous pouvons avoir des situations complètement disparates dans lesquelles on trouve des enfants incapables de découvrir par eux-mêmes le principe alphabétique, à côté d’autres capables de découvrir la nature morphémique de la langue ; l’enseignant, volontairement ou non, promeut les hypothèses morphologiques et ignore les phonologiques ; voilà qui  conduit les enfants dans le piège d’une stratégie qui devait les faire réussir mais qui, finalement, les laisse patauger (Byrne, Freebody & Gates, 1992 ; Byrne, 2011, p 182).

L’argument évoqué par les constructivistes consiste à dire que les raisonnements complexes doivent être la priorité, mais qu’ils ne s’obtiennent pas par un enseignement explicite (c’est une affirmation).

Le problème est que l'apprentissage ne ​​fonctionne généralement pas de cette façon. Des cognitivistes comme Daniel Willingham l’ont montré : il est presque impossible d'avoir une réflexion poussée sans posséder des connaissances et des compétences solidement ancrées. Sauts cognitifs, intuition, inspiration – vision – sont facilités en appliquant à des niveaux supérieurs l’aptitude à traiter des questions d’ordre inférieur. On exécute un travail basique en le faisant sans trop y penser, mais jamais en l’ignorant. Cette synergie entre la mémorisation par cœur et la créativité est plus communément acceptée dans de nombreux pays asiatiques. « Les Américains ont développé une dichotomie entre la pensée critique et la mémorisation, la première étant bonne, la deuxième mauvaise », écrivent les auteurs d'une étude sur des écoles japonaises. Mais ils constatent que de nombreux types de raisonnement d'ordre supérieur reposent sur l'apprentissage par cœur et en ont besoin. Souvent, la créativité apparaît parce que l'esprit, jusqu’alors encombré dans des situations nouvelles, a été libéré (Lemov, Woolway & Yezzi, 2012, p 37-38).

Un autre facteur concerne la formation des futurs enseignants ; celle-ci ne leur fournit pas les connaissances nécessaires pour apprécier la recherche, et en particulier tout ce qui est relatif à la littératie (Clark, Jones, Reutzel, et Andreasen, 2013 ; Greenberg, McKee & Walsh 2013 ; Leader-Janssen et Rankin-Erickson, 2013).

La recherche montre que si les enseignants ne comprennent pas les principes de la recherche permettant une adaptation efficace, les mises en application peuvent être écartées prématurément et ils en concluent  que la recherche est peu pertinente.  (Gersten, Vaughn, Deshler et Schiller, 1997 ; Slocum, Spencer et Detrich, 2012, p.172).

On s’est enthousiasmé pour l'apprentissage basé sur le fonctionnement du cerveau [“brain based learning”] – là, vous risquez de me demander à quel autre endroit pourraient bien se passer les apprentissages ? – et pour les méthodes prenant en compte les structures nerveuses sous-jacentes. Les données probantes pour ce type d’approche sont généralement minces, voire inexistantes. Ainsi, il est intéressant de lire que les approches dont les résultats sont bons, sont les mêmes programmes qui indiquent l’existence de changements neuronaux consécutifs à un enseignement direct et explicite.

Une mise au point en deux éléments s’impose. D’abord, mettons l’accent sur le fait qu’il faut s’assurer des conditions environnementales et nutritionnelles stimulant la croissance dendritique dans l’enfance et la petite enfance. En second lieu, se pencher sur l’amélioration de la force de circuits neuronaux spécifiques, et pas seulement sur la croissance globale des dendrites. Encore plus intéressant, les activités éducatives, telle que la mémorisation, l’apprentissage de maîtrise et les activités répétitives semblent renforcer et solidifier la formation et l’entretien de ces circuits (Garrett, 2009 ; Freeberg, 2006). Les données encouragent fortement l'utilisation d’un enseignement de précision, des approches de la pédagogie de maîtrise, et de programmes comme DISTAR ou Direct Instruction (Kirschner, Sweller & Clark, 2006 ; Mills, Cole, Jenkins & Dale, 2002 ; Ryder, Burton & Silberg 2006 ; Swanson et Sachse-Lee, 2000 ; Alferink & Fermier-Dougan 2010, p 46).

Je donnerai plus loin d’autres informations sur les diverses critiques.

 

Qu’est-ce que le Direct Instruction ?


C’est l’un des modèles éducatifs les plus étudiés (Di Magliaro, Lockee & Burton, 2005 ; Weir, 1990). Il existe de nombreuses preuves de son efficacité sur un large panel de problèmes d'apprentissage chez les élèves. Ce modèle diffère de l’approche globale [Whole Language] par ses hypothèses sur le processus d'enseignement, par les  caractéristiques de l'apprenant sur lesquelles il s’appuie et par les moyens de ​​la construction des programmes ; de fait,  le Direct Instruction pourrait être décrit comme l'antithèse de l’approche Whole Language.

Bien que les théories de l’approche globale ne s’appuient sur aucune recherche académique sérieuse, ce modèle  continue à dominer la politique éducative. Les modèles d'enseignement direct sont ignorés malgré l'énorme corpus de recherche indiquant leur supériorité, dans la mesure bien sûr où l’acquisition des compétences et  connaissances de base restent l'objectif (Weir, 1990, p 30).

Le modèle du Direct Instruction, reconnu dans le projet Follow Through, est apparu au début des années 60 grâce aux travaux de Carl Bereiter et Siegfried Engelmann. L'implication ultérieure de Wes Becker et Doug Carnine entre autres, a conduit à la publication d'un certain nombre de programmes d'enseignement en 1969. Les programmes partagent un style d'enseignement commun que tout observateur de classe ne manquera pas de remarquer. L'instruction se déroule en petits groupes avec un professeur menant les activités à l'aide d'un script ; les élèves sont activement sollicités, le rythme est rapide ; ils reçoivent une rétroaction constante. Les programmes sont conçus en fonction de ce qui doit être enseigné et non de qui doit l’enseigner. Ainsi, tous les enfants travaillent avec un professeur utilisant les mêmes stratégies d'enseignement. Les différences individuelles résident dans les amorces, le renforcement, les quantités de pratique et les stratégies de correction (Gregory, 1983).

 

Caractéristiques du modèle Direct Instruction


Il y a un certain nombre de caractéristiques importantes dans les programmes d'enseignement direct (Becker, 1977). On suppose que tous les enfants peuvent apprendre et être enseignés, c’est pourquoi l’échec à apprendre est considéré comme un échec de l’enseignement (Engelmann, 1980). Les enfants dont les progrès sont limités doivent apprendre à apprendre plus vite ; cela se fait en mettant l'accent sur certaines caractéristiques spécialement conçues pour améliorer l'efficacité. Ces caractéristiques découlent de la conception même de l'enseignement et de variables comme par exemple la façon dont le programme est mis en œuvre. Le programme est conçu dans le but d’être « irréprochable » (Engelmann, 1980), c'est-à-dire composé de séquences pour lesquelles il n'existe qu'une seule interprétation logique. Le but du concepteur est d'éviter toute ambiguïté dans l'enseignement – l'accent est mis sur les principes d'analyse logique. Ces principes permettent l'organisation des concepts en fonction de leur structure et de leur communication à l'apprenant, à travers la présentation d'exemples et de contre-exemples.

Engelmann (1980) a mis en évidence quatre principes de base :

1. Lorsque cela est possible, enseigner un cas général. C’est-à-dire des habiletés qui, lorsqu’elles sont maîtrisées, peuvent être appliquées à un large éventail de situations pour lesquelles des solutions spécifiques n’ont pas été enseignées ; par exemple le décodage des mots réguliers. Ces généralisations peuvent être enseignées de manière inductive, simplement par des exemples, ou de manière déductive, en fournissant une règle et une série d’exemples pour définir les limites de la règle.

2. Enseigner l'essentiel. Les éléments essentiels sont déterminés par une analyse des compétences nécessaires pour atteindre l'objectif souhaité. Il existe une assertion sous-jacente concernant la lecture : il est possible d'obtenir une lecture compétente par l'analyse des tâches et par l'enseignement de sous-habiletés dans un cadre cumulatif. Les partisans d'une perspective globale seraient en désaccord avec la possibilité ou l'opportunité d'enseigner de cette façon.

3. Limiter le nombre d’erreurs. Les concepteurs du Direct Instruction considèrent les erreurs comme contre-productives et comme une perte de temps. Pour les apprenants, un taux de réussite élevé est utile sur le plan du maintien de la motivation, laquelle peut facilement se perdre par des échecs successifs. Ce faible taux d'erreur est obtenu par l'utilisation des principes  pédagogiques expliqués dans la Théorie de l'instruction (Engelmann et Carnine, 1982) et en s’assurant que les élèves ont les compétences pré-requises pour commencer n'importe quel programme (via un test de départ).

4. Une pratique adéquate. Les programmes du Direct Instruction exigent la  maîtrise des apprentissages (généralement au-dessus de 90 %). Les élèves continuent à se concentrer sur une tâche donnée jusqu'à ce que le critère soit  atteint. L'objectif de cette stratégie est la rétention sans pour autant que tous les élèves suivent un schéma identique. La démarche commence avec la pratique collective, puis intervient une pratique décalée. La quantité de pratique diminue à mesure que la compétence pertinente est incorporée dans des compétences plus complexes. Les partisans du Direct Instruction soutiennent que cette fonction d'enseignement est particulièrement importante pour les élèves peu performants mais qu’elle est trop souvent peu prise en compte (Engelmann, 1980). Même si cette façon de faire est démodée, la recherche l’encourage fortement et un certain nombre d'écoles efficaces montrent de plus en plus son importance (Rist, 1992 ; Thompson, Ransdell, & Rousseau, 2005). « Les stratégies maintenant abandonnées, telles que la mémorisation, la récitation et l’entraînement sont celles que nous devons utiliser. Elles sont simples mais fondamentales ; c’est ce que nous devons faire. Ce sont ces choses simples, mais fondamentales, qui rendent la pensée complexe possible » (Rist, p 19).

 

Aux origines du Direct Instruction


Ce sont ces principes de conception pédagogique qui distinguent le Direct Instruction des approches behavioristes traditionnelles et modernes de l’enseignement. Cependant, le modèle partage un certain nombre de caractéristiques avec d'autres approches comportementales (par exemple, le renforcement, le contrôle du stimulus, les encouragements,  le modelage, le désétayage) et avec le mouvement d'enseignement efficace (pédagogie de maîtrise, les techniques de présentation des enseignants, le temps académique engagé et les procédures de correction). Ces dernières caractéristiques ont été étudiées à fond au cours des 40 dernières années, et ont généralement été acceptées avec l’acception “instruction directe” (Gersten, Woodward & Darch, 1986).

Rosenshine (1979) a utilisé l'expression pour décrire un ensemble de variables pédagogiques relatives au comportement de l'enseignant et de l'organisation de la classe à des niveaux élevés de rendement scolaire, à l'école primaire. Les hauts niveaux de rendement étaient liés à la quantité de contenu couvert et maîtrisé. Donc le rythme d'une leçon peut être contrôlé pour améliorer l'apprentissage. Le temps  scolaire engagé fait référence au pourcentage du temps alloué pour un sujet au cours duquel les étudiants participent activement. Une série d'études (Rosenshine & Berliner, 1978) a mis en évidence la diminution de l'engagement qui survient lorsque les élèves travaillent seuls plutôt que lorsqu’ils travaillent avec un professeur, dans un petit groupe ou en classe entière. La réponse chorale typique des programmes Direct Instruction est un moyen d'assurer une participation élevée des élèves. Une fois, l’auteur a  compté 300 réponses dans les 10 minutes d'activité d’enseignement direct du décodage, réalisé dans un groupe de 5e en lecture (Hempenstall, 1990).

On a observé que l’accent mis sur les contenus scolaires était la caractéristique des enseignants efficaces. Les activités non scolaires, bien que sans doute agréables et visant d’autres buts, étaient correlées négativement à la réussite. Déjà, Rosenshine (1980), dans sa revue d’études, montrait que la centration sur les contenus scolaires plutôt que l’affectif, provoquait une atmosphère chaleureuse et une haute estime de soi chez les élèves. Des programmes moins structurés et des enseignants plus tournés sur l’affectif donnaient des élèves avec une faible estime de soi. Les classes centrées sur le maître avaient de meilleurs résultats que celles centrées sur les élèves. De manière analogue, les enseignants avec un fort leadership et  qui ne laissaient pas les élèves choisir leurs activités, réussissaient mieux. Solomon et Kendall (1976) cités par Rosenshine (1980) indiquaient que la permissivité, la spontanéité et le manque de contrôle de la classe «  étaient reliés de manière négative, non seulement à l’amélioration de la performance, mais aussi à l’évolution positive de la créativité, de l’enquête, de l’habileté à écrire, et à l’estime de soi pour les élèves de ces classes. »  (p 18).

La procédure d’instruction appelée démonstration-pratique-rétroaction (ou parfois modelage-guidage-test) s’appuie sur de nombreuses données (Rosenshine, 1980). Cette stratégie trompeusement simple combine trois éléments d’enseignement liés entre eux dans un modèle général. Elle comprend une séquence invariante dans laquelle une courte démonstration de l’habileté ou du contenu est suivie par une pratique guidée durant laquelle la rétroaction est fournie à l’élève (et une démonstration plus approfondie si nécessaire). La seconde phase comprend en général les réponses aux questions de l’enseignant sur ce qui a été précédemment présenté. Il apparaît que le surapprentissage induit par cette phase est particulièrement précieux. La troisième phase, celle de la pratique indépendante est évaluée par l’enseignant.

La revue de Medley (1982) a indiqué l'efficacité d’une stratégie de pratique contrôlée contenant des questions de faible niveau cognitif, un taux élevé de réussite (80 %) et des critiques rares. Ainsi, la popularité parmi les enseignants des questions cognitivement difficiles et implicites contenues dans les modèles d’apprentissage par découverte, est difficile à justifier de manière empirique. Ces questions difficiles nécessitent que les élèves manipulent des concepts sans qu’ils aient appris comment faire. Les recherches sur les approches par découverte indiquent une relation négative avec la réussite des élèves. La revue de Winnie (1979), de 19 études expérimentales sur des problèmes de haut niveau, a prouvé cette conclusion de manière forte, tout comme Yates (1988).

Pour résumer les résultats de la recherche sur les variables ayant  un impact positif sur l'apprentissage des élèves, Rosenshine et Berliner (1978) définissent l’enseignement direct comme un concept offrant une partie de la base théorique du Direct Instruction.

Le Direct Instruction concerne un certain nombre de comportements d’enseignement centrés sur les contenus dans lesquels les objectifs sont clairs pour les élèves ; le temps alloué pour l’enseignement est suffisant et continu ; la couverture des contenus est extensive ; les performances des élèves sont surveillées ; les questions ne sont pas difficiles et induisent beaucoup de réponses correctes ; la rétroaction aux élèves est immédiate et orientée sur le contenu scolaire. Dans le Direct Instruction, l’enseignant contrôle les objectifs pédagogiques, choisit les matériaux appropriés selon le niveau des élèves, et détermine la vitesse de la séance (p 7).

Le Direct Instruction s’est développé en un système complet d'enseignement couvrant de nombreux domaines de compétences : la lecture, les mathématiques, la langue, l'orthographe, la micro-informatique, l'écriture, le raisonnement, et une variété d'autres disciplines scolaires, y compris la chimie, la lecture critique, les études sociales et l'histoire. Ainsi, l'approche qui initialement s’était limitée aux compétences de base pour ensuite s’élargir à des compétences d'ordre supérieur (Kinder & Carnine, 1991), dispose maintenant d'une importante base de données issue de la recherche et continue de se présenter comme une promesse dans le cadre d'une solution aux problèmes de l'analphabétisme dans notre communauté.

 

L’évaluation du modèle du Direct Instruction


Une très importante entreprise nationale d’évaluation de différentes approches pédagogiques fut l’opération appelée Follow Through. Elle a montré que l’approche du Direct Instruction était particulièrement efficace. Pour les discussions sur cette évaluation, voir Adams (1996), Becker & Gersten (1982), Engelmann, Becker, Carnine & Gersten (1988), Grossen (1995) et Watkins (1996).

En plus des données du projet Follow Through, il y a eu de nombreuses autres évaluations des programmes du Direct Instruction, depuis le tout début ; mais comme c’est le cas souvent avec les recherches en éducation, il y a eu relativement peu d’études répondant aux critères d’acceptabilité qui sont demandés aujourd’hui. Fabre (1984) a compilé une bibliographie annotée de près de 200 études réalisées avant 1984. Pour la plupart, les résultats de la recherche ont été impressionnants, compte tenu de la mise en garde relative aux limites évoquées plus haut. Des résultats positifs de revues de recherche ont été fournis par Gersten (1985), Gregory (1983), Kinder et Carnine (1991), Lockery et Maggs (1982), White (1988). Voir plus loin pour les opinions contraires.

Considérant que le Direct Instruction a été initialement conçu pour aider les élèves défavorisés, l'accent mis sur les caractéristiques des tâches et les principes pédagogiques efficaces transcende les caractéristiques des apprenants, et s’applique à un large éventail d'apprenants. Willingham et Daniel (2012) fait une remarque similaire en notant que « la recherche montre que l'enseignement adapté aux caractéristiques d'apprentissage communes peut être plus efficace que l'enseignement axé sur les différences individuelles » (p 16).

Lockery et Maggs (1982) ont examiné les recherches indiquant la réussite auprès d’enfants moyens, d’enfants avec des problèmes légers, modérés ou sévères sur le plan de l’acquisition des habiletés, d’élèves relevant de l’enseignement spécialisé en inclusion ou dans des établissements spécifiques, d’élèves défavorisés (qu’ils soient autochtones ou bien avec une langue maternelle autre que l’anglais), d’élèves dans les établissements spéciaux avec des degrés de déficience intellectuelle diverses, ainsi que des handicaps physiques.

Gersten (1985), dans sa revue des études relatives à des élèves  handicapés a conclu que le Direct Instruction permettait des gains de réussite plus élevés que les méthodes traditionnelles. Il a également suggéré que le critère de maîtrise (plus de 90 %) peut être particulièrement important pour les élèves en difficulté, et a appelé à une évaluation plus formative où une seule variable d'instruction est manipulée ; il a aussi appelé à plus de recherches visant à mettre en évidence ces variables seules ou avec celles associées aux gains académiques. Gersten fait référence à l’étude de Leinhardt, Zigmond, et Cooley (1981) portant sur 105 élèves en difficultés d’apprentissage. Les auteurs ont noté que trois comportements pédagogiques étaient fortement associés aux progrès des élèves en lecture – l’utilisation de renforçateurs, la centration sur les contenus, et une variable enseignement comprenant une démonstration, de la pratique et de la rétroaction. Chacun de ces comportements est crucial dans la défintion de l’instruction directe (Rosenshine, 1979) et justifie l’affirmation selon laquelle il existe des comportements pédagogiques transcendant les spécificités des élèves. Cette étude fut la première à démontrer que les principes spécifiques de l’instruction directe étaient valables pour les élèves en difficulté d’apprentissage.

La méta-analyse de White (1988) portant sur des études impliquant des élèves en difficultés d’apprentissage, des déficients intellectuels, des élèves en difficulté de lecture s’est concentrée sur celles employant des groupes de comparaison et d’expérimentation équivalents. Il a rapporté un effet de taille de 0.84 unités d’écart type par rapport aux traitements de comparaison. Cela est nettement au-dessus du standard pour la  pertinence d’un effet de traitement pédagogique (Stebbins, St. Pierre, Proper, Anderson & Cerva, 1977). White a conclu que  « l’enseignement tel qu’il constitue la théorie du Direct Instruction (Engelmann & Carnine, 1982) est efficace à la fois pour les apprenants handicapés sévèrement ou moyennement, et ce pour toutes les habilietés sur lesquelles la recherche a été conduite » (p 372).

Un argument supplémentaire en faveur de l'approche explicite est venu de Kavale (1990). Son résumé de recherche sur l'enseignement direct et l'enseignement efficace conclut que ces derniers sont 5 à 10 fois plus efficaces pour les élèves handicapés que les pratiques visant à modifier les processus d'apprentissage non observables tels que la perception. Binder et Watkins (1990) ont décrit le Direct Instruction (avec l'enseignement de précision) comme la meilleure approche soutenue par la recherche pour résoudre les problèmes de l'enseignement dans le monde anglo-saxon.

Ainsi, les évaluations du Direct Instruction s'étalent dans le temps.

En voici un exemple, résumé ci-dessous :

L’une des critiques les plus courantes est que le Direct Instruction fonctionne avec des élèves en difficultés, ou de niveau faible, ou alors avec de très jeunes élèves. Cela n’est absolument pas issu des conclusions des méta-analyses. Les effets du Direct Instruction sont les mêmes pour les élèves normaux (d = 0.99), les élèves de faible niveau ou de l’enseignement spécialisé (d = 0.86) ; ils sont plus importants pour la lecture (d = 0.89) que pour les mathématiques (d = 0.50), identiques pour la compréhension de haut niveau (d = 0.54) et identiques aussi pour les élèves du primaire et du secondaire. Les conclusions de ces méta-analyses sur le Direct Instruction soulignent le pouvoir de l’annonce des objectifs d’apprentissage et des critères de réussite et de la volonté de guider les élèves vers ceux-ci.
Résumé de (Hattie, 2009, p 206-7).

 

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