Des pratiques exemplaires en Ontario pour prévenir le décrochage scolaire Imprimer
Pédagogie Explicite - Articles
Écrit par Steve Bissonnette et François Massé   
Samedi, 26 Septembre 2015 13:55

Steve Bissonnette et François Massé [1]

Des pratiques exemplaires en Ontario pour prévenir le décrochage scolaire

 

 

Éducation Canada
Association canadienne d’éducation, pp 44-45
09.2015

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Dans notre société actuelle, le diplôme d'études secondaires constitue un minimum requis pour béné­ficier des outils de développement, de formation et de spécialisation dont tout citoyen aura besoin sa vie durant. Au Canada, 20 % des jeunes de 15 à 19 ans ne fréquentent plus l'école, bien plus que les 15 % enregis­trés dans les autres pays de l'Organisation de coopéra­tion et de développement économiques (OCDE), révèle Statistique Canada [2]. Nous pouvons affirmer sur la base de résultats de recherche [3] qu'il est maintenant reconnu que les difficultés scolaires, qu'il s'agisse d'échecs ou de faible rendement, constituent le principal facteur prédic­tif du décrochage scolaire.

Étant donné les nombreuses études sur l'efficacité de l'enseignement et des écoles, les décideurs, les enseignants et les chercheurs doivent considérer l'efficacité des méthodes et des pratiques d'enseignement utilisées auprès de ces élèves comme étant une stratégie pouvant prévenir le décrochage scolaire. Or, une pro­vince canadienne semble avoir relevé ce défi, il s'agit de l'Ontario.

« La province de l'Ontario s'est engagée sur un trajet de réussite lorsqu'elle s'est dotée de trois objectifs précis et réalisables pour l'éducation : augmenter les taux de rendement des élèves, réduire les écarts de rendement et rehausser la confiance du public. Tout est parti de là, a souligné Mme Janine Griffore, sous-ministre adjointe de la Division de l'éducation en langue française, de l'éducation autochtone et de la recherche. On a donc pu créer un alignement et bâtir une cohérence au sein du système scolaire car tous et chacun travaillaient vers les mêmes fins. »

En 2014, le taux d'obtention de diplôme en moins de cinq ans après le début des études secondaires était de 84 %, ce qui correspond à 16 % plus élevés qu'en 2004, alors qu'il se situait à 68 %. Parmi les nombreuses initiatives ontariennes visant la réussite des élèves de la 7e à la 12e année, des ressources et des formations en littératie et en numératie, produites par des groupes d'experts, ont été offertes aux enseignants pour aider leurs élèves à acquérir des bases solides en lecture, en écriture et en mathématiques. Ces ressources et ces forma­tions ont proposé aux enseignants, et ce dès le début des années 2000, plusieurs stratégies fondées sur des données probantes, notamment l'enseignement explicite et la création de communautés d'appren­tissage professionnelles [4]. Comme l'indique le terme enseignement explicite, dans cette pédagogie l'enseignant cherche à éviter l'implicite et le flou qui pourraient nuire à l'apprentissage. Pour y arriver, il met en place un ensemble de mesures de soutien aidant les élèves dans leur processus d'apprentissage. Ces mesures de soutien ou d'étayage passent par les actions de dire, de montrer et de guider les élèves dans leur apprentissage [5].

Une communauté d'apprentissage professionnelle (CAP) est une équipe collaborative constituée d'un groupe de personnes inter­dépendantes travaillant pour améliorer le rendement des élèves et pour lequel tous sont imputables. Lors des rencontres collaboratives, l'équipe CAP cherche constamment des réponses aux quatre ques­tions suivantes :

1.  Que voulons-nous que nos élèves apprennent ?
2.  Comment saurons-nous qu'ils l'ont appris ?
3.  Qu'allons-nous faire avec ceux qui ont appris ?
4.  Que ferons-nous pour aider ceux qui n'ont pas appris ?

Or, tel que mentionné, l'enseignement explicite et les communau­tés d'apprentissage professionnelles disposent de données probantes qui ont montré leur efficacité sur le rendement des élèves. Quand on parle de données probantes, on fait généralement référence à des pratiques de prévention ou d'intervention validées par une certaine forme de preuve scientifique, par opposition aux approches qui se basent sur la tradition, les conventions, les croyances ou les données non scientifiques [6].

Au sujet des données probantes, le rapport du groupe d'experts sur les élèves à risque en littératie de la 7e à la 12e année indique : « L'enseignement des connaissances et l'acquisition des compétences en littératie chez les élèves à risque doivent se fonder sur des stra­tégies fructueuses dont la recherche a prouvé que la validité a été vérifiée en salle de classe » [7]. Il en va de même en ce qui concerne le rapport du groupe d'experts sur la numératie : « L'enseignement des concepts et l'acquisition des compétences en mathématiques pour toutes les adolescentes et tous les adolescents doivent être fondés sur des stratégies dont la recherche a démontré la validité, notamment l'enseignement stratégique et explicite » [8].

Des initiatives semblables ont également été développées au secteur élémentaire. De fait, en 2004, le Ministre de l'Éducation de l'Ontario a créé un Secrétariat de la littératie et de la numératie afin d'accroître le rendement des élèves. « Le Secrétariat de la littératie et de la numératie partage des résultats de travaux de recherche sur les pratiques d'enseignement et d'apprentissage fondées sur des données probantes » [9].

Ainsi, comme l'indique St-Pierre [10] : « Ce que d'aucuns ont qualifié de miracle ontarien se résume aisément : on y a amélioré la qualité de l'éducation en prenant appui sur des preuves, des données probantes et des connaissances issues de recherches scientifiques menées avec rigueur ».

Puisse ces initiatives servir d'exemples aux autres provinces cana­diennes qui désirent contrer le décrochage scolaire !

 


[1] . Steve Bissonnette, Ph. D., est professeur à l'Unité d'enseignement et de recherche en éducation à la TÉLUQ et spécialiste de l'intervention en milieu scolaire.
François Massé est Surintendant du Conseil des écoles catholiques du centre-est, Ottawa.

[2] . Statistiques Canada, (2010). “Tendances du taux de décrochage et des résultats sur le marché du travail des jeunes décrocheurs”. Questions d'éducation : le point sur l'éducation, l'apprentissage et la formation au Canada, 7 (4).

[3] . Fortin, L, Marcotte, D., Diallo, T., Potvin, P. et Royer, É. (2012). “A multidimensional model of school dropout from an 11-year longitudinal study in a general high school population”. European Journal of Psychology of Education.

[4] . Ministère de l'Éducation de l'Ontario (2003 et 2004). La littératie en tête de la 7e à la 12e année. Rapport du Groupe d'experts sur les élèves à risque.

[5] . Gauthier, G.. Bissonnette, S., et Richard, M. (2013). Enseignement explicite et la réussite des élèves. La gestion des apprentissages. Québec : Éditions du Renouveau Pédagogique Inc. (ERPI).

[6] . La Roche, M. (2008). Vers une pratique fondée sur les données probantes. Document d'information. Ottawa, Canada : Université d'Ottawa.

[7] . Ministère de l'Éducation de l'Ontario (2003). La littératie en tête de la 7e à la 12e année. Rapport du Groupe d'experts sur les élèves à risque, p.16.

[8] . Ministère de l'Éducation de l'Ontario (2004). La numératie en tête de la 7e à la 72e année. Rapport du Groupe d'experts pour la réussite des élèves, p. 18.

[9] . Ministère de l'Éducation de l'Ontario (2015). Personnel enseignant. Initiatives et apprentissage professionnel.

[10] . St-Pierre, M. (2015). Des précisions sur le « miracle ontarien ». Journal La Presse.