L'oubli - Que propose l'Enseignement Explicite ? Imprimer Envoyer
Pédagogie Explicite - Questions
Écrit par Françoise Appy   
Dimanche, 24 Mars 2013 17:36

L'oubli

Que propose l'Enseignement Explicite ?

 

Oubli

 

L’un des problèmes pédagogiques les plus fréquents pour les enseignants est l’oubli chez les élèves. Tous, nous déplorons l’oubli d’un jour à l’autre, d’une semaine à l’autre, d’un mois à l’autre, d’une année à l’autre. Parfois, à l’entrée dans leur nouvelle classe, certains élèves semblent vierges de toute acquisition ou en tout cas s’en rapprochent, au grand désespoir des enseignants qui les ont eus comme élèves l’année précédente.

Tout cela a une explication. Il faut se pencher sur le fonctionnement du cerveau lors des apprentissages. Qu’il s’agisse de connaissances ou d’habiletés, apprendre signifie installer un certain nombre d’informations en mémoire à long terme. Si rien n’a changé en MLT, alors rien n’a été appris.

La réponse se situe essentiellement dans la pratique. Bien entendu, il ne s’agit pas de faire l’impasse sur la compréhension et les explications, mais sans pratique cette étape préalable reste vaine. Hélas, pendant les dernières décennies, nous enseignants, avons été victimes d’un mythe consistant à croire que toute pratique abêtissait les élèves et les transformait en perroquets idiots (c’est le fameux Drill and Kill des anglo-saxons). Que cela entrait dans une vision mécaniste de l’école destinée à abrutir les élèves et à en faire des citoyens dociles et soumis, dépourvus de toute autonomie de pensée et d’esprit critique. Plus un mensonge est gros, plus il fonctionne et c’est bien ce qui s’est produit. On a donc banni toute forme de mémorisation et toute forme de pratique d’entraînement.

Voyons donc pourquoi cela est un mythe. Pour qu’une habileté devienne automatique il faut une pratique, au-delà du point de maîtrise. Pourquoi vouloir l’automatisation des connaissances et habiletés ? Si elles sont automatisées, elles ne solliciteront pas la mémoire de travail dont la capacité en contenu est limitée, et la laisseront disponible pour le raisonnement. Par exemple, si l’élève butte sur le déchiffrage des mots, il ne pourra pas consacrer sa mémoire de travail à la compréhension. La pratique doit être soutenue et nourrie : fréquente, variée avec réutilisation des connaissances déjà acquises. Tout ce qui a été appris doit être réutilisé le plus souvent possible.

Malgré tout, les chercheurs se sont aperçus que les sujets étudiés étaient bien vite oubliés une fois passée l’échéance de l’évaluation ou de l’interrogation. Même des questions bien maîtrisées lors de l’évaluation sont oubliées. C’est pourquoi ils préconisent d’étudier au-delà de la maîtrise. C’est ce que l’on appelle le surapprentissage. Cela est une mesure visant à empêcher ou tout au moins à diminuer les effets de l’oubli. Ainsi, un sujet d'étude pratiqué pendant un semestre ou une année sera retenu correctement pendant environ une année après la dernière pratique mais l'essentiel sera oublié après 3 ou 4 ans, en l'absence de pratique supplémentaire. Par contre, un sujet étudié pendant 3 ou 4 ans pourra être retenu jusqu'à plusieurs dizaines d'années après la dernière pratique.

Un autre mythe consiste à croire que les experts ont un talent inné, ou une intelligence supérieure. L’observation du fonctionnement des experts nous dit le contraire. L’importance de la pratique chez les experts a été mise en évidence à plusieurs reprises par les scientifiques (en particulier Bloom 1985 mais aussi De Groot avec son travail sur les maîtres au jeu d’échecs). Les experts, quel que soit leur domaine d’expertise, ont une pratique bien plus abondante que celle des non experts, associée à une farouche volonté de travailler dur. La célèbre phrase d’Edison prend ici tout son sens : « Le génie, c’est 1% d’inspiration et 99% de transpiration. »

 

Quelles formes revêt la pratique en Enseignement Explicite ?

 

Tout d’abord, la pratique concerne les habiletés et connaissances de base, c’est-à-dire celles qui sont enseignées à l’école primaire. La pratique n’est ni du jeu, ni une performance en soi, son seul but est l’amélioration. Cela doit être expliqué aux élèves et rappelé lorsqu’ils réussissent. La pratique nécessite la concentration ; l’enseignant met tout en œuvre pour la susciter (Voir tout ce qui concerne la Gestion de classe). Mais elle nécessite aussi des efforts. Les élèves y sont initiés et associés et d’une manière générale, les efforts fournis toujours liés aux résultats obtenus.

Toute pratique, qu’elle soit guidée ou autonome (voir le schéma des leçons en Enseignement Explicite) est accompagnée de feedback, les corrections se font immédiatement, afin d’éviter que les erreurs ne cristallisent dans l’esprit des élèves. Outre les moments de pratique inclus dans le déroulement des leçons, la pratique prend la forme :

  • De rappels lors de la vérification des connaissances préalables.
  • De révisions : hebdomadaires, mensuelles.
  • De séances de fermeture quotidienne (en fin de journée, faire l’inventaire de tout ce qui a été appris dans la journée).
  • De mémorisation systématique (textes, vocabulaire, tables, poésies…) qui doivent être faites à la maison, faute de pouvoir être faites à l’école. Cela est indispensable et on aura beau tourner dans tous les sens la question du travail à la maison, force est de constater que tout ne peut pas se faire à l’école. Sauf à amputer considérablement les programmes.
  • De rappels ponctuels et occasionnels. Par exemple, rappeler l’usage du passé composé lors d’un exercice d’écriture.
  • De justifications des réponses.
  • La pratique est fréquente et variée : cela veut dire qu’il n’est pas question d’asséner des répétitions ou des exercices au kilomètre pendant des heures, cela serait contre-productif. Je parle ici de rappels brefs, variés mais toujours à propos.

L’Enseignement Explicite par sa structure même, possède les outils pour obtenir une mémorisation de qualité. Bien entendu, pour une efficacité maximale, il faudrait que toutes les classes d’une école suivent ce même modèle. D’une part, cela renforcerait l’efficacité au niveau des résultats en général, mais aussi cela ferait de la pratique une habitude routinière tout en installant chez les élèves l’habitude des efforts de mémorisation. Les élèves venant de classes dans lesquelles ce type d’enseignement est dispensé ont évidemment beaucoup plus de facilités pour mémoriser de manière durable. Ils savent déjà ce que l’on attend d’eux, connaissent les moyens pour y parvenir et se contentent de poursuivre ce qu’ils ont commencé les années précédentes. Je parle bien sûr de l’effet-école. Il est néanmoins difficile à mettre en œuvre dans nos écoles en raison de la liberté pédagogique individuelle.

Pour en savoir plus sur les arcanes de l’oubli, voir les articles de D. Willingham  sur la question, en particulier, “La pratique conduit à la perfection — mais seulement si vous pratiquez au-delà du point de perfection”.

L’un des problèmes pédagogiques les plus fréquents pour les enseignants est l’oubli chez les élèves. Tous, nous déplorons l’oubli d’un jour à l’autre, d’une semaine à l’autre, d’un mois à l’autre, d’une année à l’autre. Parfois, à l’entrée dans leur nouvelle classe, certains élèves semblent vierges de toute acquisition ou en tout cas s’en rapprochent, au grand désespoir des enseignants qui les ont eus comme élèves l’année précédente.

 

Tout cela a une explication. Il faut se pencher sur le fonctionnement du cerveau lors des apprentissages. Qu’il s’agisse de connaissances ou d’habiletés, apprendre signifie installer un certain nombre d’informations en mémoire à long terme. Si rien n’a changé en MLT, alors rien n’a été appris.

 

La réponse se situe essentiellement dans la pratique. Bien entendu, il ne s’agit pas de faire l’impasse sur la compréhension et les explications, mais sans pratique cette étape préalable reste vaine. Hélas, pendant les dernières décennies, nous enseignants, avons été victimes d’un mythe consistant à croire que toute pratique abêtissait les élèves et les transformait en perroquets idiots (c’est le fameux Drill and Kill des anglo-saxons). Que cela entrait dans une vision mécaniste de l’école destinée à abrutir les élèves et à en faire des citoyens dociles et soumis, dépourvus de toute autonomie de pensée et d’esprit critique. Plus un mensonge est gros, plus il fonctionne et c’est bien ce qui s’est produit. On a donc banni toute forme de mémorisation et toute forme de pratique d’entraînement.

 

Voyons donc pourquoi cela est un mythe. Pour qu’une habileté devienne automatique il faut une pratique, au-delà du point de maîtrise. Pourquoi vouloir l’automatisation des connaissances et habiletés ? Si elles sont automatisées, elles ne solliciteront pas la mémoire de travail dont la capacité en contenu est limitée, et la laisseront disponible pour le raisonnement. Par exemple, si l’élève butte sur le déchiffrage des mots, il ne pourra pas consacrer sa mémoire de travail à la compréhension. La pratique doit être soutenue et nourrie : fréquente, variée avec réutilisation des connaissances déjà acquises. Tout ce qui a été appris doit être réutilisé le plus souvent possible.

 

Malgré tout, les chercheurs se sont aperçus que les sujets étudiés étaient bien vite oubliés une fois passée l’échéance de l’évaluation ou de l’interrogation. Même des questions bien maîtrisées lors de l’évaluation sont oubliées. C’est pourquoi ils préconisent d’étudier au-delà de la maîtrise. C’est ce que l’on appelle le surapprentissage. Cela est une mesure visant à empêcher ou tout au moins à diminuer les effets de l’oubli. Ainsi, un sujet d'étude pratiqué pendant un semestre ou une année sera retenu correctement pendant environ une année après la dernière pratique mais l'essentiel sera oublié après 3 ou 4 ans, en l'absence de pratique supplémentaire. Par contre, un sujet étudié pendant 3 ou 4 ans pourra être retenu jusqu'à plusieurs dizaines d'années après la dernière pratique.

 

Un autre mythe consiste à croire que les experts ont un talent inné, ou une intelligence supérieure. L’observation du fonctionnement des experts nous dit le contraire. L’importance de la pratique chez les experts a été mise en évidence à plusieurs reprises par les scientifiques (en particulier Bloom 1985 mais aussi De Groot avec son travail sur les maîtres au jeu d’échecs). Les experts, quel que soit leur domaine d’expertise, ont une pratique bien plus abondante que celle des non experts, associée à une farouche volonté de travailler dur. La célèbre phrase d’Edison prend ici tout son sens : « Le génie, c’est 1% d’inspiration et 99% de transpiration. »

 

Quelles formes revêt la pratique en Enseignement Explicite ?

 

Tout d’abord, la pratique concerne les habiletés et connaissances de base, c’est-à-dire celles qui sont enseignées à l’école primaire. La pratique n’est ni du jeu, ni une performance en soi, son seul but est l’amélioration. Cela doit être expliqué aux élèves et rappelé lorsqu’ils réussissent. La pratique nécessite la concentration ; l’enseignant met tout en œuvre pour la susciter (Voir tout ce qui concerne la Gestion de classe). Mais elle nécessite aussi des efforts. Les élèves y sont initiés et associés et d’une manière générale, les efforts fournis toujours liés aux résultats obtenus.

 

Toute pratique, qu’elle soit guidée ou autonome (voir le schéma des leçons en Enseignement Explicite) est accompagnée de feedback, les corrections se font immédiatement, afin d’éviter que les erreurs ne cristallisent dans l’esprit des élèves. Outre les moments de pratique inclus dans le déroulement des leçons, la pratique prend la forme :

 

De rappels lors de la vérification des connaissances préalables.

De révisions : hebdomadaires, mensuelles.

De séances de fermeture quotidienne (en fin de journée, faire l’inventaire de tout ce qui a été appris dans la journée).

De mémorisation systématique (textes, vocabulaire, tables, poésies…) qui doivent être faites à la maison, faute de pouvoir être faites à l’école. Cela est indispensable et on aura beau tourner dans tous les sens la question du travail à la maison, force est de constater que tout ne peut pas se faire à l’école. Sauf à amputer considérablement les programmes.

De rappels ponctuels et occasionnels. Par exemple, rappeler l’usage du passé composé lors d’un exercice d’écriture.

De justifications des réponses.

 

La pratique est fréquente et variée : cela veut dire qu’il n’est pas question d’asséner des répétitions ou des exercices au kilomètre pendant des heures, cela serait contre-productif. Je parle ici de rappels brefs, variés mais toujours à propos.

 

L’Enseignement Explicite par sa structure même, possède les outils pour obtenir une mémorisation de qualité. Bien entendu, pour une efficacité maximale, il faudrait que toutes les classes d’une école suivent ce même modèle. D’une part, cela renforcerait l’efficacité au niveau des résultats en général, mais aussi cela ferait de la pratique une habitude routinière tout en installant chez les élèves l’habitude des efforts de mémorisation. Les élèves venant de classes dans lesquelles ce type d’enseignement est dispensé ont évidemment beaucoup plus de facilités pour mémoriser de manière durable. Ils savent déjà ce que l’on attend d’eux, connaissent les moyens pour y parvenir et se contentent de poursuivre ce qu’ils ont commencé les années précédentes. Je parle bien sûr de l’effet-école. Il est néanmoins difficile à mettre en œuvre dans nos écoles en raison de la liberté pédagogique individuelle.

 

Pour en savoir plus sur les arcanes de l’oubli, voir les articles de D. Willingham [1] sur la question, en particulier, “La pratique conduit à la perfection — mais seulement si vous pratiquez au-delà du point de perfection”.

 
 
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