Les progrès de l’Enseignement Explicite en France - Historique et état des lieux Imprimer Envoyer
Pédagogie Explicite - Historique du courant
Écrit par Françoise et Bernard Appy   
Mercredi, 20 Novembre 2019 09:10

Françoise et Bernard APPY

Les progrès de l’Enseignement Explicite en France

Historique et état des lieux

Intervention au 6e Colloque international en éducation,
Symposium L'enseignement explicite dans la francophonie : fondements théoriques, recherches actuelles et données probantes,
organisé par Erick Falardeau, Steve Bissonnette, Mario Richard, 25-26 avril 2019, Montréal (Canada)

 

 

Note liminaire :

Nos interventions ne résultent pas d’un travail universitaire. Ce sont des témoignages d’enseignants de terrain, ayant mis en œuvre dans leurs classes les pratiques efficaces de l’enseignement explicite, ayant contribué par Internet à leur diffusion et à leur vulgarisation en France. Ces interventions sont celles de militants du courant pédagogique de l’Enseignement Explicite : elles rapportent ce que nous avons vécu et ce que nous pensons de la situation actuelle.

 

Intervention de Bernard Appy :

On peut très précisément dater l’arrivée de l’Explicite en France à l’année 2005. En effet, cette année-là, suite à la publication en janvier du livre Échec scolaire et réforme éducative[1], Clermont Gauthier va donner deux conférences à Paris. L’une à un cercle de réflexion, la Fondapol[2], et la seconde à Sauver Les Lettres[3], un collectif d’enseignants critiques.

Malgré un auditoire probablement très intéressé et attentif, ces conférences eurent un retentissement limité qui toucha un public confidentiel. Mais heureusement, la Fondapol en tira un fascicule d’une cinquantaine de pages, librement téléchargeable sur son site, intitulé Quelles sont les pédagogies efficaces ? - Un état de la recherche[4].

De notre côté, nous avons mené notre carrière d’instituteurs en parallèle, de 1977 à 2016. Dans les années 1980, nous étions en poste dans une école des Quartiers Nord de Marseille[5], classée en zone prioritaire, où les élèves étaient tous des enfants d’immigrés récents d’Afrique du Nord.

Dans un tel contexte, pour obtenir des résultats, il fallait bien vite prendre le parti d’abandonner ce qui ne marchait pas pour conserver ce qui fonctionnait. Ainsi, devant ces élèves, il fallait impérativement partir du simple pour aller au complexe, prendre le temps d’expliquer en repartant des connaissances de base, faire preuve de beaucoup de rigueur et d’exigence, enseigner les stratégies, proposer de nombreux exercices d’entraînement, pratiquer des révisions quotidiennes. Le tout avec une gestion de classe à la fois ferme et bienveillante, facilitant la vie commune, la qualité du travail et le sens de l’effort. De fait, cette façon d’enseigner n’était plus du tout conforme à l’orthodoxie constructiviste apprise en formation.

Remarquons au passage que le consensus sur les démarches par découverte était absolu à cette époque en France. À un point tel que le mot “constructivisme” était totalement inconnu des enseignants. Le paradigme pédagogique prédominant allait tellement de soi, était tellement indépassable, qu’il n’était même pas utile de le nommer. Il était donc difficile de contrevenir à ces pratiques pédagogiques diffusées et imposées par les formateurs, les experts, le ministre, la hiérarchie, les conseillers, les syndicats, les éditeurs et les programmes.

Au tournant des années 2000, des voix ont pourtant commencé à s’élever pour dénoncer les pratiques pédagogiques désastreuses ayant cours dans les écoles françaises. Des pamphlétaires ont publié quantité d’ouvrages dénonçant l’absurdité des démarches d’enseignement entraînant la débâcle de l’École française qui avait été jadis si réputée.

Pourquoi cette prise de conscience si tardive ? Je l’explique par le renouvellement progressif des enseignants. Les jeunes instituteurs, formés aux pratiques de « l’École nouvelle » débutèrent leur carrière au courant des années 1970. Puis progressivement, ils ont remplacé les anciens qui partaient à la retraite. Tant que les seules écoles des quartiers populaires étaient touchées, le changement de paradigme pédagogique n’était pas vraiment perçu. Mais lorsque ces nouveaux instituteurs arrivèrent dans les quartiers bourgeois, dans le courant des années 1990, les classes sociales favorisées ont commencé, elles aussi, à souffrir de pratiques pédagogiques dégradées. C’est ainsi qu’au tournant des années 2000, la contestation du dogme pédagogique constructiviste put enfin se faire entendre.

À la fin des années 1990, nous étions dans une école de village près de Nîmes dans le Gard, école dont je suis devenu ensuite le directeur[6]. Grâce à Internet, nous fréquentions les cercles restreints d’enseignants critiques, comme Sauver Les Lettres[7]. C’est par leur intermédiaire que nous avons eu connaissance, au printemps 2006, des conférences données par Clermont Gauthier l’année précédente et surtout de la publication en ligne du fascicule Quelles sont les pédagogies efficaces ?[8].

La lecture de ce document nous a permis de découvrir les travaux menés par Barak Rosenshine et le modèle d’enseignement explicite qu’il y décrit. Jusqu’alors, personne n’en avait pipé mot en France. Tous nos grands chercheurs en sciences de l’éducation et les brillants auteurs qui ont considérablement influencé les dérives du système éducatif français avaient superbement ignoré la question de l’efficacité en éducation. On s’était longuement intéressé à la façon dont l’élève apprend, comment il construit son savoir, mais la façon dont on l’enseigne, si possible efficacement, était une question considérée comme subalterne et que personne ne soulevait.

Comme bien d’autres enseignants expérimentés, nous avons retrouvé dans les pratiques explicites plusieurs dispositifs que nous avions élaborés au fil des années. Mais il y en avait d’autres auxquels nous n’avions pas pensé et qui, dès leur mise en application en classe, donnèrent des résultats tangibles et immédiats.

Nous fûmes donc tout de suite convaincus du potentiel de renouveau pédagogique qu’offrait le modèle de Rosenshine.

Nous décidâmes alors de faire connaître l’Enseignement Explicite par l’intermédiaire de notre site Internet[9] qui, jusqu’alors, évoquait les problèmes éducatifs et bénéficiait déjà d’un nombre de visites non négligeable. Au début de l’été 2006, nous demandons aux instituteurs qui sont intéressés de nous rejoindre au sein d’un réseau d’enseignants du Primaire. Le projet démarre et nous parvenons rapidement à rassembler plusieurs dizaines de collègues prêts à expérimenter les pratiques explicites dans leur classe.

L’année suivante, nous créons l’association “La 3e voie…”, afin de donner une forme légale à notre réseau d’instituteurs. Cela nous conduit à rencontrer à Paris le ministre de l’Éducation d’alors[10]. Celui-ci a écouté avec intérêt nos explications relatives à l’Enseignement Explicite, et nous a fait bénéficier d’une subvention. Avec cet argent, nous organisons en 2010 un stage de formation conduit par Steve Bissonnette et Mario Richard[11]. L’association fonctionne avec un site qui lui est dédié[12], une liste de discussion qui permet les échanges d’expériences, un groupe d’animateurs chargés de faire vivre le réseau qui compte près de 300 adhérents à la fin de l’année 2010.

Mais tous ces efforts ont d’abord suscité l’hostilité non pas des militants constructivistes comme on aurait pu s’y attendre, mais des partisans de l’enseignement traditionnel. Ceux-ci, en effet, ne comprenaient pas pourquoi nous nous intéressions autant aux pratiques pédagogiques. À leurs yeux, nous étions des « pédagogistes » au même titre que les partisans du constructivisme.

À cela s’est ajoutée par la suite une tentative de récupération, lorsque l’influence de notre association et le nombre de ses adhérents ont fini par exciter les appétits d’officines traditionalistes en panne d’idées pédagogiques.

Dès lors, nous reprîmes notre liberté fin 2010 en créant le site Form@PEx[13]. Avec l’expérience acquise, nous donnons à ce site Internet une double vocation :
- d’une part, compiler tous les travaux sur l’Enseignement Explicite, non seulement ceux de Barak Rosenshine mais aussi ceux, nombreux, de Clermont Gauthier, Steve Bissonnette et Mario Richard, et d’autres encore à leur suite ;
- d’autre part, de faciliter l’auto-formation des enseignants par des articles de vulgarisation, par des documents pédagogiques, par des vidéos, par des schémas explicatifs, etc.

C’est ainsi que Form@PEx constitue aujourd’hui, avec plus de 500 articles, une référence sur ce thème. Sa fréquentation augmente d’une année sur l’autre. Depuis sa création, le site a connu plus de 400 000 visites (près de 300 par jour en ce moment).

Nous avons également mis en ligne deux blogs, Pour une pédagogie renouvelée[14] et Explicitement vôtre[15], afin de pouvoir répondre directement aux polémiques. Celles-ci ne sont plus le fait des partisans du traditionnel, qui ont pratiquement disparu de la scène pédagogique. Mais ce sont les militants constructivistes qui ont fini par se réveiller et par se rendre compte du danger que nous représentions pour eux. Si, dans un premier temps, ils s’étaient contentés de nous ignorer superbement, ils ont ensuite commencé à dire que nous étions des nostalgiques de l’enseignement traditionnel. Et pour terminer, ils ont décidé de récupérer l’expression « enseignement explicite » tout en taxant le modèle de Rosenshine d’« enseignement direct », le tout dans l’espoir de redorer le blason terni de leurs pratiques.

Nous sommes également présents sur les réseaux sociaux (Twitter[16], Facebook[17], LinkedIn[18]). Bien que les controverses y soient parfois virulentes, cette présence nous permet de toucher beaucoup de monde. La preuve en est les messages privés, les courriels et les prises de contact que nous recevons très régulièrement.

Bien que maintenant à la retraite, nous continuons toujours nos activités en faveur de la promotion et de la diffusion de l’Enseignement Explicite en alimentant le site Form@PEx, en écrivant dans nos blogs, en étant présents sur les réseaux sociaux, en répondant aux diverses demandes émanant d’enseignants aussi bien du Primaire que du Secondaire.

À notre grande satisfaction, nous constatons que notre courant pédagogique se renforce de jour en jour et que ses partisans, de plus en plus nombreux, n’hésitent plus à se faire entendre dans le monde francophone.

Le travail que nous avons entrepris depuis 2006 porte enfin ses fruits…

 

Intervention de Françoise Appy :

L’état des lieux de l’Enseignement Explicite en France révèle des percées non négligeables dans une sphère d’influence toujours hostile. J’évoquerai dans un premier temps les obstacles à son implantation puis les avancées réalisées malgré tout.

1. Un contexte peu propice

On tolère ce que l’on ne peut légalement empêcher. Voilà le statut actuel de l’Enseignement Explicite. Si les progrès ne sont pas aussi rapides que souhaités, il faut regarder d’abord du côté de la structure de notre système éducatif.

Les enseignants du public sont des fonctionnaires d’État et doivent donc, à ce titre, appliquer les instructions officielles du ministère de l’Éducation Nationale, tant au niveau des contenus que des méthodes pédagogiques. Dans l’enseignement primaire, les inspecteurs de circonscription sont les garants de cette mise en œuvre. Ces derniers pourraient permettre un véritable changement des pratiques car ils ont un réel pouvoir pédagogique. Hélas, il n’est pas rare que leurs ambitions de carrière fassent passer la conformité au pédagogiquement correct socioconstructiviste avant la quête d’efficacité.

Les directeurs d’école, dont beaucoup cumulent les fonctions de direction et d’enseignement ne peuvent, légalement, imposer une pratique.

En même temps, et c’est à ma connaissance une spécificité française, tout enseignant est supposé jouir de la liberté pédagogique. Celle-ci est restreinte par le poids des recommandations hiérarchiques, d’obédience socioconstructivistes pour la plupart depuis la loi Jospin[19].  On pourrait parler du paradoxe éducatif français.

Dans l’ensemble, la formation initiale ne s’inscrit pas dans le cadre des données probantes fournies par les recherches en cours, et perpétue les principes socioconstructivistes dans les Écoles Supérieures du Professorat et de l’Enseignement (ÉSPE)[20]. En ne permettant pas un choix éclairé, cette formation exclusive annule de fait la liberté pédagogique. Les jeunes enseignants, débutant par des postes difficiles où les difficultés d’apprentissage se conjuguent à celles de comportement, sont démunis devant l’inefficacité de leurs actions pédagogiques. Les conseillers pédagogiques, pour la plupart, n’ont rien d’autre à leur proposer qu’encore plus de socioconstructivisme. Certains enseignants en quête de solutions tomberont peut-être sur l’Enseignement Explicite. Les risques de l’autoformation consistent bien souvent à appliquer l’Enseignement Explicite comme une série d’astuces que l’on ne prend pas le temps d’approfondir ou, ce qui est très courant, d’en faire une hybridation contre nature, une sorte de « méthode par découverte explicite ». C’est pourquoi nous proposons sur Form@PEx divers outils mettant en évidence les fondements de l’Enseignement Explicite.

La formation continue, organisée à l’échelle des circonscriptions dans des cadres budgétaires très limités, présente, elle aussi les mêmes faiblesses : elle est assujettie à la pensée pédagogique dominante, inégale d’un endroit à un autre, éloignée des données probantes.

Néanmoins, les décisionnaires socioconstructivistes qui ont tant critiqué l’Enseignement Explicite de Rosenshine ont, depuis quelques années, opéré un hold-up sémantique sur l’adjectif et ne peuvent plus rédiger deux lignes sans y inclure un dérivé du mot explicite. Pour autant, ils ne remettent pas en cause leurs principes.  Cette confusion nuit à l’implantation de l’Enseignement Explicite. C’est pourquoi, nous tenons à mettre des majuscules à ces deux mots afin de signifier qu’il s’agit de la pédagogie définie par Rosenshine. Il serait peut-être intéressant de préciser systématiquement : Enseignement Explicite de Rosenshine (EER).

Voici quelques exemples non exhaustifs de cette utilisation du terme explicite, sans rapport avec Rosenshine :

  • En 2015, apparaît une méthode approuvée par le ministère, qualifiée d’innovante, et de « démarche très explicite » :  l’école des savoirs essentiels. Cette méthode se dit basée sur les neurosciences et accorde une bonne place à la mémorisation ; mais on n’y retrouve ni la démarche de l’Enseignement Explicite ni aucune référence à ses auteurs.
  • Les programmes de 2015[21] ainsi que ceux de 2018[22] utilisent le terme explicite et ses dérivés abondamment[23], parfois associés à l’idée de structuration et de progressivité mais la plupart du temps au sens commun du mot.
  • En 2016, l’Institut Français de l’Éducation (IFÉ), publie sur son site Enseigner plus explicitement, l’essentiel en quatre pages[24], et la Direction Générale de l’Enseignement Scolaire (DGESCO), publie sur le Réseau Canopé Enseigner plus explicitement - Situation et gestes professionnels au quotidien[25]. Ni l’un ni l’autre ne proposent la démarche de Rosenshine. Il s’agit simplement d’expliciter en début et en fin de leçon et de procéder par questionnement pendant la leçon.
  • En 2018, paraît le rapport Villani sur l’enseignement des mathématiques[26] qui, lui aussi, utilise abondamment le terme explicite. Il évoque, sans les décrire, des « méthodes explicites non dirigistes » et des « méthodes explicites et intuitives » dont l’efficacité devra être évaluée. Aucune allusion à la méthode de Rosenshine, même si on trouve une mention bibliographique en anglais de son article Principles of Instruction de 2012, “Principles of Instruction”[27]. Il est à noter par ailleurs que ce texte fondamental de Rosenshine est pourtant disponible en langue française[28].  Ce rapport propose en définitive, sans grande conviction, un pêle-mêle pédagogique dans lequel on trouve sous la dénomination explicite (sans majuscule), les courants Montessori, Freinet, Buisson, de l’enseignement traditionnel, et du non-dirigisme.
  • Fin 2018, un module de formation, par l’IFÉ, intitulé Expliciter les consignes en mathématiques[29], tente de définir le contenu du terme “explicitation” ; tout comme si, après avoir récupéré le mot, il fallait lui associer un contenu mais sans renoncer à ses principes. Il n’est absolument pas question ici de la démarche de Rosenshine.

On peut s’interroger sur le pourquoi de cette tentative de plagiat d’un modèle tant critiqué, dont le fruit est un “constructivisme explicite” ? Paul Kirschner, dans un récent entretien[30] dit ceci : « Le constructivisme pédagogique malheureusement, est comme un zombie qui refuse de mourir, il ressuscite encore et encore sous différentes formes ». Aujourd’hui, il se plaît dans la forme explicite.  Le courant constructiviste n’admet pas ses erreurs, et les camoufle sous un mot associé, il le sait, à l’efficacité. Parce qu’il confond la fin et les moyens. Parce qu’il est une philosophie et non une théorie de l’apprentissage. Parce qu’il s’accroche à des méthodes supposées humanistes et de gauche. Et pourtant ! Les méthodes de découverte, réputées de gauche sont, de fait, très élitistes puisqu’elles ne fonctionnent qu’avec un nombre limité d’enfants, issus de milieux socialement favorisés. Ce n’est pas le cas de l’Enseignement Explicite.

Ces quelques éléments donnent à voir un système plaçant les méthodes reconnues comme efficaces par les données probantes au rang de pratiques tolérées mais non accessibles à tous les enseignants. En même temps, il tente une rénovation de surface des pratiques socioconstructivistes désormais parées des vertus de l’explicitation.

2. Des avancées malgré tout

Dans ce contexte peu ouvert, quelques dates et quelques éléments sont à retenir, montrant que, tout de même, les bonnes idées peuvent se frayer un chemin.

L’année 2008 est une date clé avec les programmes du ministre Darcos[31], qui pour la première fois, introduisent l’Enseignement Explicite dans les textes officiels ; le travail acharné de diffusion réalisé par le biais de notre association “La 3e voie…”, ainsi que notre réponse aux sollicitations du ministère pour présenter le modèle explicite, y sont pour beaucoup. Xavier Darcos, était favorable à nos propositions. Les critiques émanant du minoritaire courant traditionaliste (modèle d’enseignement magistral mâtiné de pédagogie intuitive) furent virulentes, nous étions accusés de constructivisme déguisé.

Cette première reconnaissance a permis à notre site web Form@PEx de gagner en notoriété. Sa fréquentation est croissante, nous avons de nombreux retours. Il est maintenant connu comme site de référence ; il est cité dans un rapport de l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale (IGEN) de 2013[32]. L’actuel ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer le mentionne dans son livre L’école de demain[33], comme site francophone de référence sur la question.

Nos blogs[34], notre chaîne YouTube[35] et notre présence sur les réseaux sociaux continuent d’occuper le terrain et tiennent les lecteurs informés des nouvelles parutions, y compris en anglais dont certaines sont traduites ou résumées.

Cette présence continue n’est sans doute pas étrangère à diverses mentions de l’Enseignement Explicite dans des textes officiels comme :

  • Le rapport de l’IGEN de 2013[36] sur l’évaluation des enseignants : il déplore des évaluations basées sur la conformité du praticien à une façon de faire, même quand celle-ci n’est pas reconnue par la recherche comme efficace. Ce texte est largement documenté par les travaux de Barak Rosenshine, Clermont Gauthier, Steve Bissonnette et Mario Richard. L’Enseignement Explicite figure en bonne place au titre des pratiques efficaces.
  • Le référentiel pour l’Éducation prioritaire de 2014[37] propose « d’enseigner plus explicitement », et s’appuie sur certaines caractéristiques de l’Enseignement Explicite comme l’annonce des objectifs d’apprentissage à l’élève, l’explication des procédures efficaces à tous les niveaux, un enseignement progressif et continu, la vérification de la compréhension par tous. C’est un pas, même pour un texte n’ayant pas force de loi.
  • En 2018, le guide sur la lecture au Cours Préparatoire[38] fait lui aussi la part belle à un enseignement explicite, progressif, structuré et systématique avec de nombreuses références à des chercheurs de l’Enseignement Explicite.  Ce texte recommande l’apprentissage systématique de la correspondance graphème-phonème, ce qui revient à déconseiller les méthodes mixtes qui sont celles utilisées majoritairement dans les classes.

En dehors des textes officiels, un autre indice illustre la reconnaissance de cette pratique : la parution d’une collection de manuels d’Enseignement Explicite en français et en mathématiques chez Hachette Éducation[39]. De toute évidence, les publications répondent à un besoin de la clientèle. Mais elles peuvent aussi être une porte d’entrée pour tous ceux qui ne connaissent pas encore la méthode.

Il me semble également important de souligner que malgré tout, la liberté pédagogique, avec toutes les limites que j’ai évoquées précédemment, peut aussi être une opportunité et donner à ceux qui le désirent la permission légale de pratiquer l’Enseignement Explicite. C’est en effet en son nom que j’ai pu, avec beaucoup d’autres, pratiquer cette pédagogie efficace dans de nombreuses classes, et ce dépit des vents contraires dominants.

Pour terminer sur ce qui est le fondement d’un enseignement réussi, j’évoquerai la formation institutionnelle à l’Enseignement Explicite avec le bel exemple de l’ÉSPE de Martinique[40], qui je l’espère, saura faire école dans toute la France.

Au terme de ce témoignage, je retiens que le frein essentiel à l’enracinement de l’Enseignement Explicite en France est la pesanteur du dogme socioconstructiviste, difficile à éradiquer malgré les preuves, et malgré la volonté de ministres favorables à l’efficacité. Les données probantes ont encore du mal à pénétrer le domaine éducatif. En dépit de cela, les avancées croissantes que je viens de décrire sont bel et bien une réalité, elles témoignent qu’il y a un réel besoin d’efficacité. L’Enseignement Explicite en France avance, peut-être lentement, souvent dans l’ombre, mais sûrement. Même si je déplore la confiscation et l’altération du terme explicite, j’aime à penser que les contrefaçons sont la rançon, si ce n’est du succès, tout au moins de son imminence.

 

 


[1] . Bissonnette, Steve, Mario Richard, Clermont Gauthier (2005). Échec scolaire et réforme éducative - Quand les solutions proposées deviennent la source du problème, Les Presses de l'Université Laval, 1er trimestre 2005, 104 p.

[2] . Gauthier, Clermont (2005). “Réformes éducatives et réussite scolaire - Réflexion sur les expériences nord-américaines”, Conférence à la Fondation pour l'Innovation Politique (Fondapol), Paris - 18 janvier 2005.

[3] . Gauthier, Clermont (2005). “Quelles sont les pédagogies efficaces ?”, Conférence SLL, Université de Paris IV-Sorbonne - 5 novembre 2005.

[4] . Gauthier, Clermont, M'hammed Mellouki, Steve Bissonnette, Mario Richard (2005). Quelles sont les pédagogies efficaces ? - Un état de la recherche, Fondation pour l'Innovation Politique (Fondapol), Les Cahiers du débat, janvier 2005.

[5] . École élémentaire publique du Parc Bellevue, 143 rue Félix Pyat – Marseille 3e.

[6] . École primaire publique de Sainte-Anastasie – Gard.

[7] . Site Internet : https://www.sauv.net

[8] . Voir note 4.

[9] . Site appy.ecole : http://appy.ecole.free.fr

[10] . M. Xavier Darcos, ministre de l’Éducation nationale de mai 2007 à juin 2009.

[11] . Stage du 5 et 6 juillet 2010 à l’école primaire publique de Sainte-Anastasie (Gard), regroupant une vingtaine d’enseignants du Primaire.

[12] . Site Internet : http://3e.voie.free.fr

[13] . Site Form@PEx : http://www.formapex.com

[14] . Blog Pour une pédagogie renouvelée : http://bernardappy.blogspot.com

[15] . Blog Explicitement vôtre : http://explicitementvotre.blogspot.com

[16] . Twitter : @bernardappy et @francoiseappy

[17] . Facebook : https://www.facebook.com/FormaPEx-522995201046282

[18] . LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/bernard-appy-42843829 et https://www.linkedin.com/in/françoise-appy-22743929

[19] . “Loi d’orientation sur l’éducation : loi n° 89-486 du 10 juillet 1989”, Le Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale, (BOEN) n° spécial 4 – 31.08.1989. Consultable ici.

[20] . Anciennement Instituts Universitaire de Formation des Maîtres (IUFM) de 1990 à 2013, et en voie de devenir des Instituts Nationaux Supérieurs du Professorat et de l’Éducation (INSPÉ) par la loi de janvier 2019.

[21]Programmes d'enseignement du cycle des apprentissages fondamentaux (cycle 2), du cycle de consolidation (cycle 3) et du cycle des approfondissements (cycle 4), Ministère de l’Éducation nationale, 11.2015 (mise à jour 12.2015). Consultable à : http://www.formapex.com/telechargementpublic/textesofficiels/2015_5.pdf

[22] . “Programmes d'enseignement - Cycle des apprentissages fondamentaux (cycle 2)”, 
juillet 2018, in BOEN n° 30 du 26.07.2018. Consultable à : http://www.formapex.com/telechargementpublic/textesofficiels/2018_6.pdf

“Programmes d'enseignement - Cycle de consolidation (cycle 3)”, juillet 2018, in BOEN n° 30 du 26.07.2018. Consultable ici.

[23] . 59 mentions dans les programmes de 2015 et 40 dans les programmes de 2018.

[24] . Consultable ici.

[25] . Consultable ici.

[26] . 21 mesures pour l’enseignement des mathématiques, rapport remis le 12.02.2018. Consultable ici.

[27] . “Principles of Instruction – Research-Based Strategies That All Teachers Should Know”, American Educator, printemps 2012. Consultable à ici.

[28] .  “Principes d'enseignement”, Bureau international d'éducation, Série Pratiques éducatives, n° 21 (2010). Consultable ici.

[29] . Consultable ici.

[30] . Site d’Isak Skogstad : « Constructivist pedagogy is like a zombie that refuses to die », 17.03.2019. Consultable en français ici.

[31] . “Horaire et programmes de l’enseignement primaire”, In BOEN n° hors-série – 19.06.2008. Consultable à : http://www.formapex.com/telechargementpublic/textesofficiels/2008_1.pdf

[32] . L’évaluation des enseignants, IGEN, rapport n° 2013-035, 04.2013. Consultable à : http://cache.media.education.gouv.fr/file/2013/17/2/2013-035_263172.pdf

[33] . BLANQUER Jean-Michel, L'École de demain - Propositions pour une Éducation nationale rénovée, Éditions Odile Jacob, 10.2016, 151 p. Citation à la note 21 (p 144-145).

[34] . Pour une pédagogie renouvelée : http://bernardappy.blogspot.com/ et Explicitement Vôtrehttp://explicitementvotre.blogspot.com/

[35] . Chaîne Enseignement Explicite : https://www.youtube.com/user/francoiseappy?feature=mhum

[36] . Voir note 32.

[37] . Refonder l’éducation prioritaire - Un référentiel pour l’éducation prioritaire, Ministère de l’Éducation Nationale, 01.2014. Consultable ici.

[38] . Pour enseigner la lecture et l’écriture au CP – Un guide fondé sur l’état de la recherche, Ministère de l’Éducation nationale, 04.2018. Consultable ici.

[39] . Voir : http://www.ressources.hachette-education.com/explicite/

[40] . Voir : http://www.espe-martinique.fr/

 
 
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