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Pédagogie Explicite - Études
Écrit par Form@PEx   
Jeudi, 03 Janvier 2008 00:00

Source : IEN Bonneville (74)

La démarche d’enseignement explicite

 

Processus

 

L’enseignement explicite est issu des recherches effectuées sur les pratiques d’enseignement efficace. Ce courant de recherche s’est, notamment, efforcé de répertorier les différentes stratégies et techniques d’enseignement utilisées par des enseignants experts, pour ensuite les comparer à celles mises en place par des novices, en vue d’identifier les interventions pédagogiques les plus efficaces pour favoriser l’apprentissage. Il était alors postulé qu’en entraînant les novices à utiliser ces interventions dites efficaces, l’on obtiendrait une amélioration des résultats scolaires des élèves. Cela fut effectivement confirmé par de nombreuses recherches empiriques. L’enseignement efficace est associé à un enseignement explicite et systématique. Il faut souligner que les recherches sur l’enseignement efficace ont été réalisées en classe régulière et, très souvent, auprès des élèves provenant de milieux défavorisés.

En effet, un enseignement explicite et systématique consistant à présenter la matière de façon fractionnée, marqué d’un temps pour vérifier la compréhension, et assurant une participation active et fructueuse de tous les élèves, est une méthode d’enseignement particulièrement appropriée pour favoriser l’apprentissage de la lecture, des mathématiques, de la grammaire, de la langue maternelle, des sciences, de l’histoire et, en partie, des langues étrangères. De plus, ce type d’enseignement se révèle adapté pour les jeunes élèves, ainsi que pour tous ceux qui apprennent lentement, quel que soit leur âge. L’enseignement explicite et systématique est également profitable à tous les élèves quand il s’agit d’une matière ordonnée, d’une matière nouvelle ou complexe, et ce, même avec des élèves plus performants.

Par ailleurs, les recherches sur l’efficacité de l’enseignement considèrent que les pratiques pédagogiques sont efficaces lorsque l’enseignant « commence par passer en revue les prérequis, met en relation la matière du jour avec les apprentissages antérieurs et aborde ensuite, par petites étapes, la nouvelle matière. Il alterne courtes présentations et questions. Après la présentation, le maître organise des exercices dirigés, jusqu ’à ce que tous les élèves aient été contrôlés et aient reçu un feed-back. Viennent ensuite les exercices individuels que l’on poursuit jusqu ’à la maîtrise autonome du nouvel apprentissage par l’élève. »

La modification des pratiques enseignantes dans le sens d’une plus grande systématicité provoque une amélioration du rendement scolaire des élèves, sans pour autant que cela ne se solde, chez ces derniers, par l’apparition d’attitudes négatives envers l’école ou eux-mêmes.

L’efficacité de l’enseignement explicite et systématique a également été confirmée par les recherches effectuées en psychologie cognitive. Ces travaux ont permis de comprendre les raisons expliquant le succès et l’efficacité de ce type de pédagogie pour l’apprentissage des connaissances, mais également pour l’apprentissage des stratégies cognitives et métacognitives.

Les travaux réalisés en psychologie cognitive ont démontré que le développement des compétences s’effectue à travers trois phases distinctes : la phase cognitive, la phase associative et la phase autonome.

Une compétence se développe d’abord par la phase cognitive, soit la compréhension et la maîtrise d’un ensemble de connaissances reliées à un domaine précis. Ces connaissances sont ensuite mises en application dans un ou plusieurs contextes, au cours de la phase associative. Finalement, la phase autonome est atteinte lorsqu’il se produit une automatisation des savoirs de base reliés au dit domaine. Cette automatisation permet à l’individu de libérer sa mémoire de travail, afin qu’il puisse se consacrer aux aspects plus complexes de la tâche. L’évaluation des compétences effectuée auprès des élèves de 8 et 12 ans, dans le contexte de la réforme socioconstructiviste en Belgique, vient confirmer ces travaux : « Les calculs corrélationnels font apparaître un lien de dépendance très fort (quelle que soit l'épreuve et le cycle) entre les résultats aux différentes phases. Cela signifie qu'il faut nécessairement être performant à la phase 3 pour réussir à la phase 2, sans toutefois que cela soit suffisant ; et de même qu'il faut être performant à la phase 2 pour réussir la phase 1, sans que cela soit là aussi suffisant. Il y aurait là, si elle était confirmée par une étude sur un échantillon plus large, une indication d'un intérêt pédagogique majeur : pour pouvoir aborder des situations nouvelles et complexes, il faut nécessairement avoir automatisé (en arithmétique, dans le domaine de la langue, de l'écriture, etc.) un certain nombre de procédures de base. »

 

Les trois temps de l’enseignement explicite

Or, comme le souligne Rosenshine, les pratiques pédagogiques utilisées en enseignement explicite favorisent le développement optimal des compétences, de la phase cognitive jusqu’à la phase autonome. Selon ce chercheur, l’enseignement explicite se divise en trois étapes subséquentes : le modeling ou modelage, la pratique guidée ou dirigée et la pratique autonome ou indépendante. L’étape du modelage favorise la compréhension de l’objectif d’apprentissage chez les élèves. La pratique dirigée leur permet d’ajuster et de consolider leur compréhension dans l’action. Finalement, la dernière étape, la pratique autonome, fournit de multiples occasions d’apprentissage nécessaires à la maîtrise et à l’automatisation des connaissances de base.

Au départ, en enseignement explicite, l’enseignant modèlera ce qu'il faut faire devant les élèves, pour ensuite les accompagner en pratique dirigée afin qu'ils s’exercent à leur tour. Ils seront alors capables, en bout de course, d‘accomplir la tâche, seuls, en pratique autonome. Le questionnement, ainsi que la rétroaction, devront être constants tout au long de la démarche pour s'assurer que les actions effectuées par les élèves seront adéquates.

Dès la première étape, soit celle du modelage, l'enseignant s'efforce de mettre en place les moyens nécessaires à l’obtention d’un haut niveau d'attention de la part des élèves. Il se préoccupera ensuite de rendre visibles, au moyen d’interventions verbales, tous les liens à faire entre les nouvelles connaissances et celles apprises antérieurement, tout raisonnement, toute stratégie ou procédure susceptibles de favoriser la compréhension du plus grand nombre. Lors du modelage, l’information est présentée en petites unités, dans une séquence graduée, généralement du simple au complexe, afin de respecter les limites de la mémoire de travail. La présentation d’une trop grande quantité d’informations nuit à la compréhension en surchargeant la mémoire de travail de l’élève. Cela a pour effet de compromettre la construction d’une représentation adéquate des apprentissages à réaliser.

C’est au moment de la deuxième étape, la pratique guidée, que l'enseignant vérifie la qualité de la compréhension des élèves. À cette fin, il leur propose des tâches semblables à celle qui ont été effectuées à l’étape du modelage et à travers lesquelles il les questionnera de façon à établir une rétroaction régulière. Cette étape est favorisée par le travail d’équipe qui permet aux élèves de vérifier leur compréhension en échangeant des idées entre eux. La pratique guidée aide les élèves à vérifier, à ajuster, à consolider et à approfondir leur compréhension de l’apprentissage en cours, par l’arrimage de ces nouvelles connaissances avec celles qu’ils possèdent déjà en mémoire à long terme.

Finalement, l’enseignant ne délaissera la pratique guidée pour la pratique autonome, soit la troisième étape, que lorsqu’il se sera assuré que les élèves auront atteint un niveau de maîtrise élevé de la matière à apprendre. La pratique indépendante constitue l'étape finale qui permet à l'élève de parfaire (généralement seul) sa compréhension dans l'action, jusqu'à l'obtention d'un niveau de maîtrise de l'apprentissage le plus élevé possible. L’atteinte d’un niveau de maîtrise élevé des connaissances (Mastery Learning) obtenu grâce aux multiples occasions de pratique permet d’améliorer leur organisation en mémoire à long terme, en vue d’atteindre le stade de l’automatisation (sur-apprentissage), facilitant ainsi leur rétention et leur rappel éventuel.

« La pratique indépendante offre des occasions supplémentaires d 'amener les élèves à acquérir une certaine aisance lorsqu'ils mettent en pratique des habiletés. De plus, les élèves doivent obtenir suffisamment de succès dans leur pratique pour en arriver à un sur-apprentissage, puis à une automatisation. Rappelons-nous que tout ce que les élèves apprennent est susceptible d 'être oublié s'ils n 'ont pas l'occasion de pratiquer jusqu'au point de sur-apprentissage. Il s 'avère particulièrement important d 'atteindre ce point dans le cas de matériel hiérarchisé comme les mathématiques et la lecture à l'élémentaire. Sans sur-apprentissage jusqu 'au point d 'automatisation, il y a peu de chance que le matériel soit retenu. »

 

Enseignement explicite, et non enseignement magistral

Quoique les recherches expérimentales effectuées en classe viennent corroborer l’efficacité de l’enseignement explicite sur l’apprentissage des élèves, nombreux sont les intervenants en éducation qui, au fait de ces effets positifs, ont tendance à confondre l'enseignement traditionnel de type magistral avec l'enseignement explicite, en prétendant qu'il fait appel à la même démarche pédagogique. De là à conclure que cette démarche est employée dans nos écoles depuis toujours, il n’y a qu’un pas qui, malheureusement, est trop vite franchi.

Or, la différence entre l’enseignement explicite et l’enseignement magistral est importante. La confusion avec l’enseignement magistral s’explique par l’équivalence que plusieurs établissent entre la présentation magistrale et le modelage, et la pratique autonome, qu’ils assimilent à tort à l’exercisation. Toutefois, c’est dans la deuxième étape de sa démarche, soit la pratique guidée, que l’enseignement explicite se distingue fondamentalement de l’enseignement magistral. Alors que l’enseignement magistral est axé sur la transmission du contenu, l’enseignement explicite porte principalement sur la compréhension de la matière et son maintien en mémoire. Tandis que, souvent, la pédagogie traditionnelle ne permettra aux élèves de vérifier s’ils ont compris la matière qu’au moment de la correction, à la fin de l’exercisation, l’enseignement explicite permet à l’enseignant de valider le degré de compréhension des élèves dès l’étape de la pratique guidée. C’est d’ailleurs uniquement par une telle démarche de validation que l’enseignant peut s’assurer que les élèves ne mettront pas en application des apprentissages mal compris, pouvant les conduire à développer des connaissances erronées. Au Secondaire, les enseignants considérés comme les plus efficaces (ceux qui facilitent l'apprentissage) accordent en moyenne 23 minutes sur une période de 50 au modelage et à la pratique guidée, avant de proposer aux élèves l’étape de la pratique autonome, tandis que les moins efficaces y consacrent seulement 11 minutes.

L’enseignement explicite se préoccupe donc, d’une part, d’activer ou de présenter toute information permettant aux élèves de se construire une représentation adéquate de l’apprentissage, c’est-à-dire de faire preuve de compréhension. D’autre part, ce type d’enseignement fournit également les stratégies, procédures ou démarches facilitant les traitements à effectuer sur la représentation, en vue de produire une réponse de qualité. Le questionnement et la rétroaction sont donc essentiels, tout au long de cette démarche d’enseignement, afin de procurer à l’élève le feed-back et l’enseignement correctif dont il peut avoir besoin pour réaliser adéquatement les apprentissages visés. Ces stratégies préviennent le développement de connaissances erronées pouvant conduire directement à l’échec.

Quoique l’enseignement explicite soit efficace auprès des élèves en général, ainsi que chez ceux provenant de milieux défavorisés, quel effet engendre-t-il lorsqu'il est appliqué particulièrement avec des élèves en difficulté d’apprentissage ? Les travaux de recherche permettent de répondre à cette question et de formuler certaines recommandations concernant la manière de moduler la démarche d’enseignement explicite auprès de cette clientèle.

 

L’efficacité de l’enseignement explicite auprès des élèves en difficulté d’apprentissage

Les travaux récents ont démontré l’impact significatif de l’enseignement explicite auprès des élèves en difficulté d’apprentissage. Les études contenaient des expérimentations reliées à la lecture, à l’écriture, aux mathématiques, ainsi que des expérimentations visant le développement des habiletés cognitives supérieures telles que la métacognition, la compréhension de texte et la résolution de problème. Les expérimentations ont été réalisées auprès d’élèves en difficulté dont l’âge moyen est de 11 ans, dont le quotient intellectuel les situait dans la moyenne (m=94) et dont le rendement en lecture (m=71), ainsi qu’en mathématiques (m=74), était sous la moyenne.

Neuf composantes ont été identifiées qui se retrouvent à l’intérieur des programmes d’intervention efficace mis en place auprès d’élèves en difficulté d’apprentissage. Cette démarche d’intervention débute par la mise en place de l’enseignement explicite en classe régulière au primaire. L’enseignement dispensé y est explicite et systématique tel que présenté précédemment : présentation de l’objectif d’apprentissage et communication des attentes, révision des connaissances préalables, modelage de l’apprentissage à l’aide d’exemples et de contre-exemples, pratique dirigée de l’apprentissage avec questionnement et rétroaction de l’enseignant, utilisation du travail d’équipe et du tutorat lors de la pratique dirigée, pratique autonome de l’apprentissage avec supervision et correction de l’enseignant, évaluation et révision quotidienne. À ce niveau, l’enseignant adopte un rythme de présentation assez rapide pour maintenir l’attention et l’engagement des élèves, établit des attentes élevées envers tous les élèves, verbalise à haute voix toute stratégie ou démarche nécessaires à l’accomplissement de la tâche et utilise au besoin un support visuel à l’apprentissage (tableau, graphique, « advanced organizers »). Ce premier niveau d’intervention représente une mesure préventive car l’utilisation d’une démarche d’enseignement explicite en classe régulière favorise l’apprentissage de l’ensemble des élèves. Cependant, ce niveau d’intervention ne peut garantir, à lui seul, l’apprentissage de tous les élèves. Il faut alors mettre en place les interventions du second niveau.

Au second niveau, les interventions proposées s’effectuent toujours en classe régulière, mais elles concernent seulement les élèves n’ayant pas réussi les apprentissages prévus au premier niveau de la démarche d’enseignement explicite. À ce deuxième niveau, les élèves en difficulté se verront offrir des occasions d’apprentissage supplémentaires, afin de maîtriser les objectifs prévus. Par conséquent, l’enseignant devra identifier, à l’intérieur du temps de classe, des moments propices pour mettre en place les interventions du second niveau. L’aide aux élèves en difficulté débute par une évaluation de leurs difficultés. Il s’agit de repérer les obstacles à l’apprentissage et les sources d’incompréhension. Ensuite, l’enseignement explicite dispensé à ce groupe d’élèves sera micro-gradué, respectant une séquence d’apprentissage allant du simple vers le complexe, du facile vers le difficile, avec un questionnement fréquent et une rétroaction constante. Ces interventions respectent les recommandations concernant le contrôle du niveau de difficulté de la tâche, l’enseignement en petit groupe et le questionnement de l’enseignant.

Dans les classes du Secondaire, l’enseignant peut également recourir aux représentations concrètes de ce qui est à apprendre et aux activités de manipulation pour faciliter la compréhension de l’objet d’apprentissage. De plus, les renforcements, les systèmes d’émulation et l’utilisation de programmes informatiques pouvant consolider les apprentissages s’avèrent généralement nécessaires à ce stade de la démarche. Le déploiement des interventions au second niveau sera facilité par l‘aide de l’orthopédagogue. En effet, différentes modalités peuvent être mises en place : le co-enseignement peut être envisagé, une aide peut être fournie concernant l’évaluation, on peut prévoir de l’enseignement l’enseignement micro-gradué, etc. Les interventions employées aux deux premiers niveaux de la démarche systémique d’enseignement explicite maintiennent une visée préventive.

Malgré les interventions réalisées aux niveaux 1 et 2, certains élèves manifesteront des difficultés persistantes nécessitant des interventions de troisième niveau. Les interventions effectuées à cette dernière étape de la démarche sont réalisées hors classe régulière par un enseignant spécialisé. Celles-ci exigent des conditions particulières qui ne sont pas applicables habituellement, au quotidien, dans une classe ordinaire. L’enseignement explicite dispensé à ce niveau est intensif, individualisé ou se réalise en groupe restreint et correspond exactement aux difficultés de l’élève. Pour ce faire, lors des périodes d’enseignement explicite et intensif, l’élève est retiré temporairement de sa classe régulière pour la durée de l’intervention seulement. Il est évalué, au préalable, et reçoit ensuite des leçons d’enseignement qui correspondent exactement aux besoins identifiés. L’enseignement est hyper-explicite, engage l’élève activement dans la tâche par un questionnement fréquent, minimise les pertes de temps et maximise le temps consacré aux apprentissages. L’intervention intensive prend fin lorsque l’élève atteint les objectifs prévus.

 

 

Démarche systémique d’enseignement explicite

Niveau 3 : Enseignement explicite, intensif, individualisé ou à groupe restreint, dispensé temporairement par un enseignant spécialisé, généralement l’orthopédagogue à l’extérieur de la classe régulière.
Niveau 2 : Enseignement explicite dispensé en classe régulière incluant des occasions d’apprentissage supplémentaires et l’aide de l’orthopédagogue pour y parvenir.
Niveau 1 : Enseignement explicite dispensé en classe régulière.

 

 

Il est important de noter que l’enseignement explicite et intensif ne correspond nullement aux mesures orthopédagogiques de type dénombrement flottant, soit une intervention consistant à rencontrer un ou des élèves une à deux fois par semaine, et ce, pour de courtes périodes de temps. Au contraire, en enseignement intensif, les interventions sont réalisées quotidiennement, de 4 à 5 fois par semaine, pour une durée variant de 30 minutes à plus de 2 heures par jour.

Il faut préciser que la démarche d’enseignement explicite en trois niveaux ne signifie pas pour autant qu’il faille abolir ou limiter l’intégration des élèves en difficulté en salle de classe régulière. Au contraire, les deux premiers niveaux de cette démarche favorisent l’intégration de cette clientèle en classe ordinaire. Mais il faut néanmoins reconnaître les limites de ce type d’encadrement et recommander, lorsque nécessaire, le recours à l’enseignement explicite et intensif dispensé par un spécialiste à l’extérieur de la classe régulière. Le mouvement d’intégration totale des élèves en difficulté d’apprentissage en classe ordinaire rejette généralement l’idée de recourir aux interventions de niveau tertiaire, même lorsque les élèves sont exclus temporairement de la classe régulière. Or, à ce sujet, une analyse rigoureuse de la littérature effectuée par Zigmond (2003) précise que : « Qu’avons-nous appris des 35 dernières années de recherches sur l’efficacité ? Nous savons que ce qui fait la différence, c’est ce qui se passe à tel endroit, et non l’endroit lui-même. Nous savons que nous apprenons ce sur quoi nous passons du temps à travailler, et que les élèves en difficulté n’apprendront ni à lire, ni à écrire, ni à compter, s’ils n’y passent pas un temps supérieur à celui habituellement consacré à ces tâches. Nous savons que les élèves en difficulté ont besoin d’un enseignement explicite et intensif. »

Ainsi, il s’avère inapproprié d’éliminer d’emblée la possibilité d’offrir un enseignement explicite et intensif aux élèves en grande difficulté, lorsque ceux-ci en manifestent le besoin. À cet égard, la recherche est révélatrice. En 1993-1994, une équipe de chercheurs québécois a implanté, dans 13 classes de la 3e année du primaire, le projet PIER ( Programme d'intervention auprès des élèves à risque). Il s’agit d’un programme d’inspiration socio-constructiviste préconisant uniquement l’aide aux élèves en difficulté en classe régulière par l’entremise de tâches complexes et signifiantes. Ainsi, dans ce programme, l’orthopédagogue ne rencontre pas les élèves en difficulté hors de la classe régulière, mais collabore plutôt et co-enseigne avec l’enseignant titulaire à ces derniers. Les résultats de cette étude indiquent clairement que ce programme ne produit aucun gain significatif auprès des élèves identifiés en difficulté d’apprentissage, comparativement aux interventions pédagogiques de type dénombrement flottant : « Les résultats de la présente étude indiquent que le soutien apporté par le projet PIER était insuffisant pour les élèves en difficulté. Cette conclusion est semblable à celle de modèles similaires. La présente étude montre que l’intégration à la classe régulière proposée par le projet PIER ne produisait pas d’amélioration sensible dans les résultats des élèves en difficulté… D’autre part, il se peut que ce type d’enseignement ne soit pas suffisant pour aider ces élèves de manière significative, et il peut donc être nécessaire d’y adjoindre un enseignement extérieur à la classe régulière. »

En somme, les interventions pédagogiques de troisième niveau s’avèrent encore indispensables et méritent d’être tentées plutôt que rejetées d’entrée de jeu.

À ce sujet, deux chercheurs québécois ont publié un guide pédagogique destiné aux enseignants œuvrant auprès d’élèves en difficulté intitulé : Pour un départ assuré en lecture, écriture et mathématique, et autres apprentissages personnels et sociaux. Dans leur guide, ils identifient, à partir d’une analyse des modèles d’intervention en usage au Québec, l’enseignement explicite et l’intervention intensive comme étant les modèles pédagogiques les plus efficaces pour l’apprentissage et la rééducation de la lecture.

« L’enseignement explicite consiste à rendre visibles aux élèves les procédures cognitives sousjacentes à l’exercice d’une habileté ou à l’accomplissement d’une tâche. L’enseignement explicite de la lecture propose des activités et des procédures concrètes pour favoriser le développement d’habiletés telles que la sélection d’informations, l’analyse de questions, la formulation d’hypothèses suite à un bris de compréhension, l’élaboration de liens entre des informations, l’inférence et l’autoquestionnement. Des activités pratiques sont également prévues pour faciliter l’acquisition du décodage et son automatisation ainsi que l’exactitude et le débit en lecture. L’intervention intensive est une solution de remplacement au dénombrement flottant, aux classes ressources et aux classes spéciales pour les élèves en difficulté d’apprentissage. L’intervention intensive intègre des éléments de l’enseignement explicite ainsi que des principes découlant de recherches sur l’efficacité de l’enseignement et les élèves de milieux défavorisés ou en difficulté d’apprentissage. L’intervention intensive est une approche exigeante qui confronte et bouscule plusieurs pratiques et conceptions courantes. » (Boyer, 2001, p.1.)

« En enseignement intensif, le taux de succès dépasse 60 %, [bien] que les critères pour en évaluer l’efficacité soient élevés : gain de 30 mots et plus en débit, au moins 90 % en exactitude et 25 points de gain en compréhension. »

 

Composantes des interventions efficaces
(Traduit de Swanson et Hoskyn, 1998.)

1. La mise en séquences :
Segmenter la tâche globale en plus petites séquences ou unités.
Adapter la difficulté de la tâche au niveau de performance de l’élève.
Accompagner l’élève étape par étape.

2. Les exercices et la révision :
Planifier les révisions et les exercices en fonction du niveau de maîtrise recherché.
Utiliser de manière répétée les outils appropriés pour consolider les apprentissages.
Assurer des pratiques répétées et des révisions graduées.
Donner des rétroactions quotidiennes.
Effectuer des révisions hebdomadaires.

3. La segmentation :
Décomposer les habiletés visées en unités plus petites et les ordonner pour faciliter l’enseignement et l’apprentissage.

4. Le questionnement :
Inciter l'élève à poser des questions, de sorte qu'il s'engage dans un dialogue avec ses pairs ou avec l'enseignant.

5. L'échafaudage :
Contrôler le niveau de difficulté de la tâche présentée à l'élève.
Verbaliser les étapes pour résoudre le problème et exprimer à voix haute le suivi de son raisonnement.
Donner des indices.
Favoriser la compréhension à l'aide de questions.
Présenter des activités de courte durée et fournir l'appui nécessaire à leur réalisation.
Présenter les tâches du facile vers le difficile.

6. La technologie :
Faciliter la représentation visuelle de concepts par l'utilisation de technologies multimédias afin d'aider à la représentation mentale d'abstractions ou de schèmes plus complexes à saisir.

7. L'enseignement-apprentissage en sous-groupes :
Travailler en petits groupes pour favoriser la discussion entre les élèves et entre ceux-ci et l'enseignant.

8. Le support des parents :
Impliquer les parents dans l’aide aux devoirs et aux leçons.

9. L’enseignement de stratégies :
L’enseignement de stratégies cognitives et métacognitives encourage l'élève à faire ressortir ses propres représentations, à dégager l'essentiel des éléments d'information, à sélectionner des techniques appropriées de mémorisation, à repérer les séquences et le cheminement logique d'un raisonnement, à réutiliser les connaissances récemment acquises, à comparer les démarches ainsi qu'à situer ses erreurs et à en analyser les causes.

 

Démarche d’enseignement explicite
(Traduit de Swanson et Deshler, 2003.)

1. Présenter les objectifs de l’apprentissage et indiquer aux élèves ce qu’ils sont censés apprendre ainsi que le niveau de performance attendu.
2. Rappeler les connaissances nécessaires à la compréhension des nouveaux concepts.
3. Présenter le contenu à l’aide d’exemples et faire une démonstration des concepts à l’aide du matériel.
4. Poser des questions aux élèves, évaluer leur niveau de compréhension et faire un enseignement correctif au besoin.
5. Faire travailler les élèves en équipe et individuellement. Fournir aux élèves l’occasion d’appliquer la stratégie enseignée et de s’approprier les nouvelles informations.
6. Évaluer la performance des élèves et leur fournir de la rétroaction. Vérifier le travail individuel et évaluer les élèves. Donner de la rétroaction sur les réponses et sur les stratégies utilisées par les élèves.
7. Prévoir divers moments de pratique autonome et de révision.

 
 
Une réalisation LSG Conseil.