Qu'est-ce qui aide l'élève à apprendre ? Imprimer Envoyer
Pédagogie Explicite - Études
Écrit par Margaret Wang, Geneva Haertel, Herbert Walberg   
Mercredi, 01 Décembre 1993 00:00

Margaret Wang, Geneva Haertel, Herbert Walberg

Qu'est-ce qui aide l'élève à apprendre ?

Vie pédagogique, n° 90, septembre/octobre 1994

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Selon une analyse couvrant 50 ans de recherches, les influences directes telles que la gestion de classe ont plus d'effet sur l'apprentissage que les influences indirectes comme les modes d'organisation ou les politiques.

Les modifications effectuées en éducation devraient s'appuyer sur une base de connaissances tirées de la recherche, et cette base commence aujourd'hui à prendre forme. L'analyse de 179 comptes rendus et chapitres de manuels, la compilation de 91 synthèses de recherches ainsi qu'une enquête auprès de 61 chercheurs en éducation nous ont permis de créer une base de connaissances comprenant 11 000 résultats statistiques, desquels se dégage un certain consensus quant aux influences les plus déterminantes sur l'apprentissage (Wang, 1990 ; Reynolds et al., 1992) [1].

Nous avons trouvé, en substance, que les influences directes sont plus importantes pour l'apprentissage que les influences indirectes. Les influences directes comprennent, par exemple, le temps que l'enseignant consacre à une matière et la qualité de ses interactions sociales avec les élèves. Les influences indirectes comportent les diverses mesures qu'adoptent l'école, le district (commission scolaire) et l'État ainsi que les caractéristiques organisationnelles telles que la gestion scolaire décentralisée.

 

La compilation des données

Pour résumer les résultats de notre recherche, nous avons utilisé un cadre d'analyse comprenant 28 catégories déterminées à partir de modèles de pratiques scolaires établis en fonction des influences sur l'apprentissage [2]. Les premiers modèles reposaient sur des variables comme les aptitudes de l'élève, sa motivation, ses connaissances préalables et son milieu socioculturel. D'autres éléments clés relatifs à l'enseignement en classe étaient également considérés: enthousiasme, clarté de l'enseignement, rétroactions fréquentes, techniques ou stratégies de rattrapage. Les modèles, de plus en plus nombreux, se sont depuis élargis pour tenir compte de variables extrascolaires, des influences sociopsychologiques, des systèmes didactiques, de la planification du programme et de sa mise en œuvre. Le tableau 1 présente les 28 catégories du cadre d'analyse avec, pour chacune d'entre elles, un exemple de variable [3].

 

Tableau 1 :

28 catégories d'influence sur l'apprentissage scolaire

Aptitudes de l'élève : comprend le sexe, le passé scolaire et un ensemble de caractéristiques sociales, comportementales, cognitives et affectives, incluant la motivation.

1. Processus métacognitifs

Contrôle de la compréhension (planification; contrôle de l'efficacité et des résultats des mesures expérimentées; révision et évaluation des stratégies d'apprentissage)

2. Processus cognitifs

Étendue des connaissances scolaires dans un domaine précis

3. Attributs sociaux et comportementaux

Comportement constructif, non perturbateur

4. Motivation et attributs affectifs

Attitude à l'égard de la matière enseignée

5. Habiletés psychomotrices

Habiletés psychomotrices propres au domaine

6. Démographie de la population scolaire

Sexe et statut socioéconomique

Façon d'enseigner et climat en classe: comprend le fonctionnement habituel de la classe, la façon dont les connaissances sont transmises, la gestion de classe, la supervision du progrès de l'élève, la qualité et le nombre des heures d'enseignement, les interactions entre les élèves et l'enseignant et l'ambiance de la classe.

7. Gestion de classe

Techniques de maintien de l'intérêt des élèves (recours aux questions et aux récitations pour maintenir une participation active de tous les élèves)

8. Interactions sociales entre les élèves et l'enseignant

Réaction positive des élèves aux questions de l'enseignant et des autres élèves

9. Nombre d'heures d'enseignement

Engagement actif dans les études

10. Climat en classe

Cohésion du groupe (communauté de champs d'intérêt et de valeurs, accent sur la collaboration)

11. Façon d'enseigner en classe

Enseignement direct, clair et bien organisé

12. Interactions pédagogiques

Demandes fréquentes de réponses substantielles, oralement et par écrit

13. Contrôles de connaissances

Contrôles fréquents, faisant partie intégrante de l'enseignement

14. Conduite de la classe et soutien pédagogique

Efficacité de la conduite habituelle de la classe et des règles de communication

Contexte : comprend la démographie de la localité, la culture des autres élèves, le soutien et la participation des parents, le nombre d'heures que l'élève consacre hors classe à regarder la télévision, à lire, à faire ses devoirs, etc.

15. Milieu familial et soutien parental

Attention que portent les parents à l'exécution des devoirs par l'élève

16. Autres élèves

Niveau d'aspiration des autres élèves

17. Influences du milieu

Conditions socio-économiques du milieu

18. Activités extrascolaires

Participation de l'élève à des activités de cercles sociaux ou du cadre parascolaire

Planification du programme : a trait aux conditions physiques et organisationnelles de la transmission des connaissances et comprend les stratégies spécifiées dans le programme scolaire ainsi que les caractéristiques du matériel pédagogique.

19. Conception du programme

Matériel pédagogique comportant des introductions schématiques, des entrées en matière propres à susciter des interrogations pertinentes chez l'élève

20. Contenu du programme scolaire

Cohérence entre les objectifs, le contenu, les règles, les contrôles de connaissances et l'évaluation des enseignants

21. Traits démographiques

Taille des groupes d'élèves visés par l'enseignement (enseignement à une classe entière, à un petit groupe, ou enseignement individuel)

Organisation de l'école : a trait à la culture scolaire, au climat, aux politiques et aux pratiques éducatives; comprend la démographie de la population scolaire, le financement public ou privé de l'établissement, les fonds consacrés à des besoins particuliers, les variables de la prise de décisions en ce qui concerne l'établissement et les politiques et pratiques de l'école.

22. Culture de l'école

Valorisation du succès scolaire à tous les échelons de l'établissement

23. Prise de décisions des enseignants et des administrateurs

Rôle actif du directeur des affaires pédagogiques

24. Politique de participation parentale

Participation des parents au processus d'amélioration et de mise en oeuvre du programme éducatif

25. Traits démographiques de l'école

Nombre d'élèves

26. Politique de l'école

Politique claire de discipline appliquée uniformément à tous les élèves

Caractéristiques de l'État et du district : comprend l'administration et la gestion, la politique étatique en matière de programmes et de manuels scolaires, les exigences relatives aux évaluations et aux diplômes, les permis d'enseigner, les dispositions du contrat de l'enseignant ainsi que les variables fiscales et administratives en ce qui concerne le district.

27. Politique éducative de l'État

Exigences relatives à l'obtention du permis d'enseigner

28. Traits démographiques du district

Importance quantitative du district scolaire

 

 

En combinant les résultats des analyses, des synthèses de recherches et de l'enquête auprès des spécialistes, nous avons calculé la moyenne de chacune des 28 catégories [4]. Le tableau 2 présente celles-ci dans un ordre décroissant, en commençant par la plus importante. Ce sont la gestion de classe, les processus métacognitifs, les processus cognitifs, le milieu familial et le soutien parental de même que les interactions sociales entre les élèves et l'enseignant qui ont le plus d'influence sur l'apprentissage scolaire. Les influences les plus faibles relèvent quant à elles des traits démographiques du programme des traits démographiques de l'école, de la politique éducative de l'État, de la politique et de l'organisation de l'école et enfin des traits démographiques du district.

TABLEAU 2
Influences relatives sur l'apprentissage

 

Gestion de classe

Processus métacognitifs

Processus cognitifs

Milieu familial et soutien parental

Interactions sociales entre les élèves et l'enseignant

Attributs sociaux et comportementaux

Motivation et attributs affectifs

Autres élèves

Nombre d'heures d'enseignement

Culture de l'école

Climat de la classe

Façon d'enseigner en classe

Caractéristiques du programme scolaire

Interactions pédagogiques

Contrôles de connaissances

Influences du milieu

Habiletés psychomotrices

Prise de décisions des enseignants et des administrateurs

Contenu du programme scolaire et façon de l'enseigner

Politique de participation parentale

Conduite de la classe et soutien pédagogique

Démographie de la population scolaire

Activités extrascolaires

Traits démographiques du programme

Traits démographiques de l'école

Politique éducative de l'État

Politique de l'école

Traits démographiques du district

64,8

63,0

61,3

58,4

56,7

55,2

54,8

53,9

53,7

53,3

52,3

52,1

51,3

50,9

50,4

49,0

48,9

48,4

47,7

45,8

45,7

44,8

44,3

42,8

41,4

37,0

36,5

32,9

 

On appelle méta-analyse cette méthode de compilation statistique de résultats provenant d'études diverses, dont la grandeur, la rigueur et les caractéristiques de l'échantillonnage diffèrent entre elles. La méta-analyse fournit une évaluation de l'effet d'une méthode ou d'une condition particulière à partir de toutes les études que l'on trouve à ce sujet. Ainsi, les évaluations que nous proposons représentent une moyenne.

Notons qu'un grand nombre des méta-analyses reposent uniquement sur les tests uniformisés, les évaluations de dissertations et autres méthodes traditionnelles de mesure des connaissances scolaires. Peu d'études s'appuient sur des évaluations de dossiers, des présentations, des exercices en laboratoire ou d'autres mesures aujourd'hui recommandées, ce qui s'explique en grande partie par le peu de recherches effectuées à ce jour sur ces mesures. Néanmoins, les nombreux chercheurs qui ont participé à notre analyse montrent une grande cohérence dans leur appréciation des effets possibles de certaines méthodes et conditions sur la mesure des nouveaux résultats. Le jugement collectif de ces spécialistes a donc constitué un des indices de l'efficacité de chaque méthode.

Pour mieux comprendre lesquelles des influences sont les plus importantes, nous avons regroupé les 28 catégories selon six grands types d'influence : aptitudes de l'élève, façon d'enseigner et climat en classe, contexte, planification du programme, organisation de l'école, et enfin caractéristiques de l'État et du district (voir tableau 1). Le tableau 3 montre les six grands types d'influence et leurs résultats moyens. De nouveau, ces résultats confirment l'effet déterminant des influences directes.

TABLEAU 3

Type d'influence

Influence moyenne

Aptitudes de l'élève

Façon d'enseigner et climat en classe

Contexte

Planification du programme

Organisation de l'école

Caractéristiques de l'État et du district

54,7

53,3

51,4

47,3

45,1

35,0

 

Aptitudes de l'élève

Notre recherche indique que les aptitudes de l'élève occupent le premier rang des six grands types d'influence. Parmi les catégories qui s'y trouvent rassemblées, c'est celle des processus métacognitifs (la capacité de l'élève à planifier, à contrôler et, au besoin, à réviser ses stratégies d'apprentissage) qui a le plus d'effet sur l'apprentissage de l'élève. La recherche sur les processus métacognitifs a donné lieu à de nouveaux programmes scolaires et à de nouvelles techniques pédagogiques, dont l'enseignement réciproque et l'exercice des habiletés cognitives.

Les processus cognitifs sont aussi très importants. Ils relèvent non seulement de variables comme l'intelligence générale, mais également des connaissances préalables, des aptitudes en lecture et en mathématique ainsi qu'en expression orale.

Étant donné la nature sociale des études, les attributs sociaux et comportementaux constituent une catégorie non négligeable. Les élèves qui perturbent la classe par leur comportement, par exemple en parlant sans en avoir la permission ou en frappant d'autres élèves, ont souvent un rendement scolaire médiocre, tandis que ceux qui adoptent un comportement constructif ont plus de chances d'obtenir de meilleurs résultats.

La catégorie motivation et attributs affectifs a reçu de plus en plus d'attention au cours de la dernière décennie. La motivation de l'élève détermine l'étendue de ses efforts et de sa persévérance. Ces deux éléments, dont l'importance est depuis longtemps reconnue par les enseignants, sont maintenant considérés par les chercheurs en éducation comme des attributs fondamentaux pour la formation d'élèves autonomes et maîtres de leur apprentissage.

Les deux autres catégories, soit les habiletés psychomotrices et la démographie de la population scolaire (par exemple, le sexe et le statut socio-économique) n'exercent qu'une influence minimale.

 

Façon d'enseigner et climat en classe

Les différents types d'enseignement et de climat en classe ont presque autant d'influence sur l'apprentissage que les aptitudes de l'élève.

En faisant la moyenne des différents types d'enseignement et de climat en classe, on constate qu'ils ont presque autant d'effet sur l'apprentissage que les aptitudes de l'élève. La catégorie la plus importante, celle de la gestion de classe, comprend les techniques de maintien de l'intérêt des élèves, la responsabilisation de l'apprenant, les bonnes transitions et la présence d'esprit de l'enseignant [5]. Une gestion de classe efficace contribue à augmenter l'engagement de l'élève dans ses études, à réduire les comportements perturbateurs et à favoriser une utilisation optimale du temps consacré à l'enseignement.

Il est également démontré que les interactions sociales constructives entre élèves et enseignants influent sur l'apprentissage scolaire. La fréquence et la qualité de ces interactions favorisent le respect de soi chez l'élève et l'acquisition d'un sentiment d'appartenance à la classe et à l'école.

Les recherches approfondies sur le nombre d'heures d'enseignement indiquent que l'élève a besoin de se sentir totalement engagé dans la poursuite d'objectifs scolaires et que l'enseignant, pour sa part, doit faire un usage adéquat de son temps d'enseignement. Toutes choses égales d'ailleurs, plus le nombre d'heures d'enseignement est élevé, meilleurs sont les résultats (dans une certaine limite, bien sûr).

Le climat en classe a trait aux aspects sociopsychologiques de la vie en classe, ce qui comprend la collaboration entre élèves et enseignants, une communauté de champs d'intérêts et de valeurs, la poursuite d'objectifs communs, une priorité claire accordée aux études, des cours bien planifiés et organisés, des objectifs d'apprentissage explicites, un niveau de difficulté des tâches adapté à l'élève et un rythme d'enseignement adéquat (Haertel et autres, 1981).

La façon d'enseigner en classe regroupe les techniques permettant à l'élève de saisir aussi bien les objectifs d'apprentissage que la matière qu'on lui présente. L'enseignement direct, exemple de ces techniques, met l'accent sur la planification fine et rigoureuse des leçons et implique le recours aux révisions, la présentation de matière nouvelle, les exercices guidés, l'utilisation de rétroactions, les techniques de rattrapage et les exercices individuels.

Les interactions pédagogiques ainsi que les contrôles de connaissances ont une influence modérée. Les interactions pédagogiques comprennent la façon dont l'enseignant pose les questions, félicite l'élève, effectue un renforcement et recourt à des stratégies de rattrapage. Plus que pour toute autre méthode peut-être, l'efficacité des contrôles de connaissances dépend largement de leur nature et de leur mode de passation. De nombreuses études démontrent que des contrôles fréquents accompagnés de rétroactions améliorent beaucoup l'apprentissage. Certains chercheurs, cependant, émettent des réserves à l'égard des contrôles de connaissances uniformisés à l'échelle nationale et s'inquiètent du fait qu'une réforme de l'éducation puisse être orientée selon les résultats des élèves à ces contrôles. Aussi, le résultat moyen que nous avons obtenu pour les contrôles de connaissances est-il sans doute attribuable au mélange de données favorables et de préoccupations sérieuses à ce sujet.

Quant à la catégorie conduite de la classe et soutien pédagogique, elle concerne la façon de fournir les services éducatifs, le perfectionnement du personnel et la formation adéquate des enseignants. Notre étude indique que c'est cette catégorie qui exerce le moins d'influence parmi celles que recouvrent la façon d'enseigner et le climat en classe. Comme dans le cas d'autres facteurs qui sont perçus comme importants par les éducateurs et qui, pourtant, apparaissent d'une influence mineure sur l'apprentissage de l'élève, le faible résultat de cette catégorie pourrait bien refléter certaines lacunes dans l'application de ses variables plutôt que son influence relative. En effet, même si les enseignants sont informés sur la manière d'appliquer une mesure particulière ou une nouvelle théorie, il est possible qu'ils ne réussissent pas à passer de la théorie à la pratique. Cette difficulté peut s'expliquer par un manque de ressources, par exemple un manque de temps ou de matériel pédagogique, ou encore par un mauvais ajustement de la nouvelle pratique à la classe existante, à son fonctionnement habituel et à ses objectifs éducatifs.

Bien que les variables de la conduite de la classe et du soutien pédagogique n'apparaissent pas comme des facteurs très déterminants dans la présente analyse de la base de connaissances, elles peuvent exercer une grande influence si elles sont bien adaptées aux objectifs de l'école et du district. Toutefois, une application de ces variables qui ne tiendrait pas compte de la situation des élèves n'aurait que peu de chances d'améliorer l'apprentissage scolaire.

 

Contexte

Les quatre éléments extrascolaires liés au contexte influent presque autant sur l'apprentissage que les aptitudes de l'élève ou la façon d'enseigner et le climat en classe. Le milieu familial et le soutien parental se situent parmi les 28 catégories qui ont le plus d'influence. Les avantages de l'intervention positive du milieu familial pour la réussite scolaire sont bien documentés, de même que les effets de cette intervention sur la diminution de l'absentéisme scolaire, du décrochage, de la délinquance et du taux de grossesses (Epstein, 1984 ; Moles, 1982 ; Peterson, 1989, Walberg, 1984). Selon les données de la présente analyse, les autres élèves exercent aussi une grande influence sur l'apprentissage.

La catégorie influences du milieu est moins importante à cet égard que celle du milieu familial et du soutien parental et que celle des autres élèves. Ce n'est que récemment que les influences du milieu ont fait l'objet d'études empiriques, et les données à leur sujet restent encore insuffisantes pour qu'on puisse en conclure à des effets déterminants sur l'apprentissage.

Les activités extrascolaires sont celles qui se font hors du cadre du programme scolaire, par exemple dans des cercles sociaux. Ces activités auraient, selon notre étude, beaucoup moins de poids que les autres facteurs liés au contexte. Or, la recherche sur les activités des élèves se trouve limitée par les lacunes dans la méthode d'évaluation de leur efficacité ou de leur pertinence par rapport aux réalisations scolaires. Il n'en demeure pas moins que ces activités peuvent contribuer beaucoup aux succès scolaires si elles sont judicieusement choisies et pratiquées dans cette optique. Au contraire, le temps consacré, à l'extérieur de l'école, à des activités non constructives ou non déterminées en fonction d'objectifs éducatifs ne produira sans doute pas les résultats escomptés chez l'élève.

 

Planification du programme

Considérées dans leur ensemble, les trois catégories de la planification du programme ont une influence modérée sur l'apprentissage. Ainsi, des manuels bien conçus, une organisation appropriée des groupes d'élèves visés par l'enseignement et des activités en classe choisies en fonction des objectifs d'apprentissage procurent des avantages moyens. Il est possible que la mesure dans laquelle le programme est effectivement réalisé soit un déterminant de l'effet sur l'apprentissage des variables de la planification du programme.

 

Organisation de l'école

En moyenne, l'organisation de l'école a une influence modérée. Parmi ses cinq catégories, la culture de l'école occupe la première place. Par culture de l'école, on entend l'ensemble des mesures distinctives d'un établissement qui favorisent l'enseignement et l'apprentissage. Par exemple, des compétitions scolaires ou des récompenses visant à souligner le mérite scolaire pourraient contribuer à créer une ambiance stimulante dans une école.

La catégorie prise de décisions des enseignants et des administrateurs met l'accent sur le rôle de dirigeant pédagogique du directeur. Bien que l'importance du rôle du directeur ait été fréquemment soulignée, il ne se dégage pas de lien fort, dans notre recherche, entre les qualités du directeur et les résultats des élèves. L'influence d'un directeur remarquable peut en effet se trouver mitigée par de nombreux facteurs: fréquents renouvellements du personnel enseignant, enseignants inexpérimentés, forte concentration d'élèves en difficulté, etc.

La politique de participation parentale consiste à intégrer la participation des parents d'élèves aux processus d'amélioration et de mise en oeuvre du programme éducatif. Si un établissement scolaire peut adopter une politique de participation parentale, l'application réussie d'une politique étroitement liée au développement de l'élève exerce toutefois une plus grande influence sur l'apprentissage.

Les deux dernières catégories, traits démographiques de l'école et politique de l'école, ont peu d'influence sur l'apprentissage comparativement aux 26 autres catégories. Les traits démographiques de l'école comprennent le nombre d'élèves, de classes, d'enseignants et d'assistants de l'établissement. Pour ce qui est des exemples de politique de l'école, citons l'adoption de mesures disciplinaires fermes ou le fait de téléphoner aux parents d'un élève qui serait en retard ou absent.

 

Caractéristiques de l'État et du district

Des 28 catégories étudiées, la politique éducative de l'État et les traits démographiques du district se classent parmi les moins marquantes pour l'apprentissage. La plupart des variables de ces deux catégories sont liées à la gestion et à l'administration scolaires. La politique étatique, par exemple, précise les exigences relatives à l'obtention du permis d'enseigner et les conditions d'évaluation des enseignants, de même que les lignes directrices pour l'élaboration et la sélection des manuels et programmes scolaires. Quant aux traits démographiques du district, ce sont, par exemple, les unités allouées à l'élève, les limites contractuelles en ce qui concerne le nombre d'élèves par classe et l'étendue de la bureaucratie du district scolaire. On comprendra que l'effet de ces influences sur l'apprentissage de l'élève soit limité, étant donné la grande distance qui les sépare de la vie quotidienne en classe.

 

Miser sur les fondements

Bien que nos trois sources indépendantes de données s'accordent en général pour ce qui est de l'effet des 28 catégories sur l'apprentissage scolaire, il subsiste un certain nombre de divergences qui indiquent la voie de nouvelles recherches. On peut espérer que les études et synthèses à venir conduiront à des conclusions plus cohérentes, mais la recherche de résultats précis a ses limites. En raison des circonstances et des modalités d'application différentes d'une étude à l'autre, les éducateurs ne devraient pas s'attendre à des résultats identiques pour l'ensemble des études. Il se peut que certaines pratiques efficaces pour des élèves d'un milieu particulier ne fonctionnent pas dans un autre contexte (bien qu'il soit plus facile de fournir les hypothèses d'explication de cette exception que d'en proposer une démonstration logique).

Les évaluations obtenues sur l'efficacité des diverses stratégies d'amélioration de l'apprentissage fournissent un ensemble de considérations utiles aussi bien pour définir une politique et des pratiques éducatives que pour déterminer les priorités concernant l'amélioration de l'éducation. En général, nos résultats plaident en faveur de la nécessité d'accorder une importance accrue aux influences psychologiques, pédagogiques et contextuelles.

Paradoxalement, les politiques de l'État, du district et de l'école, qui ont reçu le plus d'attention, figurent parmi les influences les plus faibles sur l'apprentissage. Cinquante ans de recherches contredisent ainsi la tendance actuelle des éducateurs à voir dans les variables organisationnelles et la restructuration de l'école les composantes fondamentales d'une réforme scolaire. Du fait que les influences indirectes ne peuvent qu'agir sur les influences directes, les résultats qu'elles produisent apparaissent plus minces et moins cohérents. Par exemple, le fait d'adopter une méthode d'évaluation des enseignants dans un district ne garantit pas que les élèves d'une classe donnée auront un enseignant compétent.

A moins qu'elles ne modifient fortement les déterminants directs de l'apprentissage, les réorganisations et restructurations n'offrent guère d'espoir de parvenir à une amélioration substantielle. Il est peu probable qu'un changement des mesures politiques ou administratives entraîne un changement des pratiques en classe et à la maison là où l'apprentissage s'effectue réellement. Un meilleur ajustement des politiques éloignées et des pratiques directes ainsi qu'une intervention plus ferme sur les déterminants psychologiques de l'apprentissage laissent entrevoir des avenues de réforme des plus efficaces.

 

Références

EPSTEIN, J. “Effects of Parent Involvement on Change in Student Achievement in Peading and Math”, article présenté à la conférence annuelle de l'American Educational Research Association, Nouvelle-Orléans, Louisiane, 1984.

HAERTEL, G., H. WALBERG et E. HAERTEL. “Social-Psychological Environments and Learning: A Quantitative Synthesis”, dans British Educational Research journal, n° 7, 1981, p. 27-36.

MOLES, O. “Syntheses of Recent Research on Parent Participation in Children's Education”, Educational Leadership, no 40, 1982, p. 44-47.

PETERSON, D. Parent Involvement in the Educational Process, Urbana, Illinois, ERIC Clearinghouse on Educational Management, University of Illinois, 1989.

REYNOLDS, M. M. WANG et H. WALBERG. “The Knowledge Bases for Special and General Education”, Remedial and Special Education, n°13, 1992, p. 6-10 et p.33.

WALBERG, H. “Families as Partners in Educational Productivity”, Phi Delta Kappan, n° 65, 1984, p. 397-400.

WANG, M., G. HAERTEL et H. WALBERG. “What Influences Learning? A Content Analysis of Review Literature”, Journal of Educational Research, n° 84, 1990, p. 30-43.

 


[1] . Cette recherche a reçu l'appui financier du Center for Research in Human Development and Education de l'Université Temple et de l'Office of Educational Research and Improvement du Secrétariat d'État à l'éducation des États-Unis. Les opinions exprimées dans le présent article ne reflètent pas nécessairement la position de ces organismes. Pour les détails complets sur les méthodes et les résultats des synthèses, voir M. WANG, G. HEARTEL, et H. WALBERG. “Toward a Knowledge Base for School Learning” dans Review of Educational Research, n° 63, 1993, p. 3.

[2] . Les modèles étudiés comprennent ceux de S. BENNETT, de B. BLOOM, de J. BRUNER, de J. CARROLL, de R. GLASER et enfin de A. HARNISCHFEGER et D. WILEY.

Voir aussi G. HAERTEL, H. WALBERG et T. WEINSTEIN. “Psychological Models of Educational Pefformance: A Theorical Synthesis of Constructs” dans Review of Educational Research, n° 53, 1983, p. 75-91 ; M. WANG et C. LINDVALL, “Individual Differences and School Learning Environments” dans Review of Research in Education, vol. 11, publié par E. Gordon, Washington D.C., American Educational Research Association, 1984, p. 161-225, et M. WANG et H. WALBERG. “Classroom Climate as Mediator of Educational Inputs and Outputs” dans The Study of Learning Environments 1985, publié par B. Fraser, Salem, Ore, Assessment Research, 1985, p. 47-58.

[3] . Les variables figurant dans le cadre d'analyse ont été réparties dans un formulaire de classement comportant 228 articles, de manière à pouvoir coder les résultats provenant des revues de documentation et des synthèses de recherche. Nous avons classé ces résultats selon une échelle de trois points, en nous appuyant sur la quantité d'études qui les corroboraient, sur le degré de corrélation ou enfin sur des indicateurs qualitatifs. La note “1” signifiait un lien faible entre une stratégie donnée et l'apprentissage de l'élève, tandis qu'un “3” signifiait un lien fort.

[4] . Pour que les résultats soient comparables, les données des trois sources ont été transformées en statistiques T, soit une distribution comportant une moyenne de 50 et un écart-type de 10. Les influences relatives des variables ont été calculées en pondérant une combinaison de l'ampleur des effets et de leur importance telle qu'elle est estimée par les spécialistes et les analyses de la documentation faisant autorité.

[5] . La relation entre la bonne gestion de la classe et la réussite de l'élève est expliquée dans J. BROPHY et C. EVERTSON. “Learning”, Teaching: A developmental Perspective, Boston, Allyn & Bacon, 1976 et dans T. GOOD. “Teacher Effectiveness in the Elementary School: What we know About it Now”, Journal of Teacher Education, n° 30, 1979, p. 52-64.

Certaines des premières recherches et des plus instructives sur la gestion de la classe ont donné lieu à une nouvelle terminologie (anglaise) qui est décrite dans J. KOUNIN. Discipline and Group Management in Classrooms, New York, Holt, Rinehart & Winston, 1970.

 
 
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